Charles Draper volontaire pour un vol vers la Lune

Le 25 mai 1961 le  Président John F. Kennedy promet la Lune aux américains avant la fin de la décennie. Le 9 août, le Dr Charles Draper, 60 ans, qui dirige le laboratoire du MIT, se voit confier le premier contrat d’envergure du programme Apollo, la conception du système de navigation et de guidage du vaisseau spatial.

Charles Stark Draper (2 octobre 1901 – 25 juillet 1987)

Six mois plus tard, le 21 novembre 1961, Charles Draper envoie un courrier à son ancien étudiant, le Dr Robert Seamans, alors administrateur associé de l’agence spatiale américaine.

Voici une traduction non littérale de la missive :

Cher Bob,

Comme suite à nos multiples conversations de ces jours derniers, Je voudrais officiellement me porter volontaire pour faire partie d’un vol Apollo vers la Lune, ou pour tout vol suborbital ou orbital qui sera  effectué  pour préparer les vols lunaires. Je mesure pleinement mes carences comme pilote d’essai, en revanche mes compétences dans les domaines scientifiques et d’ingénierie devraient être prises en considération dans le cadre de la sélection d’un membre d’équipage non impliqué dans les phases de pilotage mais dans la vérification des systèmes, l’observation, l’interprétation de données, les communications…

Par ailleurs, je pense que mon expérience de pilote, même si non professionnelle, qui s’étend tout de même sur une période de plus de 35 ans et qui comprend pas mal de travail expérimental devrait, après une formation appropriée, me permettre de passer une licence professionnelle.

J’ai bien conscience que mon âge, 60 ans, peut poser problème, mais le Général Don Flickinger* m’a assuré que ce n’était pas obligatoirement rédhibitoire. C’est bien volontiers que je me soumettrai à tout examen physique et autre test d’aptitude, et que je suivrai tous les entraînements que vous jugerez nécessaires.

Mes motivations pour participer à un vol Apollo sont multiples.

Tout d’abord je suis convaincu que notre pays a cruellement besoin d’exploits dans le domaine spatial. Il est vital que nous parvenions d’une manière ou d’une autre à inverser la détérioration de notre image à l’étranger, au contraire de celle de nos rivaux soviétiques. Personnellement, je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour aider à renverser cette situation.

Deuxièmement : Je pense que le développement de la technologie spatiale est actuellement le secteur le plus intéressant et potentiellement le plus gratifiant, et je compte bien pleinement contribuer au développement du programme spatial.

Troisièmement : J’estime que mes activités professionnelles, au cours de ces trente dernières années, m’ont permis d’accumuler des compétences uniques qui devraient me permettre  de me rendre très utile en tant qu’astronaute scientifique l. Il me serait beaucoup plus facile d’apprendre  les techniques liées aux opérations en vol qu’à quiconque d’acquérir les connaissances que j’ai accumulé. Je suis certain de vous être extrêmement utile.

Quatrièmement :  je souhaiterais que l’on me présente aux astronautes, avec un statut d’égal à égal, de collègue potentiel,  afin de pouvoir discuter avec eux des différents problèmes du programme Apollo. Mes fonctions au MIT ne permettront pas de m’y consacrer à plein temps, je crois néanmoins être en mesure d’apporter des idées décisives.

 Nous tous, ici au MIT, travaillons d’arrache-pied  sur le système de guidage Apollo et je suis persuadé que nos efforts seront couronnés de succès. Je suis également convaincu que si l’on me permet d’avoir le statut d’astronaute scientifique, je vous serai d’une aide précieuse.

Le fait  de me porter volontaire pour une telle entreprise donnera aux participants du projet une motivation supplémentaire et permettra de donner plus de légitimité à mes suggestions.

 Je vous demande de bien vouloir transmettre ma candidature, pour faire partie d’un équipage Apollo, aux services compétents, ces derniers voudront bien me faire savoir quels formulaires remplir, et quelles démarches supplémentaires entreprendre pour l’argumenter plus précisément .

 

Veuillez transmettre mes salutations à M. Webb et au Dr Dryden,

Bien cordialement,

C. S. Draper

Director of Instrumentation Laboratory

Par une lettre en date du 27 septembre, Robert Seamans accuse réception de la candidature de Charles Draper et de sa bonne transmission au service concerné. Il lui précise par ailleurs qu’il est extrêmement rassurant d’avoir son laboratoire d’Instrumentation travailler sur le projet Apollo et lui assure que son immense intérêt et précieux concours sont très appréciés.

Inutile de préciser que cette « candidature » à bien fait sourire. La naïveté de Charles Draper est désarmante ! D’aucuns arguent qu’il s’agissait de motiver ses troupes en leur faisant passer un message de confiance, puisqu’il est prêt à risquer sa vie dans un vaisseau spatial dont ils doivent concevoir le système de navigation.

Anecdote dans l’anecdote : Charles Draper n’est jamais allé dans l’espace mais sa fameuse lettre oui, lors de la vingt-cinquième et dernière mission de la Navette Endeavour en mai 2011, dans le cadre de la commémoration du 150ème anniversaire du Massachusetts Institute of Technology.

* Donald Flickinger, général de l’US Air Force était également un médecin spécialisé dans la médecine spatiale.

Captain America

L’astronaute Ronald Evans ayant choisi de baptiser « son » module de commande « America », c’est tout naturellement, que ses deux coéquipiers Eugene Cernan et Harrison Schmitt, lui ont donné le surnom du célèbre super-héros de l’univers Marvel : Captain America !

Ronald Evans
Ronald Evans le 4 décembre 1972 portant un T-shirt « Smile America »

Un enfant de dix ans à la rescousse d’ Apollo 11

Alors que l’équipage d’ Apollo 11 est sur le chemin du retour, le PAO (Public Affairs Officer), l’Officier des relations publiques, dont le rôle est de commenter la mission, de donner des informations à la presse et au public sur son déroulement, on l’appelle familièrement la voix de Mission Control, annonce :

« Ici le Contrôle Apollo à 169 heures et 28 minutes (NdT : temps écoulé depuis le décollage). Apollo 11 se trouve en ce moment à 219 540 km de la Terre, et s’approche à la vitesse de 1 593 m/s.

L’équipage est toujours endormi. Tous les systèmes fonctionnent normalement. La correction à mi-course prévue à 172 heures a été annulée, la trajectoire du vaisseau spatial étant nominale.

Du Réseau de Suivi des Vols Habités nous avons reçu un rapport faisant état d’une contribution à la mission Apollo 11 effectuée par un garçon âgé de 10 ans, résidant sur l’île de Guam. La station de suivi de Guam qui reçoit des informations par télémétrie a eu un problème avec le roulement de l’une de ses antennes. Le roulement a été remplacé avec l’aide d’un garçon âgé de dix ans, Greg Force, dont les bras étaient assez fins pour pouvoir passer dans un orifice de 6,5 cm de diamètre.

Nous vous montrons maintenant l’interface de rentrée avec l’atmosphère terrestre telle qu’elle sera dans 25 heures, 33 minutes et 30 secondes. L’équipe verte des contrôleurs de vol dirigée par Cliff Charlesworth se met en place et va remplacer Glynn Lunney et son équipe noire. Ici le Centre de Contrôle de Mission, Houston. »

Qui est donc cet enfant âgé de dix ans qui a réparé le dispositif mécanique permettant l’orientation de l’antenne de suivi de la station de l’île de Guam ?

Nous sommes le 23 juillet 1969, Apollo 11 doit amerrir dans moins de 24 heures.

C’est à la station de suivi de Guam, que va échoir la tâche de relayer la télémétrie et les communications avec le module de commande Columbia, lors de cette phase cruciale du retour sur Terre.

Charles Thomas Force qui est le premier directeur de la station, mise en service en 1966 spécialement pour le programme Apollo, est alerté par les opérateurs. Il y a un problème avec l’antenne, le système est grippé, on ne peut plus l’orienter.

Le temps presse, démonter le mécanisme prendrait trop de temps, Charles Force propose alors de mettre de la graisse pour essayer de le débloquer provisoirement.

Hélas l’ouverture permettant d’y accéder fait six centimètres de diamètre, et aucune des personnes présentes n’arrive à y passer la main…

Soudain il a une idée. Il est 22 heures lorsqu’il appelle sa femme Marilyn, et lui demande de prévenir son fils Greg, alors âgé de 10 ans, qu’une voiture va venir le chercher. Il a besoin de lui.

La main de Greg est assez fine et lui permet de déposer de la graisse sur le mécanisme de roulement qui se débloque, et permettra le suivi optimal d’Apollo 11. Contrairement à ce qui est annoncé par le PAO le roulement n’a pas été changé. Il le sera après la mission.

Neil Armstrong remerciera en personne le jeune garçon pour ce qu’il a fait.

Peu conscient, sur le coup, de la portée de son geste, son père devra lui expliquer l’importance de sa contribution. Cette histoire sera rapportée par les journaux du monde entier.

Greg Force fut invité aux commémorations officielles du quarantième anniversaire d’ Apollo 11 et interviendra en direct sur la chaine CNN pour narrer à nouveau cette histoire.

Malheureusement, l’instigateur, son père, n’est plus, Charles Force qui a travaillé plus de quarante ans à la NASA est décédé le jeudi 9 août 2007 à l’âge de 72 ans.

Greg Force voulait être astronaute, mais sa dyschromatopsie (daltonisme) a brisé son rêve.

Il est actuellement propriétaire d’une école de gym et reste un fervent passionné de la conquête spatiale.

Modeste, il ne cesse de répéter : « Tout ce que j’ai fait c’est passer ma main et déposer un peu de graisse ».