Le Dr Ernst Steinhoff (11 février 1908 – 2 décembre 1987) membre éminent de la Rocket Team de Wernher von Braun, spécialiste des systèmes de guidage des fusées, était un pilote d’avions émérite.
Le 29 juillet 1935, il bat le record mondial de distance en planeur. Ayant décollé de Wasserkuppe dans le massif du Rhön, il parcoure quelque 500 km jusqu’à Brünn en Tchécoslovaquie (actuellement Brno en Tchéquie.)
Pendant le déroulement des jeux olympiques de Berlin, Ernst Steinhoff, alors âgé de 28 ans, effectue un looping autour du ballon dirigeable Hindenburg (LZ 129), qui survolait les différents sites olympiques.
Le Hindenburg a notamment survolé le stade olympique à basse altitude, le jour de la cérémonie d’ouverture des jeux, le 1er août 1936, trainant un énorme drapeau olympique.
Une « folle » acrobatie, effectuée dans un DFS Habicht (« Autour des palombes »), un planeur de voltige conçu par Hans Jacobs (30 avril 1907 – 24 octobre 1994).
Quatre planeurs ont été utilisés pour les Jeux Olympiques de 1936, l’un piloté par Hanna Reitsch (29 mars 1912 – 24 août 1979). Les démonstrations du Habicht au-dessus et littéralement à l’intérieur du stade olympique ont eu un grand succès. Le vol à voile devait devenir une discipline olympique lors des jeux d’Helsinki en 1940. Après la guerre l’idée sera abandonnée.
Des versions modifiées du Habicht, surnommé Stummel-Habicht (« Autour rétrécit ») ont été utilisées pour entraîner les pilotes du chasseur fusée Messerschmitt Me 163 Komet à l’atterrissage. Sur ces versions, l’envergure de l’avion, à l’origine de 14 mètres, est réduite à 8, et 6 mètres.
De 1936 à 1939 Steinhoff dirige le département mécanique de vol et instruments de pilotage, de la Deutsche Forschungsanstalt für Segelflug (DSL – Centre de recherche allemande sur le vol à voile) à Darmstadt, avant de rejoindre le centre de recherche de Peenemünde.
Il ne faut pas s’y tromper, Traité de Versailles oblige, la DSL ne travaillait pas seulement sur les planeurs, mais également sur les chasseurs propulsés par des moteurs fusées, etc.
Un centre de recherche aéronautique allemand de tout premier plan, qui permit de former les futurs pilotes de la Luftwaffe. Le centre compte 73 employés en 1933 et 680 à l’été 1940.
Ce n’est qu’en 1965, aux Etats-Unis, que Ernst Steinhoff recommence à voler régulièrement. Il participe à des compétitions nationales de vol à voile (US National Soaring Contests).
Cette même année, il gagne un deuxième insigne de diamant (US n°46 – FAI 451), juste trente ans après son premier.
Bien évidemment, Ernst Steinhoff pilotait également des avions à moteurs.
L’affaire Arthur Rudolph est un cas d’espèce dont le retentissement et les répercussions ont été considérables.
Arthur Louis Hugo Rudolph (9 novembre 1906 – 1 janvier 1996), ancien de Peenemünde, a fait partie de l’Opération Paperclip originelle avec 117 autres scientifiques et techniciens allemands spécialistes ès fusées. Il fut notamment le directeur des programmes de missiles Redstone et Pershing de l’armée, et, d’août 1963 à mai 1968, le directeur du fabuleux programme Saturn V. Il a été contraint de quitter les Etats-Unis, et fut déchu de sa nationalité américaine en 1984, après une action de l’OSI (Office of Special Investigation), une antenne spécialisée, fraichement constituée, des enquêtes criminelles du département de la Justice.
L’OSI a été créé en 1979, via l’action d’Elisabeth Holtzman alors membre de la chambre des Représentants du 16è district de l’Etat de New York. Lorsqu’en 1978 elle apprend que 10 000 criminels nazis (chiffre largement exagéré mais facilement mémorisable et surtout qui frappe les esprits) auraient élu domicile aux Etats-Unis depuis la fin de la guerre, elle va faire de cette chasse aux anciens nazis son cheval de bataille. Une « chasse aux sorcières » selon certains.
Pour créer l’OSI et définir son domaine de compétence ultra spécialisé (trouver les criminels nazis et les expulser du territoire), il a fallu modifier l’ « Immigration and Nationality Act », avec le bien nommé amendement Holtzman, qui stipule que « quiconque ayant participé aux persécutions nazies en raison de la race, la religion, l’origine nationale ou l’opinion politique, pourra être expulsé du territoire. » La justice américaine n’étant pas compétente pour des crimes commis sur des non américains, c’est le pays d’accueil qui a autorité pour poursuivre l’accusé le cas échéant.
Au départ, les historiens engagés par l’OSI étaient principalement des spécialistes de l’holocauste, or à Mittelwerk I (l’usine où étaient assemblés les missiles V2), où travaillait Rudolph, il n’y avait pas de juifs. Il y a eu 930 juifs à Ellrich et 181 à Harzungen les derniers mois de la guerre, après l’évacuation des camps polonais devant l’avance de l’armée rouge.
Arthur Rudolph est le seul membre de l’opération Paperclip, et à fortiori le seul membre de la fabuleuse Rocket Team de Wernher von Braun, à avoir été expulsé, quelque 38 ans après les faits supposés, alors que sa fonction à Mittelwerk était parfaitement connue par les autorités militaires et le FBI.
Certains soutiennent que s’il n’était pas décédé, von Braun aurait été inquiété également, mais ces personnes oublient un peu vite son influence et son carnet d’adresses. D’ailleurs si von Braun avait été vivant, jamais Rudolph n’aurait été inquiété, de l’aveu même d’Eli Rosenbaum procureur général à l’OSI.
D’aucuns mettent en avant le fait, que sur les premiers dossiers des allemands enrôlés dans le cadre de l’opération « Paperclip », notamment Rudolph, les enquêteurs militaires avaient noté « 100% nazi – Très dangereux – Menace pour la sécurité.», puis que ces mentions ont été modifiées, juste, prétendent-ils, pour pouvoir les faire entrer aux Etats-Unis et « combattre » les russes dans le contexte de la guerre froide.
On oublie un peu vite qu’au départ il suffisait de dire que l’on avait fait partie du NSDAP (Nationalsozialistische Deutsche Arbeiterpartei – Parti national-socialiste des travailleurs allemands ; le « parti nazi ») et/ou de la SS ou de la SA pour être catalogué aussi catégoriquement, or la bureaucratie militaire, fort peu préparée aux complexités de l’Allemagne nazie, sera amenée à nuancer ces jugements hâtifs au fil de ses enquêtes. Les dossiers de certains membres de l’opération Paperclip ne seront pas les seuls à être rectifiés.
On se souvient qu’en 1945 les treize millions d’habitants de la zone de l’Allemagne sous contrôle américain furent soumis à un long questionnaire écrit (131 questions) censé mesurer leur degré de compromission avec le nazisme. Cette opération d’une naïveté sans nom fut bien évidemment un fiasco complet, et prouve de la meilleure des façons l’impéritie des autorités militaires sur la question du nazisme.
De même les américains avaient défini 5 groupes d’allemands. Encore une fois on peut s’interroger sur la pertinence de ce « classement », surtout sur la notion de « suiveurs ».
1. Major Offenders (Hautement coupables – Hauptschuldige)
Être membre du parti nazi, de la SA ou de la SS ne fait pas obligatoirement de quelqu’un un criminel de guerre, même si beaucoup le pensent, et que ces organisations ont été déclarées criminelles par le tribunal militaire international de Nuremberg. Les choses sont en réalité un peu plus subtiles que cela.
La carrière des allemands de l’opération Paperclip aux Etats-Unis nous prouve également, et ce de la manière la plus irréfutable, qu’ils n’étaient nullement dangereux. Ils n’ont pas créé le IVe Reich. La seule infraction de Rudolph en quelque 38 ans aux USA, une contravention pour une infraction aux règles de stationnement. (Et en Allemagne, une amende de 3 marks en 1926 (il avait 20 ans) pour avoir chanté la nuit dans les rues de Brème.)
Arthur Rudolph prend sa retraite le 1er janvier 1969, à l’âge de 63 ans.
Son père Gustav, né en 1883, meurt en août 1915 (à 32 ans) sur le front de l’est, lors de la première guerre mondiale ; Arthur Rudolph avait huit ans. Sa mère Ida, née la même année que son mari, élèvera seule ses deux fils. Son frère Walter, né en 1908 reprendra la ferme familiale.
Après les crises économiques de 1923 et 1929, la situation de l’Allemagne est désastreuse, Arthur Rudolph adhère au NSDAP en 1931 (numéro d’adhérent 562 007), puis à la SA en 1932, pour lutter contre le communisme. C’est principalement cette adhésion précoce au NSDAP qui lui fut reprochée, car cela prouverait qu’il est antisémite et croit en la supériorité de la « race aryenne ». Si « aujourd’hui, le concept de race humaine est dénué de fondements d’un point de vue scientifique, avec la lecture intégrale du génome humain, il n’en a pas toujours été ainsi. A partir du XVIIIe siècle et jusqu’au XXe siècle, on a cherché à établir par la science une classification du genre humain, divisé en races hiérarchisées entre elles. Cette typologie a eu pour conséquence d’asseoir durablement dans l’opinion, la croyance en l’existence de races humaines inégales, qui a notamment contribué à la justification des conquêtes coloniales, de l’esclavage, etc. »
Si le nazisme repose en partie sur cette « théorie scientifique » (cf Samuel George Morton, Madison Grant, etc.), le NSDAP prônait surtout une politique économique et sociale, et c’est elle qui a attiré dans ses rangs bon nombre d’allemands, en cette période de crise économique très grave, et non pas la reprise des théories racistes.
Accuser Rudolph d’être antisémite et raciste parce qu’il a adhéré au NSDAP avant la prise de pouvoir d’Hitler est extrêmement simpliste. Lorsqu’il rejoint le parti nazi, il connait le chômage et la précarité comme des millions d’Allemands.
Ingénieur, concepteur de moteurs-fusées, c’est à contre-cœur qu’il accepte de diriger la production en série du missile V2 à Peenemünde, à la demande de Walter Dornberger, puis par la force des événements, à l’usine sous-terraine de Mittelwerk I dans le massif du Hartz. La production en série du V2 est alors réalisée par quelque 5 000 travailleurs forcés et 3 000 allemands…
C’est en 1974 qu’Arthur Rudolph et son épouse Martha quittent Huntsville, pour s’installer à San José en Californie, afin de se rapprocher de leur fille Marianne (née le 26 novembre 1937 à Swinemünde) qui travaille pour la NASA (artiste graphique) au Ames Research Center.
Valétudinaire, après une attaque cardiaque et un pontage, (il s’est écroulé dans un magasin, alors qu’il faisait des courses avec son épouse, il est sauvé in-extremis.) l’OSI le convoque pour un entretien par lettre recommandée en septembre 1982, il est alors âgé de 76 ans.
Il n’est pas inquiet et ne fait pas appel à un avocat, ce qu’il va amèrement regretter.
Il est d’autant moins préoccupé qu’il a subi de nombreux interrogatoires en Allemagne, notamment à Garmisch-Partenkirchen, avant son entrée aux Etats-Unis ; qu’il n’a pas fait l’objet de la moindre accusation lors des procès contre les criminels du camp de concentration de Mittelbau-Dora, dont le plus important s’est déroulé en 1947 à Dachau ; qu’il a fait l’objet de deux enquêtes du FBI après son arrivée aux Etats-Unis (en 1947 et 1949). Le 19 décembre 1953 pour obtenir une habilitation « secret défense » Arthur Rudolph accepte de se soumettre à un test de polygraphe (détecteur de mensonge). Il fait l’objet d’une enquête de sécurité en 1962 lorsqu’il intègre la NASA (Security Investigation Data for Sensitive Position).
En août 1963, Wernher von Braun, le directeur du Centre spatial Marshall, le nomme responsable du Saturn V Program Office.
Un premier entretien se déroule le mercredi 13 octobre 1982 à l’Hôtel Hyatt House de San José, salle 508, en présence d’Allan A. Ryan, directeur de l’OSI, Neal M. Sher, directeur adjoint, et Eli M. Rosenbaum, procureur général, ainsi qu’une sténodactylographe, Judith A. Peterson ; il dure environ 5 heures, de 10:00 à 15:00.
Trois mois plus tard le vendredi 4 février 1983, une deuxième entrevue se tient à nouveau au même endroit, cette fois sans la présence d’Allan Ryan, la sténodactylographe se nomme Virginia Bell. L’entretien se déroule de 10:00 à 12:30.
Sher lui demandera même s’il a entendu parler de l’infâme Nuit de Cristal, et où il se trouvait lorsqu’elle a eu lieu !
« Connaissez-vous l’événement appelé Nuit de Cristal ?
– Oui bien sûr, j’en ai entendu parler (…)
– Où étiez-vous lors de la Nuit de Cristal ?
– Je pense que j’étais déjà à Peenemünde. Si je n’étais pas encore à Peenemünde, j’étais à Kummersdorf. »
La retranscription intégrale de ces entretiens figure dans le livre de Thomas Franklin, « An American in Exile : The Story of Arthur Rudolph ». 1987. Thomas Franklin est le nom de plume d’Hugh McInnish qui avait une rubrique hebdomadaire dans le Huntsville News.
Il faudra attendre six mois, soit le lundi 25 juillet 1983, pour que Rudolph reçoive un courrier recommandé de Neal Sher devenu entre-temps directeur de l’OSI, l’informant que des décisions préliminaires avaient été prises, au vu des preuves collectées, et qu’il faudrait en discuter avec son avocat. » Rudolph va alors commettre une grave erreur en prenant un avocat spécialisé dans l’immigration et non pas un avocat pénaliste. Une autre erreur funeste est de ne pas en avoir parlé, hormis son épouse personne n’était au courant, au départ même pas sa fille.
Lorsque Arthur Rudolph se présente avec son avocat, George H. Main, il ne peut assister à l’entrevue, on lui demande d’attendre dehors, l’OSI ne veut plus désormais avoir de contact direct avec lui.
L’OSI fait état de soi-disant preuves irréfutables. Bizarrement, sur les copies remises à l’avocat, les témoignages incriminants sont anonymes, les noms ont été effacés.
Le témoignage de Hannelore Bannasch, la secrétaire de von Braun à Peenemünde puis d’Albin Sawatzki à Mittelwerk, très favorable à Rudoph au sujet notamment des prétendus rapports faisant état de sabotages, ne sera par exemple pas pris en compte. Pourquoi ?
Le deal est simple, s’il part de son plein gré (sic) et renonce à sa nationalité américaine sa retraite sera maintenue (50 000 dollars par an – 132 000 USD en monnaie constante – En 2021 le salaire annuel moyen aux USA est d’environ 51 480 USD soit environ 36 000 USD pour un retraité – Rudolph touchait également une pension pour ses années de travail en Allemagne) ainsi que tous ses avantages sociaux, son épouse et sa fille ne seront pas inquiétés. S’il faut aller jusqu’au procès il risque de tout perdre, et devra quitter les Etats-Unis sous six semaines.
Rudolph est sous le choc…
Deux questions fondamentales se posent :
Si Rudolph est coupable pourquoi l’OSI n’est-il pas allé jusqu’au procès ?
Et de la même manière, s’il n’avait rien à se reprocher, pourquoi Rudolph a-t-il accepté ce deal ? Car en acceptant l’offre de l’OSI, il reconnaît implicitement sa culpabilité, sa complicité.
Pour certains, l’OSI a usé de coercition pour convaincre Rudolph de s’en aller « volontairement », ce faisant l’OSI voulait être certain de gagner son affaire, car il n’avait rien de tangible, rien que le FBI ne savait déjà depuis longtemps.
La plus grosse erreur de Rudolph est de ne pas avoir sollicité les services d’un avocat dès le départ. D’après Rudolph la première entrevue s’est déroulée dans une atmosphère très cordiale.
L’autre méprise de Rudolph est de na pas avoir médiatisé son affaire, et de ne pas en avoir parlé à ses anciens collègues, « de peur qu’ils ne soient inquiétés à leur tour », affirma-t-il plus tard. La plupart de ses collègues vivaient alors à Huntsville, lui en Californie.
Car avaient également travaillé à Mittelwerk I :
Erich Ball (12 septembre 1901 – 1 janvier 1990), Hans Friedrich (12 septembre 1911- 6 décembre 1958), Dieter E. Grau (24 avril 1913 – 17 décembre 2014), Hans Grüne (24 mai 1910 – 23 octobre 1980), Günther Haukohl (27 mars 1913 – 9 décembre 2002), Hans Palaoro (25 février 1919-21 juillet 1994), Rudolph Schlidt (15 juillet 1914-28 septembre 2012), Magnus von Braun (10 mai 1919 – 21 juin 2003), Werner Voos (25 juin 1913 – 14 août 1993), Hermann Wagner (3 août 1910 – 8 janvier 1999).
Wernher von Braun (23 mars 1912 – 16 juin 1977) s’est rendu une quinzaine de fois à Mittelwerk I.
A ce moment-là, Hans Friedrich, Hans Grüne, Wernher von Braun, sont décédés.
Günther Haukohl et Dieter Grau seront convoqués par l’OSI, mais leurs avocats respectifs mettront très vite un terme aux velléités de l’OSI. Comme quoi !
Selon Rudolph, un procès lui aurait coûté des milliers de dollars en frais d’avocat, et s’il avait perdu, avec la « justice » on n’est jamais sûr de rien, non seulement il aurait été déchu de tous ses droits sociaux, mais aurait dû quitter les Etats-Unis sous six semaines. « Comment vendre ma maison, organiser mon départ en seulement 6 semaines ? » Rudolph vit aux Etats-Unis depuis décembre 1945, et naturalisé américain depuis le 11 novembre 1954 (avant même Wernher von Braun qui ne le sera que le 14 avril 1955).
En réalité, même s’il avait perdu son procès, il n’aurait pas pu être déchu de ses droits sociaux. Un mensonge de l’OSI, que son avocat n’a même pas relevé.
Diminué physiquement, il ne veut pas non plus s’imposer un long procès, pas plus qu’à son épouse et sa fille, et encore moins la pression médiatique d’un tel événement.
Il vend sa maison, offre ses archives personnelles (quelque 250 kg) au U.S. Space and Rocket Center en Alabama (un musée créé d’après une idée de Wernher von Braun), et signe le « contrat » le 28 novembre 1983.
Il quitte les USA avec son épouse Martha le mardi 27 mars 1984. Il a 77 ans, son épouse 78. Le 25 mai il se rend au Consulat américain de Hambourg pour renoncer à sa nationalité américaine. Le couple est hébergé quelque temps par la sœur de sa femme.
A ce moment-là, personne n’est encore au courant de ce qu’il arrive à Rudolph.
L’OSI attendra le 1er octobre 1984, six mois après qu’il ait quitté le territoire américain, pour faire une annonce publique. Pourquoi cette date du 1er octobre ? Peut-être parce que 38 ans plus tôt, le 1er octobre 1946, avait été rendu le verdict du procès de Nuremberg.
Son départ sera rapporté par tous les journaux du pays. La cas Arthur Rudolph a fait une publicité incroyable à l’OSI.
Entre temps la RFA proteste auprès du Département d’Etat, car Rudolph est désormais apatride. D’avril 1985 à 1987, l’enquête menée par les autorités allemandes, notamment le procureur de Hambourg Harald Duhn, avec les « preuves » fournies par l’OSI, dont des photos des fours crématoires de Dora (quel rapport avec Rudolph ?), conclut à un non-lieu. Le dossier fait plus de 2 300 pages. Devant la vacuité des pièces fournies, pour la plupart connues depuis 1945, Arthur Rudolph se voit accorder à nouveau la nationalité allemande, à laquelle il avait obligatoirement dû renoncer lors de sa naturalisation américaine le 11 novembre 1954.
Quelques mois plus tard, il attaque en justice les décisions prises à son encontre.
Il ne pourra pas assister aux célébrations du 20e anniversaire d’Apollo 11. Il se rendra au Canada pour voir sa fille, mais sera refoulé. Un voyage qui fut très médiatisé…
L’ancien général John B. Medaris qui dirigeait l’ABMA (Army Ballistic Missile Agency) où a travaillé Rudolph est fou de rage, « il ne s’agit pas de poursuites judiciaires mais de persécution ». Toute une série de recours judiciaires seront tentés mais sans succès. Il est trop tard.
Arthur Rudolph finira ses jours à Hambourg, à quelque 380 km de sa ville de naissance, Stepfershausen. Le New York Times n’a pas manqué d’annoncer son décès dans son édition du 3 janvier 1996.
Les contre-coups de « l’affaire Rudolph »
Dès l’expulsion négociée de Rudolph rendue publique, la machine médiatique est lancée.
Cette affaire va générer énormément de controverses, modifier la perception publique de l’opération Paperclip, révéler au grand public l’existence de l’usine souterraine de Mittelwerk et les conditions des travailleurs forcés du camp de travail de Mittelbau-Dora.
L’opération Paperclip, qui aurait permis de faire venir aux Etats-Unis de dangereux nazis, criminels de guerre, va être décortiquée et surtout revisitée. Linda Hunt, Thomas Bowen, Annie Jacobson, entre autres, écriront des livres truffés d’erreurs et de contre-vérités sur cette opération, dénonçant une manipulation, une vaste conspiration gouvernementale… Le gouvernement américain aurait fait entrer de dangereux criminels de guerre nazis au nom de la guerre froide…
Théorie du complot qui aura une très forte résonnance comme beaucoup d’autres théories du même acabit sur d’autres sujets. Beaucoup adhèrent à ce nouveau postulat sans trop se poser de questions. Que de soi-disant anciens criminels de guerre nazis aient contribué aux plus grandes heures de gloire de l’histoire des Etats-Unis, avec Apollo 8 et Apollo 11, défie l’imagination, c’est extrêmement vendeur il faut bien le reconnaître. « Des nazis à la NASA », voilà un titre formidable qui porte un double sens, puisque le « à » peut signifier le lieu, des nazis au sein de la NASA, ainsi que la succession ou la progression, sous-entendu ils ont travaillé pour les nazis puis pour la NASA !
C’est ainsi que les membres de la Rocket Team, et surtout sa figure emblématique, Wernher von Braun (décédé le 16 juin 1977), vont susciter un regain d’intérêt. Son nom se retrouve sous les feux de la rampe pour son action dans l’Allemagne nazi ; les livres le concernant vont fleurir, négatifs pour la plupart, en raison lui aussi de sa connexion avec l’utilisation de main d’œuvre forcée à Mittelwerk I, en provenance du camp de travail de Mittelbau-Dora.
A ce moment-là, ce sont plus 7 millions de travailleurs forcés qui travaillent en Allemagne, Dora et ses camps satellites exploitent alors quelque 0,6 % des travailleurs forcés du pays. L’assemblage des V2 a concerné 30% des détenus de Dora au départ, et 12 % les derniers mois.
De manière concomitante, grâce à l’engouement des médias pour cette affaire, le camp de concentration de Dora va enfin sortir de la pénombre dans lequel il était resté plongé pendant quelque 30 ans… Deux livres français seront traduits en anglais, (ceux de Jean Michel « Dora » paru en 1975 et d’André Sellier « Histoire du camp de Dora » paru en 1998). Les témoignages d’anciens de Dora vont se multiplier, la plupart invérifiables. Je pense notamment à ceux de Guy Morand et Georges Jouanin, le premier en 1995, le second en 1997 (50 ans après les faits), qui ont directement incriminé Wernher von Braun, en l’accusant de les avoir violemment giflés et menacés d’exécution !
Des témoignages venus des pays de l’Est prétendent même que von Braun aurait lui-même ordonné la pendaison de saboteurs (cf le livre de Julius Mader « Geheimnis von Huntsville » publié pour la première fois en 1963) …
Je me suis toujours demandé pourquoi les détenus français de Dora ayant travaillé à Mittelwerk I, qui s’étaient pourtant regroupés au sein d’amicales, d’associations, dont certains ont écrit des livres (très tardivement il est vrai ; à l’exception de Charles Sadron, dont le témoignage est d’ailleurs plutôt favorable à von Braun), n’ont-ils jamais intenté la moindre action en justice contre von Braun ou Rudolph ?
Si ces derniers, ou d’autres, avaient commis des crimes, pourquoi ne pas les avoir dénoncés et traduits devant la justice ?
On se souvient de ces déportés d’Auschwitz, qui prétendaient avoir croisé Joseph Mengele alors qu’il ne s’y trouvait pas au moment de leur détention !
Quel bilan pour l’OSI ?
Il faut savoir que 98% des anciens « nazis » expulsés des Etats-Unis par l’OSI n’étaient que des sous fifres, en majorité des gardes de camps, la plupart originaires des pays de l’est. C’est ainsi que l’OSI a réussi l’exploit d’expulser des Etats-Unis un ancien garde de camp de concentration âgé de 96 ans, et un autre garde cloué sur une chaise roulante et dialysé !
L’OSI était alors critiqué pour ne s’intéresser qu’à d’anciens roumains, lithuaniens, ukrainiens, lettons, biélorusses, estoniens, polonais, etc. S’attaquer à un ancien allemand, et quel allemand, successivement directeur des programmes Redstone, Pershing et Saturn V permettrait de démentir ces critiques et de démontrer que l’OSI n’avait peur de rien. Quelle fierté d’avoir expulsé un ancien haut responsable au sein de la NASA, qui, rappelons-le, avait une habilitation secret défense lorsqu’il exerçait ses fonctions !
Le cas le plus dramatique est celui de Tscherim Soobzokov, originaire de Circassie, qui aurait commis des crimes alors qu’il faisait partie des Waffen-SS. Accusé ce dernier va publiquement démentir les faits qui lui sont reprochés. Finalement faute de preuves tangibles, l’OSI va abandonner les charges. La JDO (Jewish Defense Organization) va alors crier au scandale. Le 14 août 1985 le feu se déclare dans sa voiture garée devant son domicile, il s’agit de le faire sortir de chez lui, lorsqu’il ouvre la porte d’entrée de sa maison une bombe explose, le blessant mortellement (il décédera 3 semaines plus tard) et blessant également sa femme, sa fille et sa petite-fille de 4 ans. La JDO et la JDL (Jewish Defense League) approuveront publiquement cet attentat !
Que dire de l’affaire John Demjanjuk, un autre scandale dans l’histoire de l’OSI ! (Erreur d’identité, rétention de preuves à décharge…). Cette personne a été confondue avec « Ivan le terrible », sadique garde du camp de Treblinka.
L’OSI sous influence ?
Neal Sher directeur adjoint, puis directeur de l’OSI a déclaré : “I made a point of saying I’m Jewish because I wanted the Nazi criminals to know the effort was led by Jews.” « J’ai tenu à préciser que je suis juif parce que je voulais que les criminels nazis sachent que cette action était menée par des Juifs. »
Cela en dit long sur son état d’esprit, mais a au moins le mérite d’être très clair. L’OSI était sous l’influence notamment du B’nai B’rith.
Il faut tout de même se rappeler que pendant la période nazie, avant la guerre, les Etats-Unis comme d’autres pays n’ont pas fait grand-chose pour accueillir les juifs persécutés, martyrisés, en Allemagne dans les années 30 et 40. (cf « la conférence de la honte » à savoir la Conférence d’Evian du 6 au 16 juillet 1938.). Ce n’était malheureusement pas la première fois que les juifs étaient persécutés dans l’Histoire, loin s’en faut, mais cette fois-ci le monde entier savait.
Il n’y avait pas de juifs à Mittelwerk I.
Elisabeth Holtzman, membre de la chambre des Représentants du 16è district de l’état de New York est de confession juive également, de même que Eli Rosenbaum qui n’a cessé de critiquer un autre chasseur de nazi, Simon Wisenthal pour son inertie dans la manière de traiter certains cas… Lui au moins, comme Serge et Beate Klarsfeld en France ont brillamment œuvrés pour traquer d’anciens criminels de guerre nazis d’envergure, de vrais responsables, et non pas de pauvres sous-fifres obligés d’obéir aux ordres.
Avant de servir la justice, l’OSI est avant tout une aventure politique.
De 1994 à 1996 Neil Sher, l’ancien directeur de l’OSI, fut président de l’AIPAC ou American Israel Public Affairs Committee, un lobby créé aux États-Unis en 1963, visant à soutenir Israël. Il est considéré comme un des lobbys les plus puissants des États-Unis. Les raisons de sa démission en 1996 restent obscures.
En 1998, Neal Sher, devient le secrétaire général de lacommission internationale d’indemnisation des victimes de la Shoah (International Commission on Holocaust Era Insurance Claims). L’ICHEIC a été fondée en août 1998 et a cessé ses activités au 1er janvier 2007. Sa mission fut globalement un cuisant échec, elle récoltera moins de 3% des sommes en jeu.
Comble de l’ironie, en 2002 Sher est contraint à la démission car il a détourné des fonds. Quel exemple ! Quelle probité !
Holtzman a de la suite dans les idées
En janvier 1985 Elizabeth Holtzman, qui a décidément de la suite dans les idées, contacte la NASA et le président des Etats-Unis Ronald Reagan pour demander de retirer « au criminel de guerre nazi Arthur Rudolph » la plus haute distinction de la NASA, la Distinguished Service Medal, qui lui a été décernée en 1969 pour sa contribution au programme de fusée Saturn V.
La NASA refusera cette demande. Ronald Reagan n’est pas compétent en la matière.
Voici un article ubuesque en réponse à ce refus, publié le 5 février 1985 parl’Agence télégraphique juive (Jewish Telegraphic Agency), qui est une agence de presse internationale, fondée à La Haye le 6 février 1917 par Jacob Landau.
« La Nasa refuse de retirer au criminel de guerre la Dsm qu’elle lui a décerné pour ses contributions au programme des fusées.
La National Aeronautics and Space Administration (NASA) a rejeté la demande du procureur du district de Brooklyn, Elizabeth Holtzman, à l’Agence et au président Reagan de retirer au criminel de guerre nazi Arthur Rudolph la plus haute distinction de la NASA, la Distinguished Service Medal, qui lui a été décernée en 1969 pour sa contribution au Programme de fusée Saturn V.
Le spécialiste des fusées d’origine allemande, âgé de 78 ans, est tenu responsable de la mort de milliers de travailleurs esclaves dans l’usine de fusées nazie rattachée au camp de concentration de Dora-Nordhausen pendant la Seconde Guerre mondiale. Entre un tiers et la moitié des 60 000 prisonniers de Dora sont morts.
Rudolph a quitté les États-Unis et a renoncé à sa citoyenneté plutôt que d’être accusé par le ministère de la Justice d’avoir « participé à la persécution des travailleurs forcés, y compris des détenus des camps de concentration, qui y étaient employés dans des conditions inhumaines ». Rudolph, qui est apparemment en Allemagne de l’Ouest, a quitté les États-Unis plusieurs mois avant l’annonce du ministère de la Justice en octobre dernier.
Suite à l’annonce du ministère de la Justice, Holtzman a télégraphié à Reagan et à l’administrateur de la NASA James Beggs, demandant instamment que Rudolph soit déchu du prix de la NASA « en raison des crimes indicibles commis contre des milliers d’esclaves dont il avait la charge » à l’usine de fusées de Dora-Nordhausen.
En affirmant que la NASA laisserait Rudolph conserver son prix, Eugene Marianetti, chef du bureau des événements spéciaux de la NASA, a déclaré dans une lettre à Holtzman que « révoquer la médaille ne servirait à rien, car elle n’a rien à voir avec l’allégation portée contre lui. »
Holtzman, répondant à la lettre de Marianetti, a déclaré : « C’est un affront aux millions de personnes qui sont mortes de suggérer qu’il ne servirait à rien de dépouiller ce meurtrier nazi notoire de ses grands honneurs américains. Il est déplorable que la NASA ait réagi de cette manière. »
« Arthur Rudolph a été contraint de quitter ce pays à cause des crimes indicibles qu’il a commis contre des milliers de travailleurs esclaves dont il avait la charge… Continuer à honorer ce tueur bestial implique que l’Amérique tolère ses actes impardonnables. »
Rudolph a été amené aux États-Unis en 1945 avec 117 autres scientifiques et techniciens allemands. Il est devenu directeur des programmes de missiles Redstone et Pershing de l’armée et plus tard directeur du projet Saturn V pour la NASA avant de prendre sa retraite en 1969. »
Un article qui démontre l’état d’esprit d’Elizabeth Holtzman, et par dessus tout, sa totale méconnaissance du sujet. Elle a la vindicte de la victime qui a soif de devenir bourreau.
Comme le disait Albert Einstein : « Il n’existe que deux choses infinies, l’univers et la bêtise humaine, mais pour l’univers, je n’ai pas de certitude absolue. »
L’insondable bêtise humaine est décidément universelle, et n’a ni couleur, ni religion.
Arthur Rudolph a certainement plus œuvré pour la grandeur et le prestige des Etats-Unis qu’Elizabeth Holtzman.
Lui enlever sa NASA DSM relève d’une fixette puisque le 11 mai 1987, Sedgwick William Green, de confession juive, membre républicain de la chambre des représentants du 15è district de New York, introduit une résolution pour retirer à Rudolph sa NASA Distinguished Service Medal. (100th Congress 1st session H. Res. 164. May, 11 1987).
En dépit de la demande de ce politicard « zélé », Arthur Rudolph gardera sa NASAExceptional Service Medal attribuée le 14 novembre 1968 et sa NASA Distinguished Service Medal obtenue le 8 janvier 1969, la plus haute distinction de l’agence spatiale américaine, de même que sa Department of the Army Decoration for Exceptional Civilian Service obtenue en 1960, la plus haute distinction que l’armée puisse donner à un civil.
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Des principaux responsables de Mittelwerk I ayant fait l’objet d’une enquête (deux, plus Rudolph 38 ans après), un fut acquitté, un fut condamné à la peine capitale, également pour des faits commis dans d’autres camps. Albin Sawatzki trouvera la mort avant d’avoir pu être jugé.
Generaldirektor (PDG) : Georg Rickhey – (Procès de Dachau-Dora 1947 : Acquitté)
Abwehrbeauftragter (Officier responsable de la sécurité) : SS-Sturmbannführer Otto Förschner (Procès militaire de Dachau 1945 : condamné à mort, pendu le 28 mai 1946).
Geschäftsführer (Directeur général) – Verkauf, Rechnungswesen, Allgemeine Verwaltung / Ventes, comptabilité, administration générale : Otto Karl Bersch. (Aucun procès)
Direktor der Planungsabteilung, Mitglied der Geschäftsführung (Directeur du Service de Planification – Membre du Directoire de la Mittelwerk GmbH) : Albin Sawatzki (trouve la mort le 1er mai 1945 dans des circonstances inconnues, avant d’avoir été jugé.)
Les travailleurs forcés de Dora travaillant sur les chaines de montage du V2 faisaient partie du « Kommando Sawatzki », ces travailleurs pensaient d’ailleurs que l’usine s’appelait Sawatzki, l’appellation Mittelwerk leur était totalement inconnue.
Geschäftsführer – Betriebsdirektionen I u. II (Directeur Général des Opérations I et II) : Dr. Kurt Kettler (Aucun procès)
Betriebsdirektion I (BD I) (Direction des Opérations 1) – Fertigung u. Montage / Production et assemblage : Ingénieur Arthur Rudolph. (Forcé de quitter les Etats-Unis en 1984 – Procès ville de Hambourg 1985-1987 : classé sans suite.)
Stellvertretender Direktor (Directeur Adjoint) : Ingénieur Karl Seidenstücker. (Aucun procès)
Betriebsdirektion II (BD II) – (Direction des Opérations 2) Armaturen, Versand, Bauwesen / Aménagements, Expédition, Construction : Otto von Bovert. (Aucun procès)
A Mittelwerk 5 000 travailleurs forcés et 3 000 travailleurs allemands se répartissaient en deux équipes qui travaillent 12 heures, avec une pause repas de ¾ d’heure, six jours sur sept. Rudolph avait proposé trois shifts de 8 heures. Certes les effectifs auraient dû être augmentés d’un tiers, mais les conditions globales de travail auraient été bien meilleures. Cette proposition fut refusée, ce qui prouve de la meilleure manière que Rudolph n’était pas responsable du déploiement des travailleurs.
De même lorsque von Braun tente d’intervenir en faveur du physicien Charles Sadron, ce dernier s’adresse à Sawatzki et non pas à Rudolph !
Pour travailler sur les chaines de montage du missile V2 il fallait suivre une formation spéciale. Epuiser, affamer, rudoyer ces personnes eut été pour le moins contre-productif. Il était dans l’intérêt même de la société Mittlewerk GmbH de préserver ces travailleurs. Rudolph mesurait 1 m 73. Il pesait 82 kg en prenant ses fonctions à Mittelwerk, lorsque la production des V2 s’est arrêtée, il ne pèse plus que 57 kg.
Alors même que ce sont les personnes exploitées pour le creusement des tunnels, la manutention, etc., qui produisaient le plus d’efforts physiques, c’étaient les moins bien nourries, car on pouvait les remplacer instantanément.
Il ne faut pas oublier une constante dans le cadre qui nous occupe, à savoir que si les criminels, les personnes impliquées ont tendance à minimiser leur responsabilité, les victimes ont une certaine propension non seulement à exagérer leurs souffrances, mais à ajouter une dimension dramatique aux circonstances de leur survie. Sans sous-estimer non plus, ceux, animés par un sentiment de vengeance, enclins à produire de faux témoignages.
Un autre aspect extrêmement intéressant de l’affaire Rudolph, est l’opinion de deux de ses anciens collègues, qui ont fait exception dans la vague d’indignation qui s’est élevée parmi les anciens de la Rocket Team, les « Old Timers ».
L’aérodynamicien Oscar Holderer (4 novembre 1919 – 5 mai 2015) a confié que : « Rudolph a été traité avec équité. »
Hans Fichtner (8 septembre 1917 – 21 Octobre 2012) qui a travaillé sur le système électrique de la Saturn V a également déclaré : « Il n’y a aucun doute pour moi qu’il est coupable ».
Auraient-ils eu des problèmes avec Arthur Rudolph ?
Le mot de la fin
La meilleure conclusion possible sont les mots d’Alexander Rosner, rescapé de Plaszow, Gross Rosen, Auschwitz et Dachau qui envoie cette lettre le 13 octobre 1997 alors que l’avocate Ellen Chubin Epstein de l’OSI l’avait contacté comme témoin potentiel pour une affaire :
« Il s’est écoulé beaucoup trop de temps pour mettre en œuvre des sanctions effectives à l’encontre de ces individus, même s’ils sont correctement identifiés et accusés avec des preuves valables. Ces criminels doivent maintenant être octogénaires et sur le point de quitter ce monde. Que Dieu s’occupe d’eux, s’il ne l’a pas déjà fait. A ce stade, l’action des hommes au service de la Justice sur des faits s’étant déroulés il y a plus de 50 ans, doivent nécessairement être dérisoires. En conséquence, je suggère respectueusement que vos formidables ressources et énergies soient utilisées pour des causes plus actuelles, où elles pourront s’avérer plus utiles. »
A l’automne 1975, quelques mois après la mission Apollo-Soyouz, George Low (1926-1984), administrateur adjoint de la NASA, le numéro deux de l’agence spatiale, se fait enlever (exérèse chirurgicale) un grain de beauté suspect sur le dos, qui se révélera être un mélanome, le plus grave des cancers de la peau, à un stade avancé.
Sur les conseils de son ami et ancien collègue, le Dr Charles Berry (1923- ), médecin chef à la NASA, il suit une immunothérapie expérimentale par BCG (Bacille de Calmette et Guérin – vaccin antituberculeux) au Monroe Dunaway Anderson Cancer Center à Houston, afin de stimuler son système immunitaire et éviter les métastases, la propagation à d’autres organes… Le traitement s’avère efficace et son mélanome est en rémission…
En février 1984, une forme agressive de son mélanome réapparaît, ses jours sont désormais comptés.
Lors de son séjour à l’hôpital il reçoit de nombreuses visites, dont deux de ses anciens collègues de la NASA, George Abbey (directeur du FCOD : Flight Crew Operations Directorate) et l’astronaute John Young (chef du bureau des astronautes) qui viennent l’informer officieusement que son fils David fera partie du prochain groupe d’astronautes (Groupe 10).
Le cancer de George Low étant en phase terminale, ils ne sont pas sûrs qu’il sera toujours vivant lorsque la nouvelle sera annoncée officiellement dans quelques semaines. Ils tiennent également à l’assurer que son fils n’a bénéficié d’aucun traitement de faveur, David a été sélectionné sur ses mérites et ses compétences, et non parce qu’il est le fils de George Low.
Cette nouvelle le comble de joie et de fierté.
Finalement, David aura le temps d’annoncer la bonne nouvelle à son père, le 23 mai 1984.
George Low décède le mardi 17 juillet 1984, 15 ans et 1 jour après le lancement d’Apollo11, à l’âge de 58 ans, il ne verra pas son fils aller dans l’espace.
David Low, né le 19 février 1956, effectuera son premier vol spatial du 9 au 20 janvier 1990 à bord de Columbia (STS-32), puis fera deux autres vols, en août 1991 (STS-43), et en juin 1993 (STS-57), cumulant 714 heures et 5 minutes dans l’espace, ce qui comprend une sortie extravéhiculaire de 5 heures et 50 minutes (STS-57).
David Low décède le 15 mars 2008 d’un cancer du côlon, il avait 52 ans…
George Michael Low, né Georg Wilhelm Löw, est un illustre ingénieur d’origine autrichienne dont la famille quitte l’Autriche en octobre 1938, peu après le rattachement de leur pays au troisième Reich Allemand (Anschluß – Par la loi du 13 mars 1938 ratifiée par « plébiscite » le 10 avril suivant).
Après un passage en Suisse puis au Royaume Uni, la famille Löw arrive aux Etats-Unis le lundi 5 février 1940. En 27 ans il a occupé nombre de postes clefs au NACA et à la NASA jusqu’en 1976.
Ses contributions, notamment au programme Apollo furent majeures, une figure essentielle. Il a perdu son père alors qu’il n’avait que 8 ans, Arthur Low est mort en 1934, à l’âge de 33 ans, d’un cancer.
George Low a eu deux filles et trois fils issus du même mariage, célébré le samedi 3 septembre 1949, avec Mary Ruth McNamara (1925-2011). De 1976 à sa mort il sera le président de son Alma Mater, l’Institut Polytechnique Rensselaer (Rensselaer Polytechnic Institute ou RPI). Pendant son mandat le volume annuel des recherches de l’institut passe de 20 millions à 600 millions de dollars de l’époque.
La veille du jour de sa mort, la Maison-Blanche annonce qu’il recevra la Médaille Présidentielle de la Liberté, la plus haute distinction civile américaine. Il la recevra officiellement à titre posthume en 1985.