Lors d’un dîner-conférence qui s’est tenu à Williamsburg (Virginie) en 1965, Thomas L. Hugues, le Directeur du bureau de l’Intelligence et de la Recherche* est assis à côté de Wernher von Braun. Les deux hommes discutent lorsque leur conversation est interrompue par des bruits venant de l’estrade. Une harpiste s’installe sur scène, suivie par une personne qu’ils semblent reconnaître. Von Braun demande : « Est-ce bien la personne que je crois ? »
– Oui, j’ai bien peur qu’il s’agisse de notre nouveau directeur du renseignement**, l’amiral Raborn !
– Va-t-il pousser la chansonnette ?
– J’ai bien peur que oui !
L’interprétation très virile de deux chansons, « Danny Boy » et « When Irish Eyes are Smiling », qui sont des « hymnes » pour les irlando-américains, provoqua une remarque pleine de malice de Wernher Von Braun : « Comme l’a dit Goethe ; Amérique, tu es mieux lotie ! »
Von Braun fait référence à ce petit poème de Johann Wolfgang von Goethe (1749-1832) :
Amerika, du hast es besser
Als unser Kontinent, der alte,
Hast keine verfallenen Schlösser
Und keine Basalte.
Dich stört nicht im Innern,
Zu lebendiger Zeit,
Unnützes Erinnern
Und vergeblicher Streit.
Benutzt die Gegenwart mit Glück!
Und wenn nun Eure Kinder dichten,
Bewahre sie ein gut Geschick
Vor Ritter, Räuber und Gespenstergeschichten.
Que l’on peut traduire par :
Amérique, tu es mieux lotie
Que notre vieux continent,
Tu n’as pas de châteaux délabrés
Et pas de dépôts de basalte
Ton présent n’est pas gâché
Par d’inutiles souvenirs
Et de vains conflits
Profite du présent avec bonne fortune
Et si tes enfants écrivent de la poésie
Qu’un sort favorable veuille bien les garder d’écrire
Des Histoires de chevaliers, de gueux, et de fantômes.
* en anglais : Director of the Bureau of Intelligence and Research, et depuis 1986, Assistant Secretary of State for Intelligence and Research.
** en anglais : Director of Central Intelligence , DCI. William Raborn (1905-1990) est nommé DCI par le Président Johnson le 28 juin 1965. Il démissionne le 30 juin 1966.