La Saturn V comme un soleil dans la nuit

Un mois avant la dernière mission lunaire, l’agence Associated Press estime qu’un demi million de personnes va effectuer le déplacement pour assister au lancement nocturne d’Apollo 17, il s’agit du seul et unique lancement de nuit d’une Saturn V, et du premier lancement de nuit, d’une mission spatiale habitée américaine, tout court.

Les experts estiment que la lueur des gaz d’éjection sera visible dans un rayon de 800 km.

Si le ciel est découvert les habitants de Montgomery en Alabama, Charlotte et Raleigh en Caroline du Nord, Columbia et Charleston en Caroline du Sud, Atlanta et Savannah en Georgie, même les cubains autour de la Havane, devraient pouvoir l’apercevoir.

Lester T. Keene, de la Data Systems Division au centre Spatial Kennedy a calculé que la lumière générée par les gaz d’échappement équivaudra à la luminance du soleil.

Le maximum de visibilité sera atteint environ 2 minutes et 30 secondes après le décollage quand la Saturn V aura atteint l’altitude de 68 km, juste avant l’extinction du 1er étage dont les moteurs brûlent du kérosène et de l’oxygène liquide générant une flamme rouge-orangée.

La flamme bleu pâle résultant de la combustion de l’hydrogène liquide et de l’oxygène liquide des moteurs du deuxième étage sera peu ou prou visible.

Le magazine Time s’insurge contre l’abandon du programme Apollo

Les historiens auront beaucoup de mal pour expliquer l’abandon du programme Apollo, affirme le magazine Time en décembre 1972, après le lancement de la dernière mission, Apollo 17.

« Après avoir entraîné les personnels, perfectionné les techniques, et conçu les équipements pour explorer le satellite de la Terre. Après avoir atteint la capacité d’en apprendre plus sur la place de l’Homme dans l’univers, les américains n’ont plus de vision, ni la volonté d’aller de l’avant.

Trois ans à peine, après le premier atterrissage sur la Lune, la nation qui a rendu tout cela possible, s’est recroquevillée sur elle-même et a tourné le dos à l’espace.

Bien que les Etats-Unis aient dépensé 5,9 milliards pour développer une fusée pour le programme Apollo, la production des Saturn a été arrêtée.

L’équipe laborieusement constituée de techniciens qualifiés, d’ingénieurs, et de scientifiques, qui ont rendu Apollo possible, est lentement mais sûrement démantelée.

Ceux là même qui ont dénoncé les atterrissages sur la Lune comme étant de la propagande, des cascades technologiques, ne comprennent pas, victimes de leur esprit étriqué, que l’on se souviendra encore du petit pas de Neil Armstrong dans la poussière lunaire, alors que la plupart des sujets brûlants d’aujourd’hui, seront oubliés depuis très longtemps. »

Que reste t-il des pionniers de la NASA après la démission de Wernher von Braun ?

Dans l’édition du New York Times du 27 mai 1972, l’excellent journaliste spécialisé dans le spatial John Noble Wilford, évoquant la démission de Wernher von Braun le 26 mai, rappelle que :

Dr Wernher von Braun (SciencePhotoLibrary)

« beaucoup de ceux qui ont participé à l’effort spatial américain pendant les quinze années écoulées, ont quitté le programme. »

John Glenn, l’astronaute Mercury, premier américain en orbite autour de la Terre, est désormais un homme d’affaire avec des ambitions politiques.

L’astronaute d’Apollo 8 Frank Borman est le vice-président d’Eastern Airlines.

Neil Armstrong, l’astronaute d’Apollo 11 est professeur à l’université de Cincinnati.

L’ancien administrateur de la NASA James E. Webb qui a constitué « l’équipe Apollo » est avocat-conseil à Washington D.C..

Le Dr Thomas O. Paine, administrateur de la NASA au moment des premiers atterrissages sur la Lune, est vice président de la General Electric Corporation.

Le Dr Robert Gilruth, directeur du centre des vols spatiaux habités près de Houston vient de prendre sa retraite. Il s’occupait d’organiser les vols spatiaux, pendant que le Dr. Wernher von Braun construisait les fusées.

D’autres sont partis vers l’industrie ou sont proches de la retraite.

De l’équipe originelle des 118 ingénieurs allemands venus aux Etats-Unis avec Wernher von Braun, seuls 35 travaillent toujours au Centre Spatial Marshall (MSFC). Le Dr Eberhard Rees, un autre des concepteurs de la fusée V2 à Peenemünde, en est l’actuel directeur.

Wernher von Braun et l’essentiel de sa Rocket Team.

Six personnes de l’équipe originelle dont le Dr Kurt Debus, directeur du Centre Spatial Kennedy, travaillent toujours à la NASA dans d’autres centres. » Kurt Debus prendra sa retraite deux ans plus tard.

« Concernant les autres, 22 ont rejoint l’industrie, 12 sont décédés, 16 sont repartis en Europe, et 26 ont pris leur retraite. »

L’année 1972, avec la dernière mission sur la Lune en décembre, marque et confirme le « déclin » de la NASA, faute de subsides, après un âge d’or qui a duré de 1958 à 1969.

Le temps passe et les temps changent.