Le pire et le meilleur des journalistes spécialisés dans le spatial

Un bon journaliste essaie toujours d’incorporer des informations techniques dans ses articles,  mais trop souvent ces précisions sont maladroitement intégrées, galvaudées, parfois hors de propos, voire même inexactes…

Voici un exemple du meilleur, de ce qu’un très grand journaliste peut produire !   Il s’agit de deux phrases extraites de l’article de John Noble Wilford paru le 21 juillet 1969 dans le New York Times, dont la manchette annonçait : « DES HOMMES MARCHENT SUR LA LUNE » (MEN WALK ON THE MOON), qui avait pour titre « Une surface poudreuse est explorée de près. » (A Powdery Surface is Closely Explored).

NYT 21 juillet 1969

« Bien que M. Armstrong soit un homme peu disert, son rythme cardiaque a révélé son émotion au moment du premier atterrissage sur la surface de la Lune. Lors de l’allumage du moteur de l’étage de descente, son cœur battait à 110 – alors que son rythme normal se situe à 77 battements par minute –  pour monter jusqu’à 156 au moment de l’atterrissage. »

John Noble Wilford, qui, 43 ans plus tard, rédigera également la nécrologie de Neil Armstrong, toujours à la une du New York Times.

John Noble Wilford

Charles Conrad commente la phrase de Neil Armstrong

Au Centre de Contrôle des Missions, dans la banlieue de Houston, personne n’est surpris lorsque Neil Armstrong et Buzz Aldrin demandent à modifier quelque peu le plan de vol.

En effet, ils sollicitent la permission d’effectuer leur sortie sur la Lune avant leur période de repos et non pas après, arguant que de toute façon ils n’arriveraient pas à dormir. 

Tous les astronautes et contrôleurs de vol se précipitent dans le MOCR (Mission Operations Control Room) pour assister à cet événement historique. Chaque console ne possède que 4 prises jack pour connecter un casque audio, et rapidement tous les emplacements sont occupés.

Charles « Pete » Conrad, qui doit commander la prochaine mission lunaire, ne trouve pas de place à la console du CapCom, aussi Jerry C. Bostick le responsable de la section « Dynamique de Vol », qui fait partie de l’équipe blanche de Gene Kranz (celle qui officiait lors de l’atterrissage sur la Lune), lui propose de venir brancher ses écouteurs sur la console  FDO (Prononcer FIDO – Flight Dynamics Officer), dans la « tranchée ».  

A ce moment-là, c’est Philip C. Shaffer de l’équipe verte de Clifford Charlesworth qui fait office de FDO.

Conrad et Bostick sont assis juste derrière la console, lorsque Neil Armstrong pose le pied sur la Lune et annonce : « C’est un petit pas pour un Homme, un bond de géant pour l’humanité ». Charles Conrad se tourne vers Jerry Bostick et lui demande : « Qu’est ce qu’il a dit ?

–  Un grand pas pour l’humanité  ! »

Pete Conrad reste pensif quelques secondes, et lance : « C’est bien le genre de Neil de dire un truc aussi profond. Si cela avait été moi, j’aurai probablement dit : nom de Dieu, cette surface* merdique est glissante ! »

*Charles Conrad parle de la « semelle » de 94 cm de diamètre placée à l’extrémité de chaque jambe, qui doit limiter l’enfoncement du Module Lunaire dans le sol et sur laquelle Neil Armstrong  doit sauter, du dernier barreau de l’échelle, avant de se stabiliser et poser un pied (le gauche en l’occurrence) sur la surface de la Lune.

Rocco Petrone : une histoire de fou

Lors d’une réunion présidée par Rocco Petrone, dans le cadre du suivi de la préparation de la Saturn V pour le lancement de la mission Apollo 11 (Launch Readiness Review), le rapport faisant le point sur l’avancée des procédures, (Flight Control Checkout Report) comporte deux parties.

Rocco Petrone, le directeur des opérations de lancement du Centre Spatial Kennedy, s’étonne : « Quelle est donc la différence entre la partie une et la partie deux ? »

L’ingénieur John Perkinson, certainement très fatigué lui répond : « La partie une est la première partie, la partie deux, la deuxième partie »

Rocco Petrone s’affaisse sur sa chaise, l’air consterné, il finit par lancer : « J’ai l’impression d’être dans un hôpital psychiatrique, et je ne sais pas si je suis un patient ou si je le dirige ! »