Lorsqu’un réservoir en titane destiné au vaisseau spatial Apollo explose sur un banc d’essai de North American en Californie, Harrison Storms le président de la Division Espace, est immédiatement prévenu. Lorsqu’il arrive sur les lieux, il ne reste du réservoir, rempli de 7 tonnes de peroxyde d’azote, (ou NTO pour Nitrogen Tetroxide, un oxydant très puissant, corrosif et toxique), que des fragments !
Le travail de détective se révèlera beaucoup plus long que prévu. Les ingénieurs sont mystifiés. La première suspecte, une soudure effectuée avec un nouvel alliage s’avèrera être une fausse piste. Quelques jours plus tard un autre réservoir explose. Les réservoirs ont-ils été endommagés lors du transport ? Il faut procéder par élimination, des tests structurels ne révèlent aucune anomalie dans la conception du réservoir. Remplis avec de l’eau, quatre réservoirs sont pressurisés au-delà des recommandations, sans broncher !
Les explosions sont donc dues à une quelconque interaction chimique, mais sans qu’aucun expert ne puisse dire de quoi il s’agit. Pour compliquer le tout, le fabricant de ces réservoirs, la Allison Engine Company (une division appartenant à General Motors) effectue les même tests dans ces usines d’Indianapolis sans aucun problème. Est-ce le climat californien, la pollution bien spécifique à Los Angeles ? Les tests et supputations se succèdent sans résultat !
C‘est alors qu’un ingénieur remarque que le peroxyde d’azote, produit par une raffinerie de l’US Air Force, envoyé à North American, fait partie d’un lot différent que celui fourni à la Allison Engine Company. Une étude chimique révèle une légère différence, celui envoyé à Indianapolis contient des traces d’eau, alors que celui envoyé à Downey est pratiquement pur.
Interrogé, le personnel de la raffinerie dira avoir pris l’initiative, sachant que ce N2O4 était destiné au programme Apollo, de le distiller une troisième fois afin qu’il soit aussi pur que possible !
Les ingénieurs de North American découvriront que le peroxyde d’azote trop pur (à 99% et plus) attaque le titane, le phénomène disparaît lorsque l’on ajoute quelques gouttes d’eau !
Depuis, lorsqu’il est utilisé comme ergol oxydant (comburant), le peroxyde d’azote est généralement mélangé à un faible pourcentage de monoxyde d’azote pour en limiter ses effets corrosifs sur les alliages de titane : c’est ce qu’on appelle le MON (pour Mixed Oxides of Nitrogen).