Le dimanche 6 mai 1962, la chaîne de télévision NBC diffuse un numéro spécial de son émission hebdomadaire « The Nation’s Future » enregistrée le vendredi précédent, dont le thème est : les défis liés à l’espace (The Challenge of Outer Space).
Les invités, au nombre de deux, débattent dans un premier temps, puis sont soumis aux questions du public équitablement répartis entre les « pour » et les « contres ».
Ce soir là, il y avait exceptionnellement quatre invités : le Dr Hugh Dryden, administrateur adjoint de la NASA, John Glenn, le premier américain à avoir effectué une mission spatiale orbitale, (20 février 1962)… Mais également le soviétique Guerman Titov qui a effectué le deuxième vol orbital de l’Histoire (6 août 1961) et Anatoly Blagonravov, scientifique russe qui a représenté l’Union Soviétique lors des pourparlers de l’utilisation pacifique de l’espace qui se sont tenus aux nations unis.
Blagonravov a travaillé en étroite collaboration avec Hugh Dryden pour promouvoir la coopération internationale dans l’espace et sera déterminant pour la signature des accords qui ont mené à la mission conjointe Apollo Soyouz…
La délégation soviétique est aux Etats-Unis du 29 avril au 12 mai 1962, dans le cadre du troisième symposium international des sciences spatiales, qui se tient en même temps que la cinquième réunion plénière du Cospar (Committee on Space Research).
Le présentateur/médiateur de l’émission est le journaliste Edwin Newman. Il a fallu six mois de tractations à la coproductrice de l’émission, Lucy Jarvis, pour que les autorités soviétiques donnent leur accord.
Pour l’anecdote, les russes ont refusé de participer à l’émission sans contrepartie financière, payable d’avance. La même somme a été proposée à Glenn et Dryden qui ont refusé.
Avec diplomatie mais fermeté John Glenn a évoqué la question de la fiabilité du programme spatial russe. Amorçant habilement la question en évoquant les problèmes rencontrés lors de sa mission il s’étonne que personne n’ait jamais entendu parler de ratés dans le programme spatial soviétique, alors que les américains n’ont jamais rien caché.
Titov a nié tout accident mortel lié au programme spatial habité. Ce à quoi Glenn a répondu que partager les problèmes rencontrés, même ceux qui ne sont pas des échecs complets, permettrait à chaque partie de tirer un bénéfice certain de l’expérience de l’autre.
Titov affirme que son vol s’est déroulé sans anicroche mais acquiesce sur le fait que les problèmes devraient être partagés.
Lorsqu’un journaliste du public lui demande combien il y a eu d’échecs, Titov répond qu’il y en a peut-être eu, mais que lui n’est concerné que par le vaisseau spatial et que pour savoir, il faudrait demander aux experts qui s’occupent des fusées… De toute évidence Titov n’était pas autorisé à révéler quoi que ce soit « d’intéressant ».
John Glenn a su mettre en exergue, un point incontestable, le fait que les américains œuvrent au grand jour, alors que les soviétiques travaillent dans le plus grand secret.
En dépit des sourires et de l’humour de façade, personne n’a été dupe des subtiles manœuvres politiques sous-jacentes.