Friendship 7 : 3 ou 7 orbites ?

Lorsque le premier vol de John Glenn est relaté, Friendship 7, on peut lire sur de nombreux sites et blogs, y compris dans le magazine Espace et Exploration n°9 (mai-juin 2012) sous la plume de Stefan Barensky, journaliste et écrivain spécialisé dans le spatial, que ce dernier devait effectuer sept orbites, voire même, selon certaines sources, un minimum de sept orbites (sic !), mais que son problème de bouclier thermique a obligé la NASA à écourter son vol à la fin de la troisième orbite.

Or cette affirmation est tout simplement archi-fausse ! Dès le départ il a toujours été prévu que John Glenn ne ferait au maximum que trois orbites !

Alors pourquoi cette erreur continue-t-elle d’être propagée 50 ans plus tard ?

Il s’agit en réalité de la mauvaise interprétation de la phrase annoncée par le capcom, Alan Shepard, à 00 05 30*, je cite : « Roger, Seven. You have a go, at least seven orbits » (Bien reçu, Sept. Tu es bon pour au moins 7 orbites). Or cette phrase ne veut absolument pas dire qu’il est autorisé à effectuer lui-même sept orbites, mais que la capsule a atteint une altitude suffisante qui lui permettrait théoriquement d’effectuer au moins sept orbites !

Ceci dit, même en n’interprétant pas correctement cette phrase il existe de nombreux indices qui permettent de rétablir la  vérité :

Sur cette photo du Mercury Control Center prise lors de la mission Friendship 7 on aperçoit l’écran avec les stations de suivi, matérialisées par les cercles blancs, et les trois orbites que doit effectuer John Glenn. A ce moment précis John Glenn effectue sa première orbite.

 Tout d’abord, le dernier communiqué de presse de la NASA « News Release » en date du 21 janvier 1962 stipule que la durée du vol dépend de plusieurs milliers de variables, et qu’une décision sera prise juste quelques minutes avant le vol. C’est Walter Williams qui doit décider si John Glenn effectuera 1, 2 ou 3 orbites !

Ce communiqué précise également que la flotte de récupération principale sera déployée dans l’Atlantique Nord à proximité des sites d’amerrissage ; il est prévu que Friendship 7 amerrisse à 800 km à l’est des Bermudes si John Glenn n’effectue qu’une orbite, à 800 km au sud des Bermudes s’il en fait deux, et à 1 300 km au sud-est du Cap Canaveral s’il en fait trois.(Aucune allusion à une quatrième, cinquième, sixième, ou septième orbite !)

 Compte tenu de l’heure du décollage, 9 h 47 heure de Floride, si John Glenn avait effectué 7 orbites (7 x 90 min environ) il aurait amerri dans l’Atlantique de nuit, vers 20 h 55, heure de Floride, soit au moins 21 h 55, heure locale du lieu d’amerrissage ! Tout simplement impossible ! La NASA impose d’ailleurs que l’amerrissage doit se produire au moins trois heures avant la tombée de la nuit, pour d’évidentes raisons de sécurité.

Compte tenu de son inclinaison orbitale, au bout de la septième révolution, Friendship 7 aurait été obligé d’amerrir dans l’Atlantique Sud ou plutôt dans le Pacifique comme Walter Schirra et Gordon Cooper, afin de satisfaire à la règle de sécurité énoncée ci-dessus !

Je rappelle que la flotte de récupération principale de Friendship 7 était bien prévue dans l’Atlantique nord-ouest avec pas moins de 23 bâtiments de surface, dont deux porte-avions. Un seul porte-avions a été déployé dans la Pacifique, juste au cas où !

 La capsule Mercury dans cette configuration ne pouvait pas permettre de faire plus d’une quinzaine d’orbites. Elle avait l’équivalent d’une journée d’autonomie en énergie, en oxygène, en ergols… Pour le vol longue durée de Gordon Cooper il avait fallu la modifier en conséquence. Là encore pour d’évidentes raisons de sécurité il était impensable de prendre le risque, dès le premier vol, d’aller jusqu’à 50 % des capacités de la capsule.

Au cours des vols suivants, Scott Carpenter a effectué trois orbites, Walter Schirra six… Pourquoi John Glenn lors du premier vol orbital habité du programme Mercury aurait dû en faire sept. Cela n’a aucun sens ! Même lors du premier vol habité du programme Gemini (Gemini III – 23 mars 1965), les astronautes n’ont effectué que trois orbites !

A aucun moment dans les transcriptions des échanges verbaux on ne trouve une quelconque allusion à une interruption de mission.

On notera que pour les vol de Scott Carpenter et Walter Schirra, le capcom leur fera  une annonce similaire, à 00 05 32 : « We have a Go, with a 7-orbit capability » pour Carpenter et à 00 05 44 : « You have a go, 7 orbit capability » pour Schirra. Or Carpenter a fait trois orbites et Schirra six, pourtant contrairement à Glenn leurs vols se sont parfaitement déroulés !

Il est fort regrettable que cette fausse information, cette légende urbaine, continue d’être colportée, d’autant plus par des journalistes « spécialisés » !

Anecdote dans l’anecdote : Le fait que John Glenn ait pu faire trois orbites en ayant décollé à 9 h 47, tient justement au fait qu’il soit parti le 20 février où les jours sont plus longs. S’il était parti à la même heure le 16 janvier comme prévu, Friendship 7 n’aurait pu faire que deux orbites !

* Temps écoulé depuis le décollage, 00 heures 05 minutes 30 secondes

J’ai du courrier aujourd’hui ?

Dans les jours qui suivirent son vol, John Glenn a reçu plus de 350 000 lettres de félicitations. Il a fallu pas moins qu’une équipe de six secrétaires pour trier tout ça !

Par la voie officielle il a reçu quelques 1 400 requêtes pour faire des discours. 

Pendant la même période, les six autres astronautes, dont quatre n’avaient pas encore volé, en reçurent 700. 

Beaucoup de demandes émanaient de membres du Congrès et de personnalités influentes.

John Glenn à Langley avec une partie de son courrier.

 

Un gâteau géant pour John Glenn

Henri Landwirth voulait marquer le coup pour le vol orbital de John Glenn, Friendship 7

Il trouvait les reporters sympathiques, mais ils pouvaient être si fouineurs parfois, et quand ils avaient une idée en tête.

En ce moment, ils sont intrigués par ce gros camion frigorifique garé devant le Holiday Inn, juste à l’endroit où quelques jours auparavant Walter Cronkite avait tourné une partie de son Sunday Evening News.

Harcelé par les journalistes, Henri Landwirth finit par leur avouer qu’il y avait un gâteau géant à l’intérieur, mais les supplia de ne pas en parler.

Quel genre de gâteau ? Henri Landwirth voulait marquer le coup pour le vol orbital de John Glenn, Friendship 7, il avait fait confectionner un énorme gâteau en forme de capsule Mercury, grandeur nature !

Le gâteau géant

Le vol de Glenn fit l’objet de plusieurs reports, dix au total, il devait décoller le 16 janvier, il ne partira que le 20 février, la onzième tentative fut la bonne.

Le gâteau avait été cuit en plusieurs parties qui furent assemblées dans un camion de location, mais avec tous ces reports il fallait le garder au frais. En premier lieu, on utilisa un climatiseur, mais il fallut se rendre à l’évidence cela ne suffirait pas… Il faudra un camion frigorifique. Un autre problème, le poids du gâteau, comment allait-on décharger une « pâtisserie » de plus de  400 kg. Il faudra se procurer  une grue.

Pour couronner le tout,  personne ne devait connaître le nom de la capsule de John Glenn. Landwirth avait pu bénéficier d’une indiscrétion, mais il avait été prévenu, toute fuite le mettrait dans un gros pétrin.

Il avait reçu une enveloppe scellée qu’il avait mise à l’abri dans son coffre. Le directeur du projet Mercury, Walt Williams, l’avertit : « Ce que tu sais est top secret, si l’information est divulguée avant le communiqué officiel cela ne se passera pas comme ça, je te le promets ».

Henri Landwirth jure ses grands dieux que la photo ne sortirait de son coffre qu’une fois la mission accomplie.

Lorsque finalement John Glenn effectua sa mission, Henri Landwirth appela Charles Buckley, le chef de la sécurité des installations de la NASA du Cap Canaveral, pour faire entrer le gâteau géant, conservé tant bien que mal dans un camion frigorifique depuis 1 mois.

Buckley n’en croit pas ses oreilles : « Tu vas empoisonner tout le monde avec ton gâteau avarié, tu vas finir en taule ! Hors de question que je te laisse entrer ! »

Landwirth dû faire appel à des diététiciens qui analysèrent  le gâteau et le déclarèrent propre à la consommation.

Le vol de Glenn fut un succès, et le premier américain en orbite put enfin goûter son gâteau.

« Alors comment tu le trouves ? » demande Landwirth

« Très bon »  répond John Glenn

« Tant mieux. Tu ne me croirais pas si je te racontais tout ce que j’ai dû faire pour garder sa fraîcheur à ce gâteau ! »

« Je ne t’ai pas dit que je le trouvais frais ! »