C’est la société McDonnell Aicraft Corporation qui avait construit les vaisseaux spatiaux Mercury et Gemini, mais c’est North American Aviation Inc. qui décroche le contrat pour le développement du module de commande et de service Apollo, le 28 novembre 1961, alors qu’elle n’avait aucune expérience en la matière… Le troisième vaisseau spatial américain en 5 ans… Il est vrai que North American avait fait forte impression avec son « avion spatial », le fabuleux X-15…
Voulant partir de zéro, les ingénieurs de North American, pour le moins arrogants, dédaignent le travail effectué sur Gemini, et même certaines conventions utilisées depuis les débuts de l’aviation … C’est ainsi que lorsque l’astronaute Frank Borman utilise pour la première fois le simulateur Apollo, il s’aperçoit qu’en manœuvrant la commande de vol vers l’arrière, le vaisseau descend, et en effectuant le geste opposé, poignée vers l’avant, il monte. (A l’inverse de ce qui s’est toujours pratiqué dans les avions.)
Borman demande alors à un ingénieur s’ils n’ont pas fait une erreur de polarité en installant le manche.
« Non, pas tout, c’est bien de cette manière qu’il va falloir l’utiliser. Cette façon de piloter le vaisseau va grandement faciliter les rendez-vous, et encore plus les amarrages. Vous voyez, lorsque vous tirez le manche, le nez du vaisseau s’abaisse, faisant remonter la cible. C’est bien plus cohérent.»
La réponse de Borman : « Alors, c’est peut-être plus cohérent pour vous, assis ici sur votre cul d’ingénieur, mais certainement pas pour nous. » (Sous entendu les astronautes, ex-pilotes d’essais).
Frank Borman appelle séance tenante le bureau qui chapeaute le programme Apollo (Apollo Program Office), qui ordonne très rapidement la mise en conformité du dispositif.
Cette anecdote est l’un des exemples les plus grotesques, les plus absurdes, des idiosyncrasies liées au développement du module de commande Apollo avant la tragédie, qui vont être fatales à la société et surtout à trois astronautes.
En effet, le 27 janvier 1967 les négligences et carences de North American provoquent la mort des trois astronautes Virgil Grissom, Edward White et Roger Chaffee, lors d’un test au sol. La responsabilité de la NASA dans cette tragédie est également patente. L’électrochoc provoqué par l’accident, donnera bien évidemment lieu à une profonde remise en question collective, salvatrice.
Un mois plus tard, en mars 1967, Rockwell Standard Corporation (avec un chiffre d’affaires de 636 millions de dollars) propose de racheter North American Aviation proche de la faillite (dont le chiffre d’affaire est de 2,37 milliards) pour la somme de 922 millions de dollars, la fusion est effective le vendredi 22 septembre 1967, et forme une nouvelle entité, North American Rockwell. Une opération permettant à terme de restaurer la réputation entachée de North American, mais personne n’a jamais oublié son lien avec le drame d’ Apollo 1.
North American Rockwell qui deviendra Rockwell International en 1973 (après la fusion avec la Rockwell Manufacturing Company…), le constructeur de l’orbiteur de la navette spatiale.
[Les chiffres donnés le sont en dollars de 1967, en monnaie constante (USD 2018) il faut multiplier les montants par 7,5. Sachant que dans le cas présent, la pertinence ne concerne pas les montants, mais leur disparité.]