Les rencontres entre Wernher von Braun et Adolf Hitler

Interrogé après la guerre, Wernher von Braun a affirmé avoir rencontré Adolf Hitler à quatre reprises, en 1934, 1939, 1941 et 1943.

Il se trouve que Wernher von Braun a oublié qu’il a également croisé le chemin d’Hitler fin 1933.

De même, Wernher von Braun n’a pas rencontré Hitler en 1934, mais en 1935. Il s’agit là d’une méprise commise dans toutes les biographies de Wernher von Braun, et pour cause, l’information vient du principal intéressé.

Ce sont les travaux d’Harald Sandner et son ouvrage monumental en quatre tomes intitulé « Hitler – Das Itinerar: Aufenthaltsorte und Reisen von 1889 bis 1945 » de 2 432 pages, paru en mai 2016, dans lequel les lieux où a séjourné Hitler, ses emplois du temps, ses trajets, jusqu’au moyen de transport utilisé, sont rigoureusement consignés, qui ont permis de répondre à cette question de manière définitive.

Cette erreur de Wernher von Braun s’explique par le fait qu’Hitler s’est rendu à Kummersdorf, le centre de recherche de l’Armée de Terre, qui se situe à une cinquantaine de kilomètres au sud de Berlin, fin 1933 et à nouveau au début 1935. Ce sont ces deux visites rapprochées, à moins de 18 mois d’intervalle, qui expliquent la confusion de von Braun, quelque douze années plus tard, puisqu’il n’avait aucune raison de mentir sur le sujet.

En définitive, Wernher von Braun a donc rencontré Hitler à cinq reprises, trois fois à Kummersdorf, et deux fois à la Tanière du Loup (Wolfsschanze), le quartier général d’Adolf Hitler situé à quelques 8 km de Rastenburg en Prusse Orientale (désormais Kętrzyn en Pologne).

Parmi ces dates, deux posaient vraiment problème, 1934 (début 34 pour les historiens) et le 23 mars 1939 une date précise évoquée par de très nombreux ouvrages, y compris le dernier en date en langue française, paru en 2019, intitulé « De la terreur à La Lune » d’Hugues Wenkin ».

Que Hitler se soit rendu à Kummersdorf le jour de l’anniversaire (27 ans) de Wernher von Braun, même si de manière fortuite, aurait tout de même relevé d’une extraordinaire coïncidence.

En effet, il se trouve que ce jour-là, Hitler est en déplacement dans le territoire de Memel, que le Reich vient d’annexer. Hitler quitte Berlin en train le 22 mars à 15:20 pour le port de Swinemünde (à 43 km au sud-est de Peenemünde !) puis se rend à Memel sur le torpilleur Leopard. Il passe la nuit sur le cuirassé Deutschland et regagne Berlin le 24 mars vers 13:30. Le 25 est un samedi, le soir même il quitte Berlin dans son train spécial (Sonderzug) pour se rendre à Munich, puis à Berchtesgaden, il y restera jusqu’au 31 mars.

Toutes les biographies de Wernher von Braun qui ne donnent pas la date du 23 mars 1939, y compris celle de l’Historien Michael Neufeld (von Braun : Dreamer of Space, Engineer of War), parlent du début de l’année ou du printemps 1939. 

La première édition de l’ouvrage d’Harald Sandner ne permet pas de résoudre le problème de l’année 1939. Pire, il ne mentionne aucune visite d’Hitler à Kummersdorf pour l’année 1939. Je lui avais envoyé deux courriels à six mois d’intervalle pour lui poser la question, d’abord en anglais puis en allemand, il n’a jamais daigné me répondre.

C’est finalement le 14 novembre 2023, lorsque j’ai reçu l’édition en anglais de l’ouvrage d’Harald Sandner, qui correspond à la huitième édition allemande, augmentée et corrigée, que l’on trouve enfin une date pour la troisième visite d’Hitler à Kummersdorf. (Entre temps il a dû parfaire ses recherches, ou être aidé par d’autres historiens.)

Il s’agit du 09 mars 1939 !

C’est bien ce jour-là, qu’ après avoir assisté impassible au test d’un moteur fusée, Hitler déclara au mess des officiers : « Es war doch gewaltig ! » – « C’était tout de même impressionnant ! ».

Photo souvenir devant le Mess des Officiers à Kummersdorf – 21 septembre 1933 – De haut en bas : Wernher von Braun, Walter Dornberger, Karl Emil Becker.
Photo souvenir devant le Mess des Officiers à Kummersdorf – 6 février 1935 – De haut en bas : Wernher von Braun, Walter Dornberger, Karl Emil Becker.
On reconnait juste derrière Hitler, Rudolf Hess (à gauche) et Martin Bormann. A la gauche de Becker, Werner von Blomberg. 

Les dates définitives où Wernher von Braun a rencontré Adolf Hitler sont donc :

  • Jeudi 21 septembre 1933 – Kummersdorf Schießplatz
  • Mercredi 6 février 1935 – Kummersdorf Schießplatz
  • Mercredi 9 mars 1939 – Kummersdorf Schießplatz
  • Mercredi 20 août 1941 – Führerhauptquartier Wolfsschanze
  • Mercredi 7 juillet et jeudi 8 juillet 1943 – Führerhauptquartier Wolfsschanze

Barbara Cernan, être l’épouse d’un astronaute

La meilleure description de la situation, de ce que c’est vraiment que d’être l’épouse d’un astronaute, a été donnée par Barbara Cernan.

Barbara Jean Atchley, née en 1938,  s’est mariée avec Eugene Andrew Cernan (14 mars 1934 – 16 janvier 2017) le 6 mai 1961.

Ce dernier effectuera trois missions spatiales (Gemini 9, Apollo 10 et Apollo 17.) totalisant 23 jours 14 heures et 15 minutes de présence dans l’espace, dont quelque 73 heures sur la surface de la Lune.

« Être l’épouse d’un astronaute, c’est être seule la plupart du temps. Il est absent toute la semaine, toutes les semaines, et il n’y a pas de vacances pour se retrouver. Cela implique de faire fi de son ego, alors que le monde vénère votre mari. Cela signifie d’apprendre à changer une roue, à faire de la plomberie, de gérer l’argent et les problèmes domestiques toute seule. Vous devez régler les urgences familiales sans pouvoir demander l’avis de votre conjoint, et vous passez toutes vos soirées à attendre un coup de fil, juste pour entendre sa voix, car c’est tout ce que vous aurez de lui.

Devant les caméras, vous devez afficher un visage confiant, quel que soit votre degré d’anxiété, et endurer la douloureuse épreuve de voir vos chères amies à des funérailles, car elles sont désormais veuves. Vous devez dissimuler vos émotions et ne jamais montrer aucune faiblesse. Vous ne pouvez vous comporter de la sorte seulement si vous croyez dans le programme spatial aussi fort que votre mari. Vous appartenez à un club spécial dans lequel les règles de la vie normale ne s’appliquent pas. Vous faites partie d’une équipe, et devez être aussi efficace dans votre rôle, que votre mari l’est dans le sien. C’est la seule manière pour que cela fonctionne. »

Juste avant de demander le divorce, prononcé le 7 juillet 1981, Barbara dira au dernier Homme à avoir marché sur la Lune : « Mon nom ne sera jamais dans les livres d’Histoire comme le sera le tiens pour ce que tu as fait, mais je sais ce que moi j’ai fait. »

Sur les 30 astronautes des groupes 1, 2 et 3, seize ont divorcé, soit 53%.  Il convient toutefois de noter que six ont divorcé longtemps après le départ de leur mari du corps des astronautes, et sept astronautes sont morts dans des accidents entre 1964 et 1967.

Dans les années 1970, le taux de divorce aux Etats-Unis était de 4,4 pour 1 000 soit 0,44%.

Harrison Storms, une responsabilité de vie et de mort

Harrison Storms (15 juillet 1915 – 11 juillet 1992), le directeur de la division « espace » de la société North American, sise à Downey dans la banlieue de Los Angeles, qui était en charge notamment de la construction du module de commande et de service Apollo, répétait souvent à ses collaborateurs :

Downey peut sembler être très éloigné des lancements du Cap, mais c’est ici que nous avons une responsabilité de vie et de mort. N’oubliez jamais cela !

Harrison Storms et Wernher von Braun