Le premier contrat de Wernher von Braun

Le premier contrat officiel de Wernher von Braun avec l’armée de terre allemande (Reichswehr) et plus particulièrement son service de développement et de production de nouvelles armes et munitions (Heereswaffenamt – HWA), un contrat à durée déterminée de 4 mois, porte la date du 27 novembre 1932.

Il est alors âgé de seulement 20 ans et 8 mois.

Le salaire est de 14 ReichsMark par jour de travail, ce qui n’est pas mal du tout. A titre de comparaison un kilogramme de pain coûtait à ce moment-là 0,37 RM. 

La description du poste : « Conception, recherche, et direction de la construction d’un moteur fusée à ergols liquides à Kummersdorf-Ouest ».

Les rencontres entre Wernher von Braun et Adolf Hitler

Interrogé après la guerre, Wernher von Braun a affirmé avoir rencontré Adolf Hitler à quatre reprises, en 1934, 1939, 1941 et 1943.

Il se trouve que Wernher von Braun a oublié qu’il a également croisé le chemin d’Hitler fin 1933.

De même, Wernher von Braun n’a pas rencontré Hitler en 1934, mais en 1935. Il s’agit là d’une méprise commise dans toutes les biographies de Wernher von Braun, et pour cause, l’information vient du principal intéressé.

Ce sont les travaux d’Harald Sandner et son ouvrage monumental en quatre tomes intitulé « Hitler – Das Itinerar: Aufenthaltsorte und Reisen von 1889 bis 1945 » de 2 432 pages, paru en mai 2016, dans lequel les lieux où a séjourné Hitler, ses emplois du temps, ses trajets, jusqu’au moyen de transport utilisé, sont rigoureusement consignés, qui a permis de répondre à cette question de manière définitive.

Cette erreur de Wernher von Braun s’explique par le fait qu’Hitler s’est rendu à Kummersdorf, le centre de recherche de l’Armée de Terre, qui se situe à une cinquantaine de kilomètres au sud de Berlin, fin 1933 et à nouveau au début 1935. Ce sont ces deux visites rapprochées, à moins de 18 mois d’intervalle, qui expliquent la confusion de von Braun, quelque douze années plus tard, puisqu’il n’avait aucune raison de mentir sur le sujet.

En définitive, Wernher von Braun a donc rencontré Hitler à cinq reprises, trois fois à Kummersdorf, et deux fois à la Tanière du Loup (Wolfsschanze), le quartier général d’Adolf Hitler situé à quelques 8 km de Rastenburg en Prusse Orientale (désormais Kętrzyn en Pologne).

Parmi ces dates, deux posaient vraiment problème, 1934 (début 34 pour les historiens) et le 23 mars 1939 une date précise évoquée par de très nombreux ouvrages, y compris le dernier en date en langue française, paru en 2019, intitulé « De la terreur à La Lune » d’Hugues Wenkin ».

Que Hitler se soit rendu à Kummersdorf le jour de l’anniversaire (27 ans) de Wernher von Braun, même si de manière fortuite, aurait tout de même relevé d’une extraordinaire coïncidence.

En effet, il se trouve que ce jour-là, Hitler est en déplacement dans le territoire de Memel, que le Reich vient d’annexer. Hitler quitte Berlin en train le 22 mars à 15:20 pour le port de Swinemünde (à 43 km au sud-est de Peenemünde !) puis se rend à Memel sur le torpilleur Leopard. Il passe la nuit sur le cuirassé Deutschland et regagne Berlin le 24 mars vers 13:30. Le 25 est un samedi, le soir même il quitte Berlin dans son train spécial (Sonderzug) pour se rendre à Munich, puis à Berchtesgaden, il y restera jusqu’au 31 mars.

Toutes les biographies de Wernher von Braun qui ne donnent pas la date du 23 mars 1939, y compris celle de l’Historien Michael Neufeld (von Braun : Dreamer of Space, Engineer of War), parlent du début de l’année ou du printemps 1939. 

La première édition de l’ouvrage d’Harald Sandner ne permet pas de résoudre le problème de l’année 1939. Pire, il ne mentionne aucune visite d’Hitler à Kummersdorf pour l’année 1939. Je lui avais envoyé deux courriels à six mois d’intervalle pour lui poser la question, d’abord en anglais puis en allemand, il n’a jamais daigné me répondre.

C’est finalement le 14 novembre 2023, lorsque j’ai reçu l’édition en anglais de l’ouvrage d’Harald Sandner, qui correspond à la huitième édition allemande, augmentée et corrigée, que l’on trouve enfin une date pour la troisième visite d’Hitler à Kummersdorf. (Entre temps il a dû parfaire ses recherches, ou être aidé par d’autres historiens.)

Il s’agit du 09 mars 1939 !

C’est bien ce jour-là, qu’ après avoir assisté impassible au test d’un moteur fusée, Hitler déclara au mess des officiers : « Es war doch gewaltig ! » – « C’était tout de même impressionnant ! ».

Photo souvenir devant le Mess des Officiers à Kummersdorf – 21 septembre 1933 – De haut en bas : Wernher von Braun, Walter Dornberger, Karl Emil Becker.
Photo souvenir devant le Mess des Officiers à Kummersdorf – 6 février 1935 – De haut en bas : Wernher von Braun, Walter Dornberger, Karl Emil Becker.
On reconnait juste derrière Hitler, Rudolf Hess (à gauche) et Martin Bormann. A la gauche de Becker, Werner von Blomberg. 

Les dates définitives où Wernher von Braun a rencontré Adolf Hitler sont donc :

  • Jeudi 21 septembre 1933 – Kummersdorf Schießplatz
  • Mercredi 6 février 1935 – Kummersdorf Schießplatz
  • Mercredi 9 mars 1939 – Kummersdorf Schießplatz
  • Mercredi 20 août 1941 – Führerhauptquartier Wolfsschanze
  • Mercredi 7 juillet et jeudi 8 juillet 1943 – Führerhauptquartier Wolfsschanze

(Dernière révision : 14 novembre 2023)

Wernher von Braun prend le Concorde

L’Aérospatiale avait organisé en 1974 une grande tournée de démonstration de Concorde sur le continent américain, à laquelle Wernher von Braun n’avait pas pu assister.

Lors d’une escale à Los Angeles où une réception avait été organisée par Air France, André Turcat (1921-2016), le pilote d’essai en chef du Concorde, qui effectua le premier vol de Concorde à Toulouse-Blagnac le 2 mars 1969, et son premier vol supersonique le 1er octobre 1969, aperçoit Wernher von Braun avec qui il avait pu discuter lors du lancement d’ Apollo 11, cinq ans plus tôt.  

Au cours de la conversation chaleureuse qui s’en suit, André Turcat demande à Wernher von Braun s’il est disponible le lendemain pour les accompagner jusqu’à leur prochaine escale, Acapulco au Mexique. A son grand regret, Wernher von Braun doit refuser l’alléchante proposition en raison d’un emploi du temps surchargé.

Un an plus tard, alors que von Braun se trouve à Paris dans le cadre du 31e Salon du Bourget, qui s’est déroulé du 30 mai au 3 juin 1975, sa route croise à nouveau celle d’André Turcat à l’occasion d’un cocktail donné à l’ambassade d’Allemagne dont l’ambassadeur n’est autre que le frère ainé de Wernher Von Braun, Sigismund (1911-1998). A ce moment-là Wernher von Braun ne travaillait plus pour la NASA, mais pour Fairchild Industriesdont il était le vice président.

André Turcat se hasarde à nouveau : « Seriez-vous libre demain Monsieur ?

– Ma foi oui, il suffit que je sois dans trois jours à Washington !

– Eh bien il y a de très bons vols entre Rio et Washington je crois.

– Entendu je suis votre homme.

C’est ainsi que le dimanche 1er juin 1975 Wernher von Braun est l’une des 57 personnalités invitées pour partager l’un des vols de démonstration Paris-Rio de Janeiro, quelques mois avant l’ouverture officielle de la ligne.

A l’origine ce vol avait été organisé par Marcel Cavaillé (1927-2013) alors secrétaire d’état aux Transports et ancien sénateur de Haute-Garonne.

A bord se trouvaient notamment Jean-Yves Richard directeur des ventes Aérospatiale et Georges Fabre qui fut longtemps le spécialiste de l’aéronautique et de l’espace pour FR 3 Toulouse…

La traversée entre Paris et Rio dura cinq heures et quarante minutes, le magnifique oiseau arriva à atteindre la vitesse de Mach 2,04, à 18 000 m au-dessus de l’Océan, soit 600 m/s, qui est la vitesse d’une balle.

L’appareil utilisé est le Concorde 003, celui-là même qui fut utilisé pour le film « Airport 80 Concorde » de David Lowell Rich (dont le titre original est : « The Concorde… Airport ’79 ») sorti en 1979, avec notamment Alain Delon et Robert Wagner… Et, celui qui s’est écrasé à Gonesse le mardi 25 juillet 2000… Un appareil qui totalisait 11 989 heures de vol.

* Le siège de Fairchild se trouve à Germantown (Maryland), ce qui ne s’invente pas !