Robert Gilruth minimise l’action de John Houbolt

Dans le texte de loi qui a permis la création de la NASA, un article extrêmement novateur et précurseur (Contributions Awards – Section 306) prévoit que son administrateur a le pouvoir d’octroyer une prime, pouvant aller jusqu’à 100 000 dollars (au-delà de cette somme il faut une autorisation du Congrès), à tout collaborateur ayant fait une contribution scientifique ou technique essentielle. C’est ainsi qu’en mars 1973, John Houbolt est pressenti pour recevoir une récompense pour son travail sur le rendez-vous en orbite lunaire (LOR pour Lunar Orbit Rendezvous) choisi pour le programme Apollo.

Le comité Inventions and Contributions Board (ICB) de la NASA, qui sélectionne les employés susceptibles de recevoir une récompense, et détermine son montant, s’est enquis auprès de personnes ayant travaillées sur le programme Apollo et avec John Houbolt.

Si la majorité des personnes consultées s’est déclarée en faveur d’un prix pour John Houbolt, Robert Gilruth (8 octobre 1913 – 17 août 2000) directeur du Centre des Vaisseaux Spatiaux Habités jusqu’en 1972, et Charles Donlan (15 juillet 1916 – 28 septembre 2011) alors directeur du programme navette spatiale, ont répondu que son travail sur le LOR ne justifiait aucune reconnaissance particulière.

Dans sa lettre en date du 28 août 1973 Gilruth affirme que Houbolt ne s’est intéressé au mode LOR qu’après le discours de Kennedy devant le Congrès du 25 mai 1961. Cette affirmation est tout simplement fausse, Houbolt ayant commencé à travailler sur le mode LOR dès l’été 1959 ! (Au sein du comité Clint Brown).  Gilruth prétend également dans cette missive qu’il était lui-même, depuis le départ, partisan de cette manière d’aller sur la Lune. Un autre mensonge éhonté, puisqu’il existe un document écrit datant du 12 septembre 1961, une lettre de Gilruth à Nicholas Golovin (18 mars 1912 – 1 avril 1969), dans lequel il précise sans équivoque sa préférence pour le mode direct. (Pour un aperçu des différentes méthodes envisagées pour aller sur la Lune, voir : Comment aller sur la Lune )

En réalité, Gilruth ne s’est rangé du côté des partisans du LOR qu’en janvier 1962. La NASA adopte officiellement le mode LOR en juillet 1962.

Pour Donlan, il s’agit avant tout d’une décision collégiale qui n’est pas l’apanage d’une seule personne.

Avec ces deux avis négatifs, mesquins, Houbolt ne recevra, à ce moment-là, aucune récompense pour son travail de persuasion.

Heureusement, en 1982, le nom de John Houbolt est à nouveau évoqué pour une récompense. George Low (10 juin 1926 – 17 juillet 1984) l’ancien administrateur adjoint de la NASA de 1969 à 1976, sollicité par l’ICB, enverra une lettre dans laquelle il affirme : «  Je suis absolument convaincu que sans le mode de rendez-vous en orbite lunaire, Apollo n’aurait jamais abouti, et sans sa lettre à Robert Seamans (Administrateur Associé de la NASA) nous n’aurions pas choisi le mode LOR. » (Le courrier en date du 15 novembre 1961 comporte neuf pages ; en adressant cette missive directement à Robert Seamans, Houbolt n’a pas respecté la voie hiérarchique, ce qui lui sera reproché par certains esprits chagrins…).

John Houbolt recevra enfin un prix (15 000 dollars soit 40 500 dollars en monnaie constante) pour sa contribution déterminante au programme Apollo.

En 2009 dans son livre « Magnificent Desolation » Buzz Aldrin lui rend un vibrant hommage :

« L’un de mes héros en particulier était John C. Houbolt, un ingénieur peu connu du Centre de Recherche Langley à Hampton en Virginie, qui a proposé une alternative osée et ingénieuse pour aller sur la Lune. C’était en 1961 et la NASA envisageait deux possibilités : lancer deux Saturn V pour un rendez-vous en orbite terrestre ou envoyer directement une seule fusée. L’idée de John consistait à envoyer deux vaisseaux spatiaux qui effectueraient leur jonction autour de la Lune. Au départ cette idée fut considérée, y compris par moi-même, comme dangereusement complexe, voire même incongrue. Mais Houbolt tint bon, continua de défendre le concept, et grâce à son opiniâtreté c’est ainsi que Neil Armstrong et moi avons pu marcher sur la Lune, pour ensuite rejoindre Mike Collins en orbite autour de la Lune et revenir chez nous sur Terre.

Aujourd’hui nous avons besoin d’hommes et de femmes comme John Houbolt, des personnes qui apprennent du passé, pour imaginer de nouveaux chemins qui nous emmèneront dans le futur. »

John Houbolt n’est pas l’inventeur de la méthode LOR, aux Etats-Unis ce sont William H. Michael du Centre de Recherche Langley et son « parking orbit », de même que Thomas E. Dolan de la société Vought Astronautics qui propose indépendamment le même concept sous l’appellation Manned Lunar Landing and Return (MALLAR).

Ce mode avait déjà été évoqué en 1916 par l’ukrainien Yuri Vassilievich Kondratiuk (21 juin 1897 – 23 février 1942) de son vrai nom Alexandre Ignatievitch Chargueï, ainsi qu’en 1948 par le britannique Harold « Harry » Ernest Ross (1904-1978) de la British Interplanetary Society.

D’emblée, John Houbolt est convaincu que le mode LOR est la meilleure solution, il s’en fera l’avocat au péril de sa carrière…

Les mensurations de Neil Armstrong

Les mesures anthropométriques de Neil Armstrong pour sa combinaison spatiale, ont été réalisées le 2 octobre 1967.

Il s’écoule environ 120 jours entre les préparatifs pour la confection d’une combinaison spatiale Apollo et son acceptation par la NASA. La fabrication à proprement parler prend à elle seule une quarantaine de jours. Pour chaque combinaison il faut prendre 66 mesures de différentes parties du corps de l’astronaute, un processus méticuleux qui demande entre une heure et demie et deux heures.

Ce sont ces mesures anthropométriques qui permettront bien évidemment de commencer la fabrication et l’assemblage de la combinaison spatiale. Du cousu main.

Les astronautes ayant un emploi du temps chargé, ils n’avaient pas toujours le temps de se rendre chez ILC Dover dont les locaux se trouvent dans le Delaware. C’est donc Richard Ellis qui allait souvent à leur rencontre. C’est ainsi que les mesures de Neil Armstrong ont été réalisées dans un hôtel « perdu dans la cambrousse » selon les propres termes de Richard Ellis, bien que sa fiche anthropométrique indique MSC (Manned Spacecraft Center), le centre spatial texan.

Si le torse est réalisé sur mesure, les bras et les jambes sont choisis parmi un éventail de tailles prédéfinies. Les bottes sont fabriquées par rapport aux pointures standards. Quant aux gants, c’est également du sur-mesure, réalisés à partir d’un moulage des mains.

Voici une copie des mesures anthropométriques de Neil Armstrong réalisées le 2 octobre 1967 (il était commandant suppléant de la mission Apollo 8). [Crédit : Bill Ayrey – ILC Dover LP]

Neil-Armstrong-Measurements-2

Ci-dessous une tentative de traduction, avec conversion des mesures du pouce en centimètre.

Mensurations-Neil-Armstrong

Des noms de code pour les astronautes

Le 10 mai 1968, Charles C. Lutz (chef du Apollo Support Branch), dans un mémo confidentiel, entérine une décision d’Alan Shepard qui ne voulait pas que les noms des prochains équipages du programme Apollo puissent être révélés avant l’annonce officielle de la NASA, d’après les commandes effectuées auprès du fabricant des combinaisons spatiales ; ILC Dover (International Latex Corporation).

C’est ainsi qu’au lieu d’utiliser le nom des astronautes, on se servirait d’un code, qui ne serait connu que par un minimum de personnes ; Alan Shepard du bureau des astronautes, Charles Lutz, et Leonard « Len » Shepard chef de projet chez ILC. Il appartient à chacun des trois de communiquer ces codes aux seules personnes qui doivent être dans la confidence au sein de leurs services respectifs.

Voici la liste des astronautes et leur nom de code correspondant ; des noms d’étoiles.

Certains patronymes sont mal orthographiés, Gordan au lieu de Gordon, Pouge au lieu de Pogue, Worran au lieu de Worden.

Sur la liste figurent deux astronautes qui n’iront jamais dans l’espace ; Curt Michel (5 juin 1934 – 26 février 2015) sélectionné dans le groupe 4 en juin 1965 qui a démissionné de la NASA le 18 août 1969, et John Bull (25 septembre 1934 – 11 août 2008) sélectionné dans le groupe 5 en avril 1966 contraint à la démission du corps des astronautes en juillet 1968 (la NASA annonce la nouvelle le 16 juillet) pour raisons de santé (problème pulmonaire).

On notera que le futur premier Homme sur la Lune, Neil Armstrong, se voit affecter l’étoile la plus brillante de notre ciel après le Soleil ; Sirius. Il avait décidément une très bonne étoile…