Des graffitis dans le module de commande Columbia

Les trois astronautes utilisaient les parois du vaisseau spatial pour prendre des notes, la plupart du temps des chiffres et des coordonnées. Des graffitis…

Le programme de modélisation du module de commande Columbia en 3D , réalisé en 2016 par la Smithsonian Institution, pour le quarante-septième anniversaire d’Apollo 11, a permis de révéler au public la totalité de ces graffitis.

Ainsi par exemple, Michael Collins avait dessiné au feutre un petit calendrier de la mission, marquant d’une croix chaque jour écoulé. Seul le jeudi 24, le jour du retour sur Terre, n’est pas coché.

Le calendrier est dessiné à même la paroi du vaisseau spatial, puis recouvert d’une feuille plastique pour éviter son effacement au passage des astronautes.

Le témoignage le plus émouvant, est la toute dernière inscription laissée par Michael Collins qui, alors que les trois astronautes sont en quarantaine sur le porte-avions Hornet, va retourner dans le module de commande Columbia, le lendemain soir, pour y inscrire un dernier mot.

Le module de commande, également isolé biologiquement, était relié par un tunnel à la Mobile Quarantine Facility (MQF), afin de permettre son déchargement. La MQF est cette « caravane » dans laquelle les astronautes vont passer leurs premiers jours de quarantaine jusqu’à leur arrivée à Houston.

Il explique dans son excellente autobiographie Carrying the Fire, publiée en 1974, (et fâcheusement toujours pas traduite en français à ce jour), qu’il n’est pas particulièrement sentimental vis-à-vis de machines, mais qu’il fut pris d’un désir irrépressible de laisser un dernier message à Columbia, car il ne pouvait décemment pas la quitter comme ça, c’est ainsi qu’il inscrivit :  « Vaisseau spatial 107 – alias Apollo 11 – alias « Columbia ». Le meilleur vaisseau jamais produit (n’ayant jamais existé). Que Dieu le bénisse. Michael Collins, Pilote du Module de Commande. »

« Spacecraft 107 – alias Apollo 11  alias « Columbia ». The Best Ship to Come Down the Line. God Bless Her. Michael Collins, CMP. » »

Inscription qui se situe au niveau de la lower equipment bay, sur le système de navigation du vaisseau spatial, juste au-dessus du support d’attache de l’oculaire du sextant.

En haut l’emplacement du touchant message de Michael Collins, en bas à gauche le calendrier…
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La lisibilité de ce premier tracé n’étant pas satisfaisant, Michael Collins décide de retourner dans le vaisseau spatial, une fois les astronautes et les accompagnants rendus à Houston, dans le Lunar Receiving Laboratory où ils vont terminer leurs 21 jours de quarantaine, pour repasser plusieurs fois avec un stylo sur les mots.

Bouleversant message pour la postérité, qui en dit long sur l’état d’esprit de Michael Collins…

Lorsque North American voulait réinventer la roue

C’est la société McDonnell Aicraft Corporation qui avait construit les vaisseaux spatiaux Mercury et Gemini, mais c’est North American Aviation Inc. qui décroche le contrat pour le développement du module de commande et de service Apollo, le 28 novembre 1961, alors qu’elle n’avait aucune expérience en la matière… Le troisième vaisseau spatial américain en 5 ans… Il est vrai que North American avait fait forte impression avec son « avion spatial », le fabuleux X-15…

Voulant partir de zéro, les ingénieurs de North American, pour le moins arrogants, dédaignent le travail effectué sur Gemini, et même certaines conventions utilisées depuis les débuts de l’aviation … C’est ainsi que lorsque l’astronaute Frank Borman utilise pour la première fois le simulateur Apollo, il s’aperçoit qu’en manœuvrant la commande de vol vers l’arrière, le vaisseau descend, et en effectuant le geste opposé, poignée vers l’avant, il monte. (A l’inverse de ce qui s’est toujours pratiqué dans les avions.)

Borman demande alors à un ingénieur s’ils n’ont pas fait une erreur de polarité en installant le manche.

« Non, pas tout, c’est bien de cette manière qu’il va falloir l’utiliser. Cette façon de piloter le vaisseau va grandement faciliter les rendez-vous, et encore plus les amarrages. Vous voyez, lorsque vous tirez le manche, le nez du vaisseau s’abaisse, faisant remonter la cible. C’est bien plus cohérent.»

La réponse de Borman : « Alors, c’est peut-être plus cohérent pour vous, assis ici sur votre cul d’ingénieur, mais certainement pas pour nous. » (Sous entendu les astronautes, ex-pilotes d’essais).

Frank Borman appelle séance tenante le bureau qui chapeaute le programme Apollo (Apollo Program Office), qui ordonne très rapidement la mise en conformité du dispositif.

Cette anecdote est l’un des exemples les plus grotesques, les plus absurdes, des idiosyncrasies liées au développement du module de commande Apollo avant la tragédie, qui vont être fatales à la société et surtout à trois astronautes.

En effet, le 27 janvier 1967 les négligences et carences de North American provoquent la mort des trois astronautes Virgil Grissom, Edward White et Roger Chaffee, lors d’un test au sol. La responsabilité de la NASA dans cette tragédie est également patente. L’électrochoc provoqué par l’accident, donnera bien évidemment lieu à une profonde remise en question collective, salvatrice.

Un mois plus tard, en mars 1967, Rockwell Standard Corporation (avec un chiffre d’affaires de 636 millions de dollars) propose de racheter North American Aviation proche de la faillite (dont le chiffre d’affaire est de 2,37 milliards) pour la somme de 922 millions de dollars, la fusion est effective le vendredi 22 septembre 1967, et forme une nouvelle entité, North American Rockwell. Une opération permettant à terme de restaurer la réputation entachée de North American, mais personne n’a jamais oublié son lien avec le drame d’ Apollo 1.

North American Rockwell qui deviendra Rockwell International en 1973 (après la fusion avec la Rockwell Manufacturing Company…), le constructeur de l’orbiteur de la navette spatiale.

[Les chiffres donnés le sont en dollars de 1967, en monnaie constante (USD 2018) il faut multiplier les montants par 7,5. Sachant que dans le cas présent, la pertinence ne concerne pas les montants, mais leur disparité.]

Une photo où seul Michael Collins ne figure pas

L’une des photos préférées de Michael Collins, concernant le programme Apollo, est sentimentalement parlant, celle qu’il a prise lui-même alors que Neil Armstrong et Buzz Aldrin, dans l’étage de remontée du Module Lunaire Eagle, s’apprêtent à le rejoindre dans le Module de Commande Columbia, après leur périple sur la surface de la Lune. Au loin on aperçoit la Terre, qui abritait alors quelque 3,6 milliards d’êtres humains…

« Trois milliards plus deux ». Photo prise le 21 juillet 1969 à 17:34 (Eastern Daylight Time) soit 22:34 heure de Paris. (Apollo 11, AS11-44-6642)

Michael Collins a donné un nom à cette photo, « Trois milliards plus deux », une image qui se trouve juste au-dessus de son bureau… Chaque fois qu’il la regarde il se dit également que toute l’humanité figure sur cette photo, excepté lui-même…