Buzz Aldrin célèbre une messe sur la Lune

L’astronaute Buzz Aldrin était un ancien, au sens chrétien du terme (c.à.d. dans son cas, membre du conseil presbytéral qui gère l’église), de l’Eglise Presbytérienne de Webster, l’Eglise protestante la plus proche du centre spatial texan (Manned Spacecraft Center – actuel Centre Spatial Johnson), surnommée « l’église des astronautes » car assidûment fréquentée par nombre d’astronautes dont John Glenn…

Lorsqu’il fut avéré qu’Apollo 11 serait la première tentative d’atterrissage sur la Lune, Buzz Aldrin s’est demandé quelle action symbolique il allait bien pouvoir y accomplir… Lorsque lui vint l’idée de célébrer une petite messe… Un peu comme Christophe Colomb qui lors de son deuxième voyage avait fait célébrer la première messe sur le continent américain…

 Si l’on peut célébrer une messe n’importe quel jour, (dans ce cas précis il s’agit plus particulièrement de l’Eucharistie pour l’Eglise catholique et Communion ou Sainte Cène dans le protestantisme) il se trouve qu’avec une date de lancement le mercredi 16 juillet vers 8h30 (heure de Houston), et si toutes les étapes de la mission Apollo 11 se déroulent sans anicroche, l’atterrissage sur la Lune doit intervenir le Dimanche (du latin dies dominicus – « jour du Seigneur ») 20 juillet. Le dimanche est le jour de la résurrection du Christ. Notons toutefois que les Etats-Unis ont gardé l’appellation archaïque latine sole dies, jour du soleil, Sunday, pour définir ce jour de la semaine.

Toujours est-il que pour la première messe, la première Sainte Communion extra-terrestre de l’Histoire, le timing est on ne peut plus parfait !

Pour célébrer la Communion il faut quelques éléments liturgiques, Buzz Aldrin s’adresse donc tout naturellement au pasteur de son église, le Révérend Marshall Dean Woodruff (1933-2015) qui est bien évidemment emballé par le projet. Il lui fournit un calice miniature en argent, trouvé dans une bijouterie de Houston (Corrigan’s Jewelers), suffisamment léger pour qu’il puisse l’inclure dans son Personal Preference Kit, une fiole de vin de messe, du pain (hostie), ainsi que le sceau de l’Eglise Presbytérienne Unie des Etats-Unis. Aldrin ajoutera un bristol sur lequel il a recopié quelques phrases, dont le verset 5 du chapitre 15 de l’évangile selon St Jean, qu’il lira avant de communier.

Le sceau de l’Eglise Presbytérienne Unie des Etats-Unis. (Monté postérieurement sur un socle commémoratif.)
Le calice en argent (monté postérieurement sur un socle commémoratif) et la pochette en Beta cloth dans laquelle chaque astronaute pouvait emporter quelques objets personnels après accord de la NASA.

Le vin de messe est bien évidemment issu de la fermentation du raisin, mais à la différence du vin de table on n’ajoute pas de sucre, il est donc moins alcoolisé, et puis, il est toujours coupé avec de l’eau. Il peut s’agir de vin rouge (la couleur du sang) mais également de vin blanc, ce dernier est le plus utilisé car il ne tache pas. Dans le sixième épisode de l’excellentissime série « De la Terre à la Lune » intitulé « Mare Tranquilitatis » qui évoque la cérémonie privée d’Aldrin, le liquide est blanc…

Le module lunaire atterrit sur la Lune à 15:17:39 (Heure de Houston – CDT Central Daylight Time),

Après l’extrême tension de l’atterrissage, la longue vérification des systèmes du module lunaire pour déterminer si les astronautes peuvent rester sur la Lune, et la mise à jour du système de navigation en mesurant les angles avec les étoiles, les astronautes sont sur le point de s’octroyer un peu de repos et de prendre une collation avant de se préparer pour la sortie extravéhiculaire…

C’est à 21:56 (CDT) que Neil Armstrong  posera le pied sur la Lune.

C’est au début de cette période de repos, prévue par le plan de vol, que Buzz Aldrin commence la célébration de la Communion, juste après cette annonce à 105:25:38, soit à 17:57 CDT : « Ici le pilote du LM. Je voudrais profiter de cette occasion pour demander à toutes les personnes qui m’écoutent, quels qu’ils soient et où qu’ils se trouvent, de marquer un petit temps d’arrêt et de réfléchir sur les événements de ces dernières heures et rendre grâce, chacun à sa manière. »

La Communion ne fut pas retransmise à la télévision et les paroles prononcées ne furent pas radiodiffusées, car la NASA et son administrateur Thomas O. Paine (1921-1992) étaient sous la menace d’une action en justice, en effet « la femme la plus haïe d’Amérique », Madalyn Murray O’Hair (1919-1995) fondatrice de l’association American Atheists, en 1963, qui milite pour la séparation de l’Eglise et de l’Etat s’était offusquée de la lecture des versets de la Genèse par les astronautes d’Apollo 8, une mission financée par le gouvernement des Etats-Unis. Contrairement à ce que l’on peut lire un peu partout sur l’internet, aucune action en justice n’avait encore été engagée au moment d’Apollo 11. Elle s’était contentée jusque-là de s’exprimer abondamment dans les médias, et avait envoyé un courrier au procureur général des Etats-Unis John Mitchell (1913-1988) l’équivalent de notre ministre de la justice. (La véritable chronologie des actions de Madalyn O ‘Hair fera l’objet d’une anecdote à part entière.)

Toujours est-il que les responsables de la NASA et Donald Slayton (1924-1993), le directeur des opérations en vol, avaient donné à Aldrin l’autorisation de communier sur la Lune, mais pas ostensiblement, s’agissant d’une démarche personnelle et non pas sous couvert de la NASA. On lui avait vivement déconseillé de faire ou dire publiquement au cours de la mission, quoi que ce soit, pouvant être assimilé à du prosélytisme religieux.

Il n’y avait eu aucun problème de ce genre lors des missions Apollo 9 et Apollo 10.

Communier sur la Lune est un acte bien plus religieux que la lecture des premiers versets de la genèse, qui parait bien pâle en comparaison.

Et que dire de la consommation d’alcool, même si Aldrin n’a fait, au plus, que tremper les lèvres dans le vin liturgique… Il est toujours resté très évasif sur le sujet, la consommation d’alcool au cours d’une mission spatiale étant bien évidemment formellement prohibée.

Neil Armstrong (1930-2012), plutôt déiste, ne souhaita pas y participer mais suivit la Sainte Communion d’Aldrin avec toute la retenue et l’intelligence qui le caractérisent.

Il est inexact d’affirmer que cette action de grâce fut tenue secrète, puisqu’elle fut partiellement évoquée par Associated Press dès le 20 juillet 1969 :

« L’astronaute Edwin E. Aldrin Jr. est arrivé sur la Lune aujourd’hui avec un morceau de pain de communion qu’il utilisera pour symboliser son appartenance à son église sur Terre. Lorsque le Révérend M. Dean Woodruff a sorti le pain pour la Communion, il en manquait un morceau. Le pasteur a expliqué qu’Aldrin en avait emporté une partie avec lui lors de son voyage vers la Lune, et dans l’après-midi, après l’atterrissage sur la Lune, Aldrin se joindrait symboliquement aux paroissiens en Communion à l’occasion de l’un de ses moments de repos. »

Ce n’est qu’après la sortie des astronautes de quarantaine le 12 août, que Buzz Aldrin, dans une interview au magazine Life, parle ouvertement de sa Communion sur la Lune, qui est également évoquée dans l’édition du 18 août 1969 du New York Times (Page 29).

Un an plus tard, c’est dans le magazine versé dans la spiritualité et la religion Guideposts, dans son édition d’octobre 1970, qu’est publié le témoignage d’Aldrin, qui livre alors un récit bien plus circonstancié des événements.

Voici ma traduction :

Les notes manuscrites (recto-verso) de Buzz Aldrin pour sa Communion privée. Elles furent vendues aux enchères pour la somme de 179 250 USD en septembre 2007.

Depuis, tous les ans, le Dimanche le plus proche du 20 juillet, l’église de Webster célèbre la « Communion Lunaire » de Buzz Aldrin avec le calice qu’il a utilisé.

Le Révérend Dean Woodruff (1933-2015) et Joan Aldrin (1930-2015). Juillet 1969.

Finalement, la première nourriture consommée sur la Lune ne le fut pas pour le corps, mais pour l’esprit !

Lyndon B. Johnson s’exprime après le lancement d’Apollo 11

L’ancien président des Etats-Unis, Lyndon B. Johnson (1908-1973), qui a quitté sa fonction depuis juste six mois, donne son sentiment après le décollage d’Apollo 11 auquel il vient d’assister avec son épouse :

« Il semblait que le demi-million de personnes qui a travaillé sur ce programme étaient là pour soulever la fusée », a déclaré Johnson. « Je ne crois pas qu’il y ait une seule autre chose que notre pays entreprend, sur lequel notre gouvernement travaille, que nos compatriotes produisent, qui présente un plus grand potentiel pour la paix dans le monde. »

Des graffitis dans le module de commande Columbia

Les trois astronautes utilisaient les parois du vaisseau spatial pour prendre des notes, la plupart du temps des chiffres et des coordonnées. Des graffitis…

Le programme de modélisation du module de commande Columbia en 3D , réalisé en 2016 par la Smithsonian Institution, pour le quarante-septième anniversaire d’Apollo 11, a permis de révéler au public la totalité de ces graffitis.

Ainsi par exemple, Michael Collins avait dessiné au feutre un petit calendrier de la mission, marquant d’une croix chaque jour écoulé. Seul le jeudi 24, le jour du retour sur Terre, n’est pas coché.

Le calendrier est dessiné à même la paroi du vaisseau spatial, puis recouvert d’une feuille plastique pour éviter son effacement au passage des astronautes.

Le témoignage le plus émouvant, est la toute dernière inscription laissée par Michael Collins qui, alors que les trois astronautes sont en quarantaine sur le porte-avions Hornet, va retourner dans le module de commande Columbia, le lendemain soir, pour y inscrire un dernier mot.

Le module de commande, également isolé biologiquement, était relié par un tunnel à la Mobile Quarantine Facility (MQF), afin de permettre son déchargement. La MQF est cette « caravane » dans laquelle les astronautes vont passer leurs premiers jours de quarantaine jusqu’à leur arrivée à Houston.

Il explique dans son excellente autobiographie Carrying the Fire, publiée en 1974, (et fâcheusement toujours pas traduite en français à ce jour), qu’il n’est pas particulièrement sentimental vis-à-vis de machines, mais qu’il fut pris d’un désir irrépressible de laisser un dernier message à Columbia, car il ne pouvait décemment pas la quitter comme ça, c’est ainsi qu’il inscrivit :  « Vaisseau spatial 107 – alias Apollo 11 – alias « Columbia ». Le meilleur vaisseau jamais produit (n’ayant jamais existé). Que Dieu le bénisse. Michael Collins, Pilote du Module de Commande. »

« Spacecraft 107 – alias Apollo 11  alias « Columbia ». The Best Ship to Come Down the Line. God Bless Her. Michael Collins, CMP. » »

Inscription qui se situe au niveau de la lower equipment bay, sur le système de navigation du vaisseau spatial, juste au-dessus du support d’attache de l’oculaire du sextant.

En haut l’emplacement du touchant message de Michael Collins, en bas à gauche le calendrier…
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La lisibilité de ce premier tracé n’étant pas satisfaisant, Michael Collins décide de retourner dans le vaisseau spatial, une fois les astronautes et les accompagnants rendus à Houston, dans le Lunar Receiving Laboratory où ils vont terminer leurs 21 jours de quarantaine, pour repasser plusieurs fois avec un stylo sur les mots.

Bouleversant message pour la postérité, qui en dit long sur l’état d’esprit de Michael Collins…