Apollo 17, le réveil n’a pas sonné

Pour avoir dormi une heure de plus que prévu, les trois astronautes d’ Apollo 17 Eugene Cernan, Ronald Evans et Harrison Schmitt sont informés par le capcom, Gordon Fullerton, que la direction de la NASA a décidé de leur décompter à chacun une journée sur leurs congés payés.

Ce n’est bien sûr qu’une taquinerie…

Les trois astronautes d’Apollo 17 sont en route vers la Lune, leur troisième période de sommeil commence 48 heures et 36 minutes après le décollage, (intervenu le jeudi 7 décembre à 00:33, heure de Floride), et doit durer quelques 8 heures et trente minutes.
Mais le réveil n’a pas sonné. Une mésaventure qui arrive à tout le monde.

Les astronautes devaient être réveillés comme l’aimait Montaigne, en musique, pour la première fois au cours de cette mission, qui compta treize réveils musicaux, un record.

Dans la cabine America, Ronald Evans était l’homme de quart, il devait garder ses écouteurs radio sur les oreilles pendant son sommeil. Pour le réveil, le Centre de Contrôle des Missions avait choisi, non pas le son de l’épinette, mais l’hymne de l’université du Kansas, son Alma Mater.

Au premier passage du « JayHawk Fight Song » sur les ondes, aucune réponse. Pourtant cuivres et percussions sont très présents dans la version originale. L’enregistrement est repassé une première fois dix minutes plus tard, puis une dernière fois 45 minutes après. Puis on essaie un bruitage tonitruant, en vain.

Le capcom s’évertue à appeler, Apollo 17 qui ne répond pas. Le silence se prolonge. Enfin, une heure et cinq minutes après l’heure de réveil prévu, la voix de Schmitt se fait entendre : « Nous sommes endormis ».

Réplique sarcastique du CapCom : « C’est le moins que l’on puisse dire ! »

Un peu plus tard Harrison Schmitt fait remarquer : « Notre seul souci aujourd’hui, c’est d’empêcher Ron de se rendormir ».

La question du problème lié au réveil est revenue sur le tapis plus sérieusement quelques cinq heures plus tard. Les astronautes pouvant, à leur discrétion, prendra une pilule de Seconal (somnifère) pour les aider à s’endormir, le médecin a pensé que cette panne d’oreiller était due à ce médicament.

Pour les autres médicaments, les astronautes doivent demander une prescription médicale. Une décision prise, après que Cernan, gêné par des flatulences, comme son camarade d’Apollo 16, John Young, ait pris de sa propre initiative un remède contre la nausée, qui a également pour effet de couper l’appétit.

Mais non, proteste Evans, ce n’est pas le Seconal qui nous a fait dormir trop profondément. Et Il se confesse :  » j’ai tout simplement oublié, avant de m’endormir, de vérifier le potentiomètre qui sert à régler le volume sonore. Il était éteint ».

L’équipage a promis de mieux veiller désormais à ce fait. Et même, de laisser l’amplificateur de la cabine branché pendant les heures de sommeil.

En effet la situation aurait pu s’avérer très dangereuse si les ordinateurs au sol avaient décelé an problème sérieux à bord du véhicule spatial, car le contrôleur de vol aurait été dans l’impossibilité de le signaler aux dormeurs.

Voici la traduction des transcriptions :

02 jours 08 heures  35 minutes  43 secondes (Temps écoulé depuis le décollage) : Le Centre de Contrôle diffuse la musique « Jayhawk Fight Song »

02 08 37 00 –  Le CapCom (CC) Gordon Fullerton :  Bonjour,Apollo 17. Ici Houston. A vous.

02 08 38 17 –  CC : Apollo 17, Houston. Bonjour.

02 08 39 18 – CC : Apollo 17, Ici Houston. Bonjour.

02 08 41 17 – CC : Apollo 17, Houston. Bonjour.

02 08 45 55 : la musique « Jayhawk Fight Song » est rediffusée

02 08 47 58 – CC : Apollo 17, Houston. Bonjour. Vous êtes avec nous ce matin ?

02 09 05 04 –  CC : Bonjour, Apollo 17. Il est temps de se lever. A vous.

02 09 23 14 – CC : Apollo 17; oh, Apollo 17; il est l’heure de selever. Aller debout. A vous.

02 09 23 33 –  CC : Hello, Apollo 17; vous m’entendez? A vous.

02 09 39 39 : la musique « Jayhawk Fight Song » est repassée une troisième fois.

02 09 40 36 – CC : Hello, 17. Hello, 17. Comment me recevez-vous ce matin ?

02 09 40 46 –  LMP (Harrison Schmitt) : Nous sommes endormis.

CC : C’est le moins que l’on puisse dire !

LMP :  Ne laissez jamais Evans monter la garde.

CC : Je pense effectivement que nous devrons en tenir compte à partir de maintenant.

Membre d’équipage non identifié : … Bonjour.

LMP : (Rires) On a fait une sacrée fête la nuit dernière, Gordy. Purée, c’était d’enfer !

02 09 41 16 – CC : Surement !

02 09 45 11 –  CC : 17, Houston. A vous.

Membre d’équipage non identifié :  Allez-y, on vous écoute …

CC : Ok, on a un peu de retard, comme vous le savez mais il n’y a rien d’urgent dans l’immédiat. Inutile de vous presser. N’essayez pas de rattraper le temps perdu par rapport au plan de vol initial. Nous pouvons décaler l’activation de la télémétrie sans problème. A vous.

LMP : OK bien compris. Notre seul souci ce matin est d’empêcher Ron de se rendormir.

CC : Bien reçu.

On se rappellera que lors de l’incident technique ayant retardé le lancement de la mission de 2 heures et 40 minutes, Ron Evans s’était endormi !

Un grand merci à « fan de ducrocq » à l’origine de cette anecdote. Vous pouvez retrouver ses si intéressantes contributions sur le forum du Club de Passionnés d’Astronautique.

Tracy’s Rock

Le 13 décembre 1972, au cours de la troisième et dernière sortie sur la Lune, les astronautes ont longuement étudié un énorme rocher à la Station Géologique n° 6.

Il s’agit d’un un éjecta, produit lors de l’impact d’une météorite sur la surface encore visqueuse de la Lune, il y a 3,9 milliards d’années, qui a formé le bassin Serenitatis.

Dans la littérature scientifique, cette formation est appelée « Split Rock » (rocher fendu) ou « Le rocher de la Station 6 ». Le bloc faisait à l’origine environ 6 mètres de haut, 18 de long et 10 mètres d’épaisseur, mais en se détachant il a dévalé le versant du Massif Nord, et s’est scindé en cinq morceaux.

Eugene Cernan et Harrison Schmitt l’ont examiné pendant plus d’une demi-heure récupérant de précieux échantillons.

En 1984, l’astronaute Alan Bean, qui s’est brillamment reconverti dans la peinture, montre une de ses œuvres à Eugene Cernan : le fameux rocher de la station 6. Ce dernier lui raconte alors comment il a récupéré deux poignées de poussière sur le côté gauche du rocher, les traces sont parfaitement visibles sur la photo ci-dessous ayant servi de modèle à l’artiste.

 

Les traces laissées par Eugene Cernan, lorsqu’il a collecté deux poignées de la poussière accumulée à cet endroit

Il lui confie également, qu’il regrette de ne pas avoir pensé à écrire le nom de sa fille dans cette même poussière. Une idée qui lui est venue de retour sur Terre, en voyant la photo.

Bean a été tellement touché par cette histoire, qu’il a tendu une feuille blanche à Cernan, et lui a demandé d’écrire le prénom de sa fille, tel qu’il aurait aimé qu’il le soit sur ce rocher.

Alan Bean s’est remis au travail et a exaucé le vœu de son ami, lui évitant ainsi selon ses propres termes : «… Le long voyage retour vers la Station 6, sans parler des économies qu’il a fait faire aux contribuables ».

Le magnifique tableau d’Alan Bean  [Painting of « Tracy’s Boulder » by Alan Bean. Completed 1984, 28 x 40 inches, Acrylic on Masonite. Original image Copyright by Alan Bean. All rights reserved. From Alan Bean Gallery: http://www.alanbeangallery.com/tracyrock-new.html]

L’histoire est tellement belle que désormais tout le monde appelle le rocher de la station 6  Tracy’s Rock.

Si Eugene Cernan n’a pas écrit le prénom de sa fille sur ce rocher, il a laissé ses initiales sur le sol lunaire, TDC pour Teresa Dawn Cernan. Lorsque des hommes retourneront sur la Lune, ils verront près du Rover 3, qui se trouve à environ 128 mètres de l’étage de descente du module lunaire, ce geste d’amour d’un père pour sa fille.

Eugene Cernan et sa fille Teresa, « Tracy », en 1972.

Apollo 17, Tracy Cernan en direct sur NBC

Alors que Eugene Cernan le commandant de la mission Apollo 17 est sur la Lune, sa fille Tracy, 9 ans, participe à l’émission télé, Today, présentée par Jim Hartz, qui est diffusée en direct à l’heure du petit-déjeuner, sur la chaîne NBC.

Elle porte une robe avec l’emblème géant d’Apollo 17.

Tracy regarde en direct son père sur la Lune, alors que des millions d’américains la regardent, elle.

 
Tracy on Today Show

Elle répond aux questions du présentateur avec malice et intelligence.

« Quel souvenir ton père va-t-il te ramener de la Lune ? »
« Je ne peux pas vous le dire ! »

A force d’insister, elle finit par avouer : « Il va me ramener un rayon de Lune »

Lorsque Jim Hartz ramène Tracy chez elle, elle a soif et sur le pas de la porte, elle prend une pose de mannequin et déclame : « La Star à besoin d’un Sprite !«