Alan Shepard, j’ai vu la Terre entre mes doigts

Un soir, alors que l’astronaute Alan Shepard dîne dans le restaurant de son ami Jay Fiondella, ce dernier  lui  présente Julie Andrews, l’inoubliable Mary Poppins de Walt Disney, et son mari Blake Edwards, le réalisateur du film culte, la Panthère Rose.

Lorsque Julie Andrews demande, quel a été pour lui le moment le plus exaltant quand il était sur la Lune, Alan Shepard lève la main, écarte son pouce et son index d’environ 2 cm et dit : 

« Quand j’ai fait ça, j’ai pu voir la Terre entre mes doigts. C’est mon plus beau souvenir ! »

Eugene Cernan victime d’un accident d’hélicoptère

Nous sommes le samedi 23 juin 1971 au John F. Kennedy Space Center, une semaine avant le lancement d’Apollo 14.

Eugene « Gene » Cernan qui est la doublure d’Alan Shepard, (back-up commander) pour cette mission, prend les commandes du petit hélicoptère H-13 de chez Bell Aircraft, pour s’entrainer un peu.

 

Les astronautes se servaient de cet engin pour simuler les atterrissages lunaires en complément du LLTV, (Lunar Landing Training Vehicle) qui lui se trouve à la base aérienne d’Ellington au Texas.

En ce matin radieux, Eugene Cernan remonte l’Indian River pour rejoindre le site où les astronautes ont l’habitude de s’entrainer. Les réservoirs sont pleins, il décide donc de voler un peu pour alléger l’hélico.

Comme tout pilote de chasse qui se respecte, il décide de faire du « rase-flotte », pour épater un peu les pêcheurs, et autres touristes dans leurs bateaux, qui lui font des signes de la main.

Il descend de plus en plus bas, et finit par commettre l’erreur classique qui consiste à confondre le fond de la rivière avec la surface de l’eau… L’eau étant transparente et parfaitement calme, il n’a plus aucune perception de la profondeur.

Soudain un des patins heurte l’eau et c’est le crash…

Le H-13 explose littéralement… Eugene Cernan toujours sanglé s’enfonce avec l’appareil. A cet endroit la profondeur est d’environ 2,50 mètres.
Miraculeusement il n’a rien de cassé, aucune blessure grave, il ne panique pas, car il sait exactement ce qu’il faut faire. Merci aux entrainements de survie en immersion de Dilbert Dunker à l’académie navale et à ceux de la NASA.

Lorsqu’il refait surface, au bord de l’asphyxie, il n’y a que des flammes… Autour de lui le kérosène s’est embrasé, et un des deux réservoirs encore intact, flotte pas très loin, susceptible d’exploser à tout moment.

Il progresse sous l’eau, et est finalement secouru par une femme qui a assisté à toute la scène. Elle l’aide à se hisser à bord de sa petite barque de pêche. Un peu plus tard, un Sheriff l’emmène à la base aérienne Patrick pour être soigné.

Dans la voiture qui le ramène au cap, Eugene Cernan se demande ce qu’il va bien pouvoir dire à Deke (Donald Slayton, le chef du bureau des astronautes), il imagine déjà la une des journaux « Un astronaute commet une erreur de pilotage et s’écrase ».

Quelle excuse va-t-il pouvoir trouver ? Quelles en seront les conséquences pour sa future affectation ?

Lorsqu’il arrive au quartier des astronautes, il se rend directement au mess pour s’expliquer avec Slayton, mais la première personne qu’il voit, c’est Shepard, qui prend son petit déjeuner. Ce dernier, le regarde, surpris par ses cheveux brûlés et ses bandages, et lui demande ce qui s’est passé.

Cernan lui répond « On s’ennuie tellement ici qu’il fallait bien que quelqu’un fasse quelque chose pour que l’on parle un peu d’Apollo 14 »
Shepard lui répond seulement « Tu as raison », et continue de manger.

D’autres astronautes viennent aux nouvelles, finalement Donald Slayton arrive et l’emmène dans une salle de « briefing » pour lui parler seul à seul.

Alors qu’il s’assure que Cernan va bien, la tête de Shepard apparaît dans l’embrasure de la porte et dit « Un appel téléphonique pour Geno ».

Agacé, Slayton aboie « Non, pas maintenant, qui que ce soit, qu’il rappelle plus tard ! »
« Euh, Deke, c’est le vice président des Etats-Unis… »

Les nouvelles vont décidément très vite.

Eugene Cernan raconte ce qui s’est passé, remercie le vice président Spiro Agnew pour son appel, et raccroche.

« Bon alors, à quel moment le moteur est-il tombé en panne ? » demande Slayton d’une voix ferme en fixant Cernan dans les yeux.

Slayton lui propose une échappatoire sur un plateau d’argent. Tout ce qu’il lui reste à faire c’est de saisir cette opportunité…

« Deke, Le moteur n’est pas tombé en panne. J’ai mis ce salopard d’hélico dans la flotte ».

« Tu ne m’as pas bien compris Geno… Quand ce p….. de moteur a t-il commencé à avoir des ratés ? »

Slayton sait très bien que Cernan a fait une erreur de pilotage mais insiste pour qu’il saisisse la perche qu’il lui tend…

« Je viens de te le dire, le moteur fonctionnait très bien, j’ai déconné »

Slayton haussa les épaules : « Bon, si c’est ce que tu veux ! »

« C’est ce qui s’est passé, je n’y peux rien »

A ce moment, Cernan pense qu’il a eu beaucoup de chance d’avoir survécu au crash, mais qu’il ne marchera certainement pas sur la Lune.

Thomas Stafford, chef du bureau des astronautes, son pote, avec qui il avait volé sur Gemini 9 et Apollo 10 l’appelle de Houston pour lui dire : « Espèce de gros nul, qu’est ce qui t’a pris ? J’essaie de faire mon possible pour que tu commandes 17 et toi… Tu as sûrement tout fait foirer !»

Cernan était en compétition avec l’équipage de Dick Gordon, qui lui avouera plus tard qu’après son crash, il avait bien cru qu’Apollo 17 serait à lui.

Finalement, l’accident de Cernan ne fit pas grand bruit, quelques lignes anodines dans les journaux, et quelques mots à la télé…

Quelques jours plus tard, Cernan récupérera le casque qu’il portait, dont une partie a fondu… Casque qui se trouve dans son bureau encore aujourd’hui.

Digital Apollo

Lorsque James Webb, l’administrateur de la NASA, a demandé à Charles Stark Draper, directeur du département Aeronautics and Astronautics au MIT*, et fondateur du célébrissime « I-Lab » (Instrumentation Laboratory), s’il pensait pouvoir développer un système de guidage et de navigation fiable, pour envoyer un vaisseau spatial sur la Lune et le ramener sur Terre, il répondit : « Bien sûr que oui, si vous voulez je m’en occupe… »

La précision requise, équivaut à lancer une balle de golf avec suffisamment de précision pour qu’elle percute un obus tiré par un canon. Un obus qui par ailleurs suit une trajectoire à travers un champ gravitationnel variable.

La NASA choisit donc le MIT, comme contractant principal pour le développement du système de guidage et de navigation d’Apollo.

Draper s’entoura du Dr David Hoag qu’il nomma Directeur du bureau « Apollo Guidance and Navigation », du Dr Richard H. Battin , responsable du « Mission Development » et de programmeurs d’exception, tels que Dan Lickly et Alex Kosmala.

L’équipe de Battin avait la responsabilité de faire voler « électroniquement » chaque mission Apollo.

Plusieurs mois avant le lancement, elle devait fournir au centre de contrôle de Houston et du Cap, une simulation complète de chaque étape du vol, afin que les astronautes et les contrôleurs de vol puissent s’entrainer.

Chaque mission Apollo nécessite un programme spécifique, du sur mesure.

Alex Kosmala se rappelle qu’il a fallu 15 mois, au lieu des six prévus, pour terminer le programme informatique de la première mission Apollo.

Les ordinateurs « portables » du Module de Commande et du Module Lunaire sont fabriqués par la société Raytheon, et les puissants ordinateurs au sol, par IBM (International Business Machines)

Charles Stark Draper et Wernher Von Braun
Charles Stark Draper surnommé « Doc » ou « Mr Gyro » et Wernher von Braun

* Massachusetts Institute of Technology, l’une des meilleures universités scientifiques du monde, à ce jour 76 professeurs, chercheurs ou élèves du MIT ont reçu un Prix Nobel.