Les astronautes d’Apollo 16 sont reçus au Congrès

Comme tous les équipages précédents, les trois astronautes d’Apollo 16, John Watts Young, Thomas Kenneth Mattingly et Charles Moss Duke (ainsi que leurs épouses) sont reçus au Congrès des Etats-Unis, c’était le 16 mai 1972, 19 jours après leur retour sur Terre, lors de la deuxième session du 92e Congrès.

Ils sont d’abord reçus à la Chambre des Représentants qui a désigné sept personnes parmi lesquelles le futur président des Etats-Unis Gérald Ford, alors Représentant du Michigan, pour accueillir les astronautes et les escorter jusqu’à la tribune. La séance plénière est suspendue à 12:32. Les astronautes font leur entrée à 12:37 très précises, lorsque le Doorkeeper annonce leur entrée.

L’assemblée se lève et ovationne les astronautes.

Le président (Speaker) de la Chambre leur souhaite la bienvenue : « Mes collègues de la Chambre des Représentants, j’ai l’insigne honneur de souhaiter la bienvenue, au nom des Représentants de cette Chambre, aux héroïques astronautes d’Apollo 16 qui ont accompli une mission des plus difficiles sur la Lune. J’ai l’honneur de vous présenter le distingué commandant de cette mission, le Capitaine de Vaisseau John W. Young de l’US Navy. »

John Young :

« M. Le Président, membres du Congrès, et distingués invités,

C’est un immense honneur pour nous, d’être ici aujourd’hui, et de pouvoir rendre compte, directement, des résultats scientifiques préliminaires de notre mission Apollo 16, dans les hauts plateaux de Descartes, devant le Comité de l’Espace, et le Sous-Comité des Finances. Pour commencer, nous souhaitons également, vous exprimer notre gratitude, car c’est ici-même, et au Sénat, que les décisions cruciales ont été prises, qui ont permis l’existence de notre programme spatial. C’est votre soutien et vos sages décisions qui ont propulsé l’amérique dans l’espace. » Il se tourne alors vers Charlie Duke et déclare : « Je voudrais maintenant vous présenter l’un de mes estimés collègues, mon vieux passager du rover lunaire, Charlie Duke, l’homme qui a dit : « Je préfère marcher ». (Ce qui provoque l’hilarité de la salle.)

L’assemblée se lève et applaudit.

A l’issue de son discours, Charles Duke, présente Ken Mattingly : « …et maintenant je voudrais vous présenter l’un des meilleurs pilotes du module de commande, et l’un des meilleurs gars avec lequel un homme ne pourra jamais voler, le Capitaine de Frégate Ken Mattingly de l’US Navy. »

A nouveau les membres de la chambre basse se lèvent et applaudissent.

Ken Mattingly prononce son discours et repasse la main à John Young : « J’aimerais vous présenter l’une des personnes exceptionnelles qui a rendu tout cela possible, notre commandant, John Young. »

L’assemblée applaudit et se lève.

John Young :

« Merci beaucoup Ken. Permettez-moi maintenant de conclure avec quelques pensées qui me sont venues lors de ce vol. Comme vous le savez, nous avons rencontré quelques problèmes inattendus, et ils étaient loin d’être anodins. Au cinquième jour de la mission, nous étions dans notre vaisseau spatial à nous demander si nous allions être autorisés à atterrir sur la Lune.  Les personnels de la NASA et des contractants dans tout le pays, ont effectué une analyse rapide et correcte de nos différents problèmes, ce qui nous a permis en définitive de pouvoir accomplir notre exploration lunaire. J’ai en mémoire l’exemple d’une équipe d’ingénieurs en Californie, qui avait déjà commancé à travailler sur le problème, alors que nous en discutions encore avec les contrôleurs de vol de Houston. Cela représente pour moi, la quintessence du travail d’équipe, une équipe constituée de personnes qui ont un sens profond de la responsabilité individuelle, ceux là même qui ont construit nos vaisseaux spatiaux si fiables, ont résolu nos problèmes en temps réel, et qui font que les Etats-Unis d’Amérique est le plus grand pays sur cette Terre. Comme vous le savez, notre site d’atterrissage d’Apollo 16 porte le nom d’un célèbre philosophe et mathématicien français, René Descartes. Au dix-septième siècle il affirmait : « que de toutes les choses qui peuvent tomber sous la connaissance des hommes, il n’y en peut avoir de si éloignées auxquelles enfin on ne parvienne, ni de si cachées qu’on ne découvre. »

[Le texte original prononcé par John Young : « There is nothing so far removed from us as to be beyond our reach or so hidden from us that we cannot discover it. » (Cette citation est extraite du chapitre deux du « Discours de la méthode : pour bien conduire sa raison, et chercher la vérité dans les sciences » paru en 1637.)]

Afin que nous utilisions correctement la science et la technologie, pour le bien de notre pays, ses habitants et leurs aspirations, nos besoins en énergie, nos besoins en nourriture, notre niveau de pollution, et pour trouver une solution raisonnable, et vous remarquez que j’ai employé le mot raisonnable, pour résoudre les nombreux problèmes liés à l’interface homme/planète, nous devons apporter à nos scientifiques et ingénieurs, ainsi que le Congrès, un nombre accru de faits. Nous avons besoin de plus de recherche fondamentale et de connaissances, afin de faire en sorte que nous puissions survivre sur cette planète. Ce que M. Descartes a dit au XVIIe siècle est toujours d’actualité, mais est rendu encore plus urgent par l’état actuel de notre monde.

On ne peut en tirer qu’une seule conclusion, et elle est inéluctable pour toute personne qui réfléchit et se sent concernée. L’Homme du XXe siècle doit atteindre les choses qui sont encore hors de sa portée, et faire en sorte de découvrir les secrets cachés de notre univers. Ken, Charlie et moi, sommes fermement convaincus que la mission Apollo 16 a présisément rempli cette fonction. Nous sommes infiniment fiers d’y avoir contribué, et d’avoir partagé avec le Congrès la fierté que vous devez ressentir pour avoir eu le courage de prendre les bonnes décisions pour les Etats-Unis d’Amérique.

Applaudissements, l’assemblée se lève.

Le président de la Chambre :

« Nos distingués visiteurs ont accepté de se présenter à la salle de réception Rayburn, afin de rencontrer tous les membres de cette chambre. Le comité d’escorte peut-il accompagner nos distingés visiteurs à la salle de réception Rayburn ? Merci. »

Puis, à 13:10 la séance plénière reprend.

C’est maintenant au tour des sénateurs de rencontrer les astronautes. Avant leur arrivée dans la chambre haute, le sénateur de la Caroline du Sud, James Strom Thurmond (1902-2003), prononce un petit discours au cours duquel il évoque plus particulièrement la famille Duke originaire de Lancaster, ville qui se trouve dans l’état qu’il représente, et dans lequel il est né. Les parents, un père militaire, colonel, le frère  jumeau, médecin, et sa sœur, infirmière…

A 13:32 une interruption de séance est déclarée.

Les astronautes, accompagnés des sénateurs Mansfield, Scott, Anderson et Curtis, font alors leur entrée au sénat, ils sont accueillis par des applaudissements, les sénateurs sont debout. Le leader de la majorité Michael Mansfield prononce un petit discours de bienvenue, puis les sénateurs rencontrent les astronautes et leurs épouses. Ils ne s’exprimeront pas devant le Sénat.

A 13:53 les astronautes quittent la chambre, et les sénateurs reprennent leur séance plénière.

Il faut rappeler que la veille de cette visite des astronautes d’Apollo 16 au Congrès, le gouverneur ségrégationniste d’Alabama, Georges Wallace (1919-1987) en campagne électorale pour l’investiture démocrate à l’élection présidentielle, est victime d’une tentative d’assassinat alors qu’il se trouve en meeting au Laurel Shopping Center, dans le Maryland. Vers 16:00, Arthur Bremer, 21 ans, qui voulait également assassiner Richard Nixon, a tiré quatre balles, pratiquement à bout portant. Wallace restera paraplégique. Attentat qui, on l’imagine bien, a causé un grand émoi aux Etats-Unis…

John Young, monsieur astronaute

Lors de la conférence de presse d’après vol de la mission Apollo 16, qui s’est déroulée le 3 mai 1972 au Centre des Vaisseaux Spatiaux Habités près de Houston, John Young, qui vient d’effectuer son quatrième vol spatial (du 16 au 27 avril), et a marché sur la Lune avec Charles Duke, pendant que Kenneth Mattingly est resté en orbite lunaire, répond à la question d’un journaliste qui lui demande : « Après quatre vols, allez-vous prendre votre retraite ? »

John Young : « Je n’ai que quarante ans. Non, j’aime notre programme spatial. Je continuerai jusqu’à ce que je parte les pieds devant. »

John Young prendra tout de même sa retraite, le 31 décembre 2004, 32 ans après avoir tenu ces propos, à l’âge de 74 ans. Entre temps il a effectué deux vols spatiaux supplémentaires et non des moindres, le premier vol de la navette spatiale en 1981, et le premier vol du laboratoire européen « Spacelab », lors de la neuvième mission du programme navette spatiale, en 1983.

John Young, le meilleur astronaute que la NASA n’ait jamais eue.

La tournée européenne des astronautes d’ Apollo 13

Le 26 septembre 1970 la Maison-Blanche annonce que les astronautes d’ Apollo 13, James Lovell, John Swigert et Fred Haise effectueront une tournée présidentielle dénommée Aquarius Presidential Goodwill Tour, en hommage au module lunaire Aquarius qui leur a sauvé la vie.

Ils doivent se rendre dans six pays européens en tant que représentants personnels du président Nixon, le déplacement doit durer 15 jours, du jeudi 1er au jeudi 15 octobre.

Les astronautes sont accompagnés de leurs épouses, sauf Swigert qui est célibataire. Mary Haise ayant accouché du quatrième enfant du couple le 6 juillet, il n’était pas possible d’envoyer les astronautes effectuer un tour du monde, sur une période aussi longue que les tournées précédentes, Thomas Jesse ayant à peine trois mois.

Les six pays visités sont, l’Islande, la Suisse, la Grèce, Malte et l’Irlande, ainsi qu’un saut en Allemagne, le 5 octobre, pour donner une conférence sur leur vol, à l’occasion du XXIe Congrès International d’Astronautique qui se déroule à Constance, du 4 au 10 octobre.

Islande : du 1 au 4 octobre. L’avion de la Maison-Blanche atterrit à Reykjavik le jeudi 1er octobre. Ils rencontrent le président Krist-jan Eldjarn (1916-1982) et les membres du gouvernement, ainsi que des scientifiques. Fred Haise et Jack Swigert connaissent bien l’Islande puisque ce pays a accueilli 32 astronautes pour des stages géologiques en 1965 (du 12 au 16 juillet) ainsi qu’en 1967 (du 2 au 8 juillet) sur les sites de Drekagil, Grjótagjá, du Lac Mývatn, de Nautagil et de la caldeira d’Askja. Sept des douze astronautes ayant marché sur la Lune, dont Neil Armstrong, furent de ces voyages. Haise et Swigert ont fait partie de la session 1967. James Lovell n’a participé à aucun de ces deux stages. (Pour la Petite Histoire : William Anders est le seul à avoir effectué les deux stages.)

♦  Suisse : du 4 au 8 octobre. Les astronautes se rendent dans les villes de Berne, Zurich et Lucerne. Ils sont reçus au palais fédéral de Berne par le conseiller fédéral, chef du Département de l’Intérieur, Hans-Peter Tschudi (1913-2002). Ils rencontrent des scientifiques de l’Université de Berne dont le professeur Johannes Geiss (4 septembre 1926 – 30 janvier 2020) à l’origine d’une expérience effectuée sur la surface de la Lune (Solar Wind Composition Experiment) dont l’objectif est de mesurer la composition et l’énergie du vent solaire.

Le 7 octobre ils visitent le Musée des Transports et le Planétarium Longines, qui se trouvent à Lucerne. Au planétarium, on montre aux astronautes la Terre, telle qu’elle est vue de la planète Mars. Il s’agit du premier planétarium construit en suisse, inauguré le 1 juillet 1969. En soirée, ils participent à une émission télé, à Berne (Bundeshausstudio).

Dans le train qui les emmène de Zurich à Berne. (De g. à d.) Fred Haise, Jack Swigert, James Lovell. La légende de la photo, en allemand, précise que les trois astronautes ont dû se sentir plus à l’aise dans ce wagon salon, que dans leur vaisseau spatial quelques mois plus tôt.
(De g. à d.) Marilyn Lovell et Mary Haise regardent leurs maris qui sont montés sur le train « Spanisch-Broetli-Bahn », le premier ayant circulé en Suisse. Musée Suisse des Transports à Lucerne.

République Fédérale d’Allemagne. Le 5 octobre les astronautes sont à Constance pour le XXIe Congrès International d’Astronautique. Après le visionnage d’un film sur leur vol spatial, les astronautes évoquent leur odyssée devant plus de 700 personnes. L’astronaute James McDivitt, également présent, revient sur les aspects techniques de la mission et les modifications apportées au vaisseau spatial ainsi qu’à certaines procédures. Ils rencontrent les cosmonautes Boris B. Yegorov (Voskhod 1 en 1965), Andriyan G. Nikolayev et Vitali I. Sevastyanov (Soyouz 9 en juin 1970) qui avaient établi un record d’endurance, 17 jours 16 heures et 58 minutes. Cette mission reste à ce jour la plus longue jamais effectuée sur un vaisseau spatial à proprement parler (hors stations spatiales).

Grèce : du 9 au 11 octobre – Les astronautes atterrissent à Athènes, au pays du dieu Apollon, qui a donné son nom au programme lunaire habité américain. Ils sont accueillis par l’ambassadeur Henry Tasca (1912-1979). Ils seront reçus par le premier ministre Georgios Papadopoulos (1919-1999).

(De g. à d.) Fred Haise, James Lovell, John Swigert devant le palais présidentiel d’Athènes.

Le maire d’Athènes, Dimitrios Ritsos (1912-1988) remet aux astronautes les clefs d’or de la ville. (Photo ci-dessous)

(De g. à d.) L’ambassadeur des Etats-Unis, Henry Tasca, James Lovell, le maire d’Athènes Dimitrios Ritsos, John Swigert et Fred Haise. Crédit photo : Associated Press
Les astronautes devant l’Acropole.
Credit: Photo by AP/Shutterstock

Ils feront une escapade à Héraklion en Crète pour se reposer un peu… Ils ne manqueront pas de visiter les vestiges du palais de Cnossos.

Malte : du 11 au 13 octobre 1970. Les astronautes sont reçus au Palais des Grands Maîtres, à La Valette, par le premier ministre George Borg Olivier (1911-1980). Les astronautes lui offrent notamment un badge de la mission, un fragment du bouclier thermique du module de commande, une photo dédicacée du décollage, une photo de la Lune. (Comme à toutes les autres personnalités rencontrées.)

C’est dans une Rolls-Royce décapotable que les astronautes d’ Apollo 13 remontent la rue de la République de la capitale La Valette.

Irlande : du 13 -15 octobre.   Le 13 octobre les astronautes atterrissent à l’aéroport de Dublin où ils sont accueillis par l’ambassadeur américain John D. Moore (10 novembre 1910 – 12 septembre 1988). Dix jours avant, du 3 au 5 octobre, le Président Nixon était en visite officielle en Irlande.

Ils seront reçus par le président Eamon de Valera (14 octobre 1882 – 29 août 1975) au palais présidentiel Áras an Uachtaráin (maison du président), ils ne manquent pas de lui souhaiter un joyeux 88ème anniversaire. Eamon de Valera qui fait partie des rares responsables politiques ayant exprimé leurs condoléances officielles à l’Allemagne à la mort d’ Hitler. Il était alors chef du gouvernement de l’Irlande (Taoiseach).

James Lovell offre au président irlandais un fragment du bouclier thermique du vaisseau spatial Apollo 13.

Le cortège en voiture décapotable passe par l’avenue O’Connell.

Ils donnent une conférence de presse à l’hôtel Intercontinental.

Conférence de presse télévisée à l’Hôtel Intercontinental. (De g. à d.) Kevin O’Kelly (journaliste à Raidió Teilifís Éireann (RTÉ) (Radio Télévision d’Irlande), Fred Haise, James Lovell, Jack Swigert.

Ils rencontrent également le doyen de la Cathédrale St Patrick, Victor G. Griffin, qui a laissé le lieu ouvert, nuit après nuit, pour permettre à la population de prier pour le retour sain et sauf des trois naufragés de l’espace. Ils visitent également la Maison de l’Opéra à Cork.

Le 14 octobre à 17:30 l’avion présidentiel atterrit à l’aéroport Shannon, ils passeront la nuit au célébrissime Dromoland Castle Hotel.

Le jeudi 15 octobre à 10:45 les astronautes d’ Apollo 13 quittent leur somptueux hôtel pour se rendre à Limmerick. Ce matin-là les écoles restèrent fermées pour permettre aux enfants de voir le cortège des astronautes traverser la ville. Vers 11:30 ils arrivent à la bibliothèque municipale, plus spacieuse que l’Hôtel de Ville prévu au départ, où les accueille le maire de la ville J. P. Liddy (1911-1989), son conseil municipal, et les notables de la cité.

Marilyn Lovell (à g.) et James Lovell au Château de Bunratty. Les Lovell ont sur la tête les couronnes de la Comtesse et du Comte de Thomond. Titre qui date du XVe siècle.

Ils déjeunent au Château Bunratty de 12:30 à 14:30 puis se rendent à l’aéroport Shannon. L’avion présidentiel décolle à 15:00 à destination de Washington, puis de Houston.

Une tournée européenne qui a soulevé les foules, et dont les protagonistes gardent un excellent souvenir.

Dans une interview accordée par Mary Haise en 2010, la première épouse de l’astronaute Fred Haise déclarait : « Après le voyage, on nous a donné un album photo avec toutes celles qui ont été prises par nos accompagnateurs… »

Voilà un album que j’aurais aimé consulter…