John F. Kennedy farouchement opposé au vol spatial

Le « Locke-Ober » est l’un des plus anciens et plus célèbres restaurants de Boston, réputé pour ses fruits de mer, notamment ses huîtres et ses clams, dans lequel le gouverneur du Massachusetts, John Kennedy et son frère Robert  avaient leurs habitudes.

Ils restaient souvent jusqu’à la fermeture de l’établissement et avaient sympathisé avec le maître des lieux, que tout le monde appelait Freddy. Ce dernier, passionné par les fusées et l’espace, leur présente un soir un autre client régulier, Charles Stark Draperdu MIT, espérant que ce dernier arrive à les convaincre du bien-fondé et de l’utilité du programme spatial…  

Peine perdue, lors des discussions qu’ils eurent ensemble, les deux frères Kennedy ont régulièrement rejeté tous ses arguments.

Draper affirma plus tard que personne n’aurait pu convaincre John Kennedy, alors sénateur,  que les fusées et encore moins les vols spatiaux n’étaient pas un monstrueux gaspillage d’argent. Kennedy étant le gouverneur d’un état où les firmes aérospatiales brillent par leur absence, il ne pouvait en être autrement !

Hugh Sidey, le correspondant à la Maison-Blanche du magazine Time, un expert avisé en matière de présidents des Etats-Unis, fit remarquer que de tous les problèmes auquel John Kennedy dût faire face à son arrivée à la Maison Blanche, celui qu’il maîtrisait le moins était le spatial. Il n’avait aucune connaissance ni expérience en la matière.

Il est amusant de constater, que c’est justement John F. Kennedy, le plus réfractaire à un programme spatial d’envergure, qui a lancé la course à la Lune, et comment les circonstances peuvent très rapidement faire évoluer les perspectives et les priorités !

* Charles Stark Draper est un physicien qui a créé le célébrissime « Instrumentation Laboratory » du MIT (Massachusetts Institute of Technology). Il est considéré comme le « père » de la navigation inertielle aux Etats-Unis (sachant que la fusée A4/V2 utilisait déjà un système de guidage inertiel) et c’est sous sa direction que fut conçu l’AGC (Apollo Guidance Computer), crucial pour la réussite du programme Apollo.

Richard Nixon et Bill Clinton

En 50 ans, depuis le premier vol d’Alan Shepard en 1961, jusqu’au dernier vol de la navette Atlantis en 2011, seuls deux présidents des Etats-Unis en exercice ont assisté au lancement d’une mission habitée.

Le premier est Richard Nixon qui a assisté au lancement d’Apollo 12, le 14 novembre 1969, et le dernier est Bill Clinton, le 29 octobre 1998, présent au Centre Spatial Kennedy pour le décollage de la navette Discovery (STS-95 avec à son bord John Glenn).

Richard Nixon au lancement  d’Apollo 12.
William et Hilary Clinton assistent au lancement de Discovery / STS-95.

Barrack Obama devait assister au dernier décollage d’une navette spatiale, prévu initialement le 29 avril 2011, mais un incident  technique entraîna son report. Son agenda ne lui permit pas d’assister au lancement d’Atlantis, qui a finalement eu lieu le 8 juillet 2011.

Robert Goddard, au temps pour le New York Times

Le 3 janvier 1920, un éditorial pour le moins incongru parait dans le New York Times [« Topic of the Times »]. Il s’agit d’un pamphlet très critique à l’encontre du travail révolutionnaire de Robert Goddard et de son célèbre traité intitulé « A Method of Reaching Extreme Altitudes. »

« …Après qu’ une fusée ait quitté notre atmosphère et entame véritablement son long voyage (vers la Lune), son vol ne sera ni accéléré, ni maintenu (contrairement aux travaux de Robert Goddard sur les fusées à propulsion solide) par l’éjection des gaz … 

Affirmer cela, serait en parfaite contradiction avec une loi fondamentale de la dynamique… Le professeur Goddard, qui occupe une chaire à l’Université Clark et qui est membre de la « Smithsonian Institution », ne connaît pas la relation entre action et réaction et la nécessité d’avoir quelque chose de plus consistant que du vide contre lequel s’appuyer.

Il semble ignorer les connaissances de base enseignées quotidiennement dans les lycées.… Jules Verne, qui avait également quelques connaissances scientifiques, a fait la même erreur que le professeur Goddard… 

C’est un des rares dérapages scientifiques de Verne, pardonnable pour un romancier mais inexcusable pour un savant qui n’écrit pas un roman d’aventure… »

49 ans plus tard, le 17 juillet 1969, alors que les astronautes d’Apollo 11 sont en route vers la Lune, le New York Times publie enfin un rectificatif :

« Une mise au point. Le 13 janvier 1920 la page éditoriale du New York Times a rejeté le fait qu’ une fusée pouvait fonctionner dans le vide et à fait les commentaires suivants sur les idées du pionnier des fusées Robert Goddard : Le professeur Goddard, qui occupe une chaire à l’Université Clark et qui est membre de la « Smithsonian Institution », ne connaît pas la relation entre action et réaction et la nécessité d’avoir quelque chose de plus consistant que du vide contre lequel s’appuyer. Il semble ignorer les connaissances de base enseignées quotidiennement dans les lycées. »

Des études plus poussées et des expériences ont confirmé les découvertes de Isaac Newton au XVIIe siècle [ NdT : « A chaque action correspond une réaction équivalente et de sens contraire »] et il est désormais définitivement avéré qu’une fusée fonctionne aussi bien dans le vide qu’en présence d’atmosphère. Le Times regrette cette erreur. »

Ce laconique rectificatif est tout à l’honneur du journal mais demeure tout de même un peu ambigu, il laisse en effet supposer que le fait qu’une fusée puisse fonctionner dans le vide a été définitivement établi longtemps après l’attaque du Times contre Goddard.

Qui plus est, dans ce mea culpa quelque peu tardif, à aucun moment le Times ne demande pardon pour le mal que le journal a pu faire à Robert Goddard, en remettant en question, rien moins que son intégrité et son professionnalisme.

L’intégralité du texte dénigrant Goddard n’est même pas retranscrit ! Après la publication de l’article, Goddard est resté encore plus reclus et secret sur ses travaux, évitant toute publicité et tout contact avec les médias !

 Le New York Times a t-il atteint le comble du ridicule en publiant cet éditorial en 1920 ?

Eh bien pas tant que ça, en effet, ce n’est qu’au XXe siècle que les principes fondamentaux de la propulsion des moteurs fusée dans le vide sont compris, jusqu’alors on pensait qu’il fallait de l’air contre lequel « s’appuyer » …

Ainsi par exemple le mathématicien britannique William Moore affirme en 1813 dans son « Treatise on the Motion of Rockets » qu’une fusée se déplacera plus rapidement dans l’air que dans le vide.

En 1883, un manuel d’artillerie pour les cadets de l’académie militaire de West Point affirme la même chose.

L’immense Konstantin Tsiolkovski lui-même, en 1913,  s’interroge sur le degré d’efficacité du moteur fusée dans l’air ambiant et dans le vide.

Il émet plusieurs hypothèses dont la bonne : c’est dans le vide qu’une fusée opère dans les meilleures conditions !  Mais sans en être tout à fait certain !