Après le lancement de Spoutnik 1, le 4 octobre 1957, le bouillonnant sénateur du Texas Lyndon Baines Johnson (27 août 1908 – 22 janvier 1973) multiplie les réunions de travail et déclarations à la presse.
Il déploie tant d’énergie, est tellement survolté, qu’ Eilene Galloway (4 mai 1906 – 2 mai 2009), évoque cette blague, qui n’a pas tardée à faire le tour du Capitole :
« Si on craquait une allumette derrière Johnson il se retrouverait en orbite ».
Eilene Galloway sera surnommée plus tard la « grande dame de l’espace » car elle a notamment contribué à la rédaction du National Aeronautics and Space Act, à l’origine de la NASA.
A la mi-octobre 1957, deux semaines après le lancement de Spoutnik 1, George E. Reedy (5 août 1917 – 21 mars 1999), le plus proche conseiller du sénateur du Texas, Lyndon B. Johnson (27 août 1908 – 22 janvier 1973), lui envoie un long mémorandum dans lequel il explique que le thème Spoutnik, si exploité de manière intelligente, va faire exploser (blast out of water) le Parti républicain, unifier et souder le Parti démocrate, et permettre de gagner la prochaine élection présidentielle.
Il faut faire de l’espace le sujet prédominant, afin de reléguer celui de la ségrégation, qui divise le Parti démocrate, au second plan.
C’est exactement ce à quoi s’emploiera assidûment Johnson, et bien sûr John Kennedy (29 mai 1917 – 22 novembre 1963) également.
A la convention démocrate qui s’est tenue du 11 au 15 juillet 1960, John Kennedy qui avait remporté les primaires de son parti, est investi au premier tour.
A la surprise générale, Kennedy demande à Johnson qui est arrivé second, d’être son colistier, c’est ainsi qu’en cas de victoire, le tout puissant chef de la majorité au Sénat, deviendrait vice-président. Deuxième surprise, Johnson accepte. (A l’automne 1959 Johnson avait notamment affirmé à Robert Kennedy qu’il ne briguerait pas la présidence. Une promesse qu’il ne tiendra pas !)
Les explosions de fusées qui se succèdent au Cap Canaveral, que la presse a surnommé Cap Carnaval, et les réalisations soviétiques (Spoutnik 2 et la chienne Laïka, Luna 1, Luna 2, Luna 3…) vont grandement aider à persuader les électeurs que les Etats-Unis sont derrière l’union soviétique et que les républicains sont responsables de cette situation, de ce prétendu missile gap.
L’attitude du président en exercice, Dwight Eisenhower (14 octobre 1890 – le 28 mars 1969), qui ne souhaite pas, selon sa propre expression, « un grand ministère de l’espace », et tente de minimiser l’impact de Spoutnik, à juste titre d’ailleurs, n’aide pas les républicains. Richard Nixon (9 janvier 1913 – 22 avril 1994), l’adversaire de Kennedy à la présidentielle, ne peut pas se désolidariser d’Eisenhower dont il a été le vice-président pendant huit ans.
Le 8 novembre 1960, le démocrate John F. Kennedy est élu, d’extrême justesse tout de même, 35e président des Etats-Unis, à l’âge de seulement 43 ans.
Exactement comme l’avait entrevu le rusé George Reedy, les démocrates l’ont emporté.
Un peu d’Histoire dans la petite histoire : bien que le Parti démocrate ait été fondé (par Thomas Jefferson) en 1792, 62 ans avant la création du Parti républicain, qui date du 28 février 1854, nous dénombrons à ce jour 14 présidents démocrates et 19 présidents républicains.
Dans son édition du 9 novembre 1957, 36 jours après Spoutnik 1, et 6 jours après Spoutnik 2, le quotidien est-allemand Neues Deutschland, l’organe officiel du Parti socialiste unifié d’Allemagne (Sozialistische Einheitspartei Deutschlands) le seul parti autorisé en République Démocratique Allemande, s’offusque de constater que l’industrie du jouet, sous contrôle de l’état, n’ait pas pensé à commercialiser un jouet « Spoutnik » pour les fêtes de Noël.
Le journal exhorte donc, la mise sur le marché de décorations spécifiques pour les sapins de Noël : « une boule en forme de Spoutnik serait du plus bel effet, avec une étoile rouge et un marteau doré étincelant sur un fond argenté. »
De l’autre côté de l’Atlantique, il n’a fallu que quelques semaines à la société new-yorkaise Maggie Magnetic, Inc. pour sortir une version « Spoutnik » de son célèbre jouet à rotation, le Whee-Lo, (de wheel qui signifie roue), qui avait été commercialisé en 1953.