Apollo 17, système D sur la Lune

Lorsque Eugene Cernan, commandant de la mission Apollo 17, a fait tomber son marteau sur le « garde-poussière » arrière droit du Rover, le cassant net, c’est John Young (back-up Commander) qui a eu l’idée de plier des cartes géologiques plastifiées, et les attacher avec du ruban adhésif, et deux colliers de serrage d’un télescope, pour le réparer.

En effet, le volume de poussière soulevé par les roues était si important, qu’il était impossible de se servir du Rover sans gardes-poussière.

John Young a passé plusieurs heures à tester diverses méthodes, utilisant bien évidemment le même matériel que celui dont disposent les astronautes sur la Lune.

Pour ce faire, il s’est servi d’une réplique du rover qui se trouvait à Houston. Il a même revêtu une combinaison spatiale pour simuler avec précision le temps exact que durerait la réparation et sa faisabilité.

Lorsqu’on lui communique la procédure à suivre Cernan lancera : « Désormais vous pourrez m’appeler le réparateur de gardes-boue ! »

Les alarmes 1201, 1202, Steve Bales et de l’importance des SimSup

Le 13 septembre 1969 le président Richard Nixon, et le vice-président Spiro Agnew qui dirige le Conseil National de l’Aéronautique et de l’Espace, remirent aux astronautes Neil Armstrong, Michael Collins et Edwin Aldrin, la Médaille présidentielle de la Liberté avec distinction (Presidential Medal of Freedom with Distinction), qui est la plus haute décoration civile américaine… Neil Armstrong eut du mal à retenir ses larmes lorsqu’il s’adressa à l’assemblée…

Le président et l’administrateur de la NASA décidèrent de récompenser également toute l’équipe des opérations de la mission (Apollo 11 Mission Operations Team). C’est un certain Steve Bales, contrôleur de vol, GUIDO, spécialiste informatique du LM, qui accepta la Group Achievement Award de la NASA (récompense décernée à un groupe s’étant distingué par sa compétence, son action décisive). C’est Steve Bales qui avait donné le « Go » pour l’atterrissage sur la Lune, en dépit des alarmes 1201 et 1202 qu’affichait l’ordinateur de guidage du LM…

Revenons quelques jours en arrière, le 5 juillet 1969, ce jour-là, Richard H. Koos, le superviseur des simulations (SimSup), du centre de contrôle, responsable de l’entrainement des contrôleurs et directeurs de vols, demande à ses techniciens de « charger » le scénario n° 26 dans les simulateurs.
Il s’agissait de tester « l’équipe blanche », celle de Eugene « Gene » Kranz, celle-là même qui sera à pied d’œuvre lors de l’atterrissage d’Apollo 11.
Avec un petit sourire malicieux il dit à son équipe « Ok, que chacun se tienne prêt, nous n’avons jamais simulé cette éventualité, il faut que nous ayons un timing extrêmement rigoureux »
La simulation commence pour l’équipe de Gene Kranz… à trois minutes du début de la séquence d’atterrissage du LM, le diabolique Richard Koos, abat son Joker… « Voyons voir ce qu’ils savent des alarmes générées par le programme informatique ! »

La première alarme à laquelle l’équipe de Kranz doit réagir a le code 1201… Steve Bales, l’expert informatique de LM, ne connait pas cette alarme, il n’en a jamais entendu parler, Bales consulte son manuel : « 1201 = Executive Overflow », l’ordinateur est saturé d’informations, mais les conséquences de cette surcharge de données que l’ordinateur n’est pas capable de traiter, lui sont inconnues…
Steve Bales n’a aucune instruction quant à la conduite à tenir, il ne comprend pas car en dépit de cette alarme, tout se passe normalement, le LM continue à fonctionner normalement.
Steve Bales appelle alors Jack Garman, un expert informatique spécialisé dans les programmes qui ne lui apprend rien de plus qu’il ne sait déjà. Après moult tergiversations, complètement désemparé il dit à Kranz : « Il faut interrompre, arrêter la mission » (Abort).
Kranz passe le message au CapCom, Charlie Duke, qui dit aux astronautes Scott et Irwin d’interrompre la mission.

Lors du débriefing, Richard Koos ne mâcha pas ces mots, « En aucun cas, il fallait interrompre la mission, vous auriez du continuer », s’adressant à Bales ; « Tu as pris la mauvaise décision, ça m’a désagréablement surpris ! »
Il s’en prit ensuite à Kranz en lui disant qu’il avait outrepassé une règle fondamentale du contrôle de mission, il faut deux avis, avant d’interrompre une mission !
Les jours suivants, Richard Koos, les fit travailler exclusivement sur les alarmes informatiques…
Le 11 juillet, Steve Bales et Jack Garman ajoutèrent une nouvelle règle à leur cahier de procédures, référencée 5-90, article 11 : « La descente propulsée (du LM) sera interrompue si l’ordinateur de guidage affiche les alarmes suivantes, 105, 214, 402, 430, 607, 1103, 1107, 1204, 1206, 1302, 1501 et 1502 »
Les alarmes 1201 et 1202 ne font pas partie de cette liste… Jack Garman ne manquera pas de s’en souvenir… merci monsieur Koos !

Curieusement, Armstrong et Aldrin n’ont pas été mis au courant des résultats de ces simulations, avant leur vol !
Cela leur aurait évité une décharge supplémentaire d’adrénaline dont ils se seraient certainement bien passés !

Harrison Schmitt, réaction en chaine

Pendant la mission Apollo 16, Harrison Schmitt discutait avec Sy Libergot (EECOM) dans le SPAN (Spacecraft Planning and Analysis Room).

Schmitt se tenait debout dans une allée étroite, entre deux rangées de consoles, accoudé au-dessus de Libergot, une tasse de café à la main.

Lorsqu’une personne passe derrière lui, et le bouscule.

Déséquilibré, il renverse sa tasse de café, dont une partie s’écoule par les aérations, dans le moniteur du contrôleur. Après quelques étincelles et un peu de fumée, l’écran s’éteint définitivement !

Sy Libergot est obligé d’éteindre sa console.

Schmitt voulant bien faire, essaie alors de soulever le rack qui se trouve au-dessus des écrans pour voir l’étendu des dégâts, ce faisant, ignorant que ce dernier est solidaire de toute la rangée, il fait tomber tous les manuels posés dessus, qui renversent les tasses de café posées à coté des contrôleurs, 3 ou 4 tasses, dont le contenu se répand sur les claviers et les documents.

Instinctivement, les personnes assises se reculent pour éviter de se prendre du café chaud, et bousculent les personnes derrières elles, celles qui ont des cafés à la main, les renversent sur la deuxième rangée de consoles.

En moins de 30 secondes, Schmitt a provoqué une réaction en chaine qui a paralysé le SPAN. Les contrôleurs ont mis plus de 4 heures pour tout remettre en état.

Au cours d’Apollo 17 , les témoins de cette « catastrophe », ont demandé au CapCom de dire à Harrison Schmitt que tout allait très bien dans le SPAN, qu’aucune tasse de café n’avait été renversée, et qu’ils étaient bien content qu’il soit loin, sur la Lune !