En février 1996, Charles “Pete » Conrad, Mark Calkins, Paul Thayer et Daniel Miller tentent de battre le record de vitesse autour du monde, dans la catégorie C-1F (avion dont le poids au décollage est compris entre 6000 et 9000 Kg ) à bord d’un Learjet 35A.
Ils décollent de Denver, Colorado, et doivent bien évidemment revenir à leur point de départ, huit escales sont prévues (St. Kitts, Sal, Olbia, Riyadh, Varanasi, Manila, Yuzhno-Sakhalinski, King Salmon).
Nous sommes le 14 février, il leur reste deux escales et environ 10 000 Km à parcourir, les vents ne sont pas aussi favorables que prévu, si les conditions météo ne changent pas ils estiment qu’ils auront deux heures de retard sur le précédent record !
Lorsqu’ils atterrissent à Yuzhno-Sakhalinsk (île de Sakhaline), en cette fin d’après-midi, le temps est gris et la température avoisine 0 degré.
Alors que les pilotes sortent de l’avion pour cette micro escale une représentante du Consulat américain vient à la rencontre de Charles Conrad :
« M. Conrad, je sais que votre temps est précieux, mais il y a une vieille dame qui attend depuis plus de six heures, juste pour vous rencontrer. » Elle désigne une vieille dame d’environ 80 ans qui se tient un peu à l’écart des curieux. Elle ajoute : « Si vous pouviez lui consacrer un petit moment. »
Conrad jette un coup d’œil vers Mark Calkins qui tapote sur sa montre. Va-t-il refuser ?
Oui, bien sûr répondit-il !
Il va à la rencontre de la vieille dame, lui prend une main et dit : « Je suis Pete Conrad, ravi de vous rencontrer. »
« Je m’appelle Irina » murmure-t-elle, essayant de contenir son émotion.
« Mon fils est un cosmonaute » déclare-t-elle fièrement. « Vous ne le savez pas, mais il vous connaît »
« Ah bon. Comment s’appelle-t-il ? »
« Son nom… » Ses yeux se remplissent de larmes « Viktor Patsayev. Il… Il… »
Pete Conrad sait de qui il s’agit, c’est un des trois cosmonautes de Soyouz 11 qui périrent lors du retour sur Terre lorsque leur capsule se dépressurisa ( les deux autres cosmonautes sont Gueorgui Dobrovolski et Vladislav Volkov).
Il lui prend l’autre main et lui dit : « Oui, je le connais », elle se met à sangloter, il la serre alors dans ses bras en lui murmurant : « Nous ne l’oublions pas »
Elle se ressaisit rapidement, embrasse la main de Pete Conrad et disparait dans la foule…
Cette très émouvante rencontre n’empêcha pas les quatre pilotes de battre le record du monde en 49 heures, 21 minutes et 8 secondes. Un record toujours d’actualité (Au 1er janvier 2007)