Un cadeau très spécial pour Donald Slayton

Les astronautes Virgil « Gus » Grissom, Edward White et Roger Chaffee avaient fait faire, par un grand joaillier de Houston, un insigne d’astronaute (Astronaut pin) en or, avec un diamant incrusté dans l’étoile.

Ils devaient emmener le bijou avec eux, lors de la première mission Apollo, et en faire cadeau à leur chef, Donald « Deke » Slayton* à leur retour. Ils souhaitaient ainsi lui témoigner leur amitié, respect et reconnaissance, pour son travail à la tête du bureau des astronautes. Même s’il n’ était pas allé dans l’espace, il était un Astronaute.

Malheureusement le sort en décida autrement, les trois astronautes d’Apollo 1 périrent dans l’incendie de leur capsule en janvier 1967, au cours d’un banal test sur le pas de tir.

Une semaine après la tragédie Donald Slayton rend une visite personnelle aux veuves des trois astronautes, Betty Grissom, Patricia White et Martha Chaffee. Après avoir discuté un moment, elles sortent un écrin, et lui présentent ce cadeau de la part de leurs maris.

On imagine ce qu’ il a dû ressentir lorsqu’il découvre le bijoux !

Donald Slayton considérera toute sa vie ce maudit vendredi 27 janvier 1967 comme le pire jour de son existence !

Jusqu’à la fin, il ne sortira jamais sans son pin, quelles que soient les circonstances,  il ne se séparait jamais de ce qu’il considérait comme un mémorial en l’honneur de ses amis disparus.

Lorsqu’après 16 ans d’attente, il est enfin allé dans l’espace *, il a reçu comme tous les astronautes ayant fait un vol spatial un pin en or « officiel ».

Il a rangé ce dernier dans un tiroir, et a continué à porter celui que l’équipage d’Apollo 1 lui avait offert, il représentait tellement plus pour lui !

Donald Slayton portera cet insigne jusqu’à sa mort, excepté une petite semaine de juillet 1969, lorsque le bijou fera un petit voyage sur la Lune…

Donald Slayton est mort d’une tumeur au cerveau le 13 juin 1993, il n’avait que 69 ans.

Patricia White s’ est suicidée en 1983…

* Sélectionné en avril 1959 avec le premier groupe d’astronaute de l’histoire, il a été Interdit de vol spatial en août 1962 en raison d’un problème cardiaque mineur. Il finira par faire un vol spatial en juillet 1975 avec la mission Apollo – Soyouz.

Le 13 avril 2010 les ayants droits Slayton ont vendu le bijou aux enchères !

 

 

Le Beagle ?

Lorsque vint le moment d’envisager un indicatif pour leur LM, John Young et Charles Duke ont cherché des noms en relation avec les constellations, et de prestigieux bâtiments de la marine.

Pendant un temps, ils avaient porté leur préférence sur Beagle, du nom du célèbre navire qui a emmené Charles Darwin pendant cinq années autour du monde. C’est lors de ce voyage que lui vint l’intuition de la sélection naturelle.

Mais en consultant un peu l’historique des navires ayant porté ce nom-là, ils sont tombés sur le cas d’un Beagle ayant coulé. « C’est peut être un mauvais présage ».

Finalement le LM s’appellera Orion, une des plus belles constellations de l’hémisphère Boréal. C’est par ailleurs un mot simple, et facilement intelligible pour les capcoms.

Quant à Ken Mattingly, il choisit Casper, le gentil fantôme ! Car sur la Lune les astronautes ressemblent à des « apparitions » !

Un poster de 1971 avec Casper le gentil fantôme. On aperçoit la constellation d'Orion.4orion et Orion
Un poster de 1971 avec Casper le gentil fantôme et la constellation d’Orion.

Mais où est donc passée l’alliance de Ken Mattingly ?

Pour d’évidentes questions de salubrité et de sécurité, chaque fois que Kenneth Mattingly se servait d’un sac en plastique de confinement des matières fécales, il enlevait son alliance.

Ce n’est pas très romantique mais ce sont dans ces circonstances particulières, qu’au deuxième jour de la mission, il égara le précieux anneau.

Les astronautes entreprirent des recherches mais en vain. Elle est forcément dans le module de commande, on finira bien par mettre la main dessus. Comme toujours au moment où l’on s’y attendra le moins !

Une semaine plus tard, le 25 avril 1972 les astronautes sont sur le chemin du retour. Ils sont à quelque 67 000 kilomètres de la Lune et à 320 000 km de la Terre.

Il est temps de dépressuriser le module de commande, afin que Ken Mattingly et Charlie Duke puissent effectuer une sortie dans l’espace, pour récupérer des pellicules et réaliser diverses expériences scientifiques dont une expérience de microbiologie, « Microbial Ecology Evaluation Device (MEED) »

Ce sera la plus longue des trois « Deep Space EVA » du programme Apollo : 1 heure et 24 minutes.

Pour réaliser cette sortie, Mattingly, a, comme prévu, emprunté le « casque » (LEVA : lunar extravehicular visor assembly) de son commandant John Young. Le LEVA comprend notamment une visière recouverte d’une couche d’or fin qui  protège les yeux de l’intense rayonnement solaire.

Il ouvre l’écoutille et sort en premier. A l’aide des poignées disposées sur le  module de service il progresse  le long de la « SIM bay » (Scientific Instrument Module) dans laquelle, comme son nom l’indique, sont entreposés différents instruments et expériences scientifiques.

Duke sort à son tour et sécurise ses pieds au niveau de l’écoutille, son rôle est de surveiller le cordon ombilical d’environ 7 mètres de long qui permet à son coéquipier de respirer et communiquer, et fait office de filin de sécurité. C’est la procédure normale. Tout d’abord Mattingly  récupère des magasins, contenant les pellicules des caméras panoramiques et de cartographie, qui « pèsent » plus de 30 kg, qu’il passe à Duke pour les entreposer dans de CM.

Le spectacle est absolument grandiose, avec cette Lune gigantesque et cette Terre minuscule.

Alors qu’il observe Ken Mattingly, Charlie Duke est gêné par un reflet doré intermittent dans le coin de son œil gauche, intrigué il se retourne et stupéfait, aperçoit l’alliance de son co-équipier, tournoyant sur elle même, sur le point de s’échapper dans l’espace.

Cette fois elle va être perdue pour de bon  «  Il faut que je l’attrape » se dit Duke en tendant la main pour s’en saisir. Mal positionné il n’y parvient pas. L’anneau nuptial continue sa course, désormais hors de sa portée.

Tant pis, adieu belle alliance ! L’image de cette bague de mariage, chatoyante et étincelante sur fond de ciel noir, est de toute beauté.

L’anneau continu sa trajectoire rectiligne uniforme dans la direction de Ken Mattingly, qui n’a absolument pas conscience de ce qui se trame dans son dos, trop occupé à mettre en place une importante expérience, et qui de surcroît est en communication avec Houston. Il n’est pas question de l’interrompre !

Lorsque l’anneau vient taper sur le bas du casque, Duke se dit qu’elle va ricocher et se perdre à jamais dans l’océan cosmique.  Au lieu de cela l’improbable se produit, la bague revient droit sur lui. Duke n’en croit pas ses yeux ! Lorsqu’elle arrive à sa portée il n’a plus qu’à la saisir au vol… A ce moment là, le vaisseau spatial file vers la Terre à quelque 8 000 km/h !

A leur retour dans le vaisseau spatial, Duke ouvre son gant et avec un large sourire dit :

 » Ken j’ai quelque chose pour toi ! « 

Ken Mattingly, exulte, il a retrouvé son précieux. Il a eu une chance inouïe, car la probabilité qu’un anneau en rotation sur lui même rebondisse sur un objet convexe et reprenne une trajectoire à 180 degrés est extrêmement faible.

Voilà une excellente nouvelle… Qu’aurait-il bien pu dire à sa femme Elizabeth, enceinte de huit mois, qui attend leur premier enfant ? *

Duke et Mattingly Apollo 16 EVA
Duke et Mattingly portant le LEVA de John Young (bande rouge du commandant)    –    Cliché pris par une camera Maurer 16 mm DAC  (Data Acquisition Camera)

* Thomas Kenneth Mattingly III naîtra le jeudi 18 mai 1972. Il sera le seul enfant du couple, qui finira par divorcer ! Le lot de bon nombre d’astronautes.

La SIM bay DU SM d'Apollo 17
Une vue de la SIM bay du SM d’Apollo 17