Rocketdyne

Au sortir de la deuxième guerre mondiale les moteurs fusées à ergols liquides n’en sont encore qu’à leurs balbutiements aux Etats-Unis, même si Robert Goddard a lancé sa première fusée à ergols liquides en 1926, quelques vingt ans plus tôt. Il n’existait alors que deux petites sociétés spécialisées dans ce domaine, Aerojet Engineering en Californie, fondée par Theodore Von Karman, Frank Malina et Jack Parsons, et, Reaction Motors, Inc. (RMI) dans le New-Jersey, fondée par  Lovell Lawrence, G. Edward Pendray, Hugh Pierce, et John Shesta. Il existait également quelques groupes de recherche dans le secteur privé, chez M.W. Kellogg, Bell Aircraft, General Electric, ainsi qu’au JPL et au NACA pour les institutions gouvernementales.
 
En 1945, le moteur le plus puissant était alors celui de RMI qui avait une poussée de quelques 800 kg*. Quatre de ces moteurs permettront de propulser le Bell X-1 qui, piloté par Charles Yeager, franchira officiellement, pour la première fois, le mur du son, le 14 octobre 1947.
 
C’est alors que venant de nulle part, entre en scène une équipe de North American Aviation Inc. (NAA) de Inglewood en Californie, elle commence modestement en acquérant des moteurs de la concurrence et en testant de nouvelles combinaisons d’ergols. En effet, NAA qui a construit 42 683** avions militaires pendant la seconde guerre mondiale, souhaite se diversifier dans les missiles et le spatial, en constituant une nouvelle entité : la MACE (Missile and Control Equipment Division)  sous la direction de William Bollay.
Samuel Hoffman, chef de la branche propulsion, eut alors l’idée d’accélérer les choses  en  profitant de l’expérience allemande. Il en résultera de nombreuses réunions avec Wernher von Braun et sa « Rocket Team » qui se trouve alors à Fort Bliss.
NAA engagera notamment deux cerveaux de Peenemünde, Dieter Huzel et Walther Riedel III***.
 
Deux moteurs de la fusée A4, de 26 tonnes de poussée, seront littéralement « disséqués » et trois copies seront construites en utilisant du matériel et des techniques de fabrication américaines. Le moteur sera amélioré et sa poussée passera à 34 tonnes. C’est cette variante du moteur de la A4, le 75K,  pour 75 0000 lbf, ou moteur A7, qui propulsera la fusée Juno 1 emportant Explorer 1 (le premier satellite américain) et les fusées Redstone d’Alan Shepard (premier américain dans l’espace) et Virgil Grissom (le deuxième américain dans l’espace).
 
Le lundi 7 novembre 1955, la Rocket Propulsion Division est officiellement rebaptisée Rocketdyne. A l’annonce de cette nouvelle appellation, la réaction des employés est plutôt négative : «C’est quoi un dyne ? »
Lorsqu’on leur explique que « dyne » est le mot grec (δύναμις – dynamis) pour puissance ou force, le mécontentement se dissipa.  Les dirigeants de NAA voulaient un nom en un seul mot, la notion de puissance-du-moteur-fusée (rocket power) synthétisé en Rocketdyne était un excellent choix. (Rocketdyne est d’ailleurs une marque déposée)
 
Les moteurs construits par Rocketdyne sont intimement liés aux plus belles réalisations de la NASA, du premier américain dans l’espace avec le moteur A7 de la fusée Redstone, à la navette spatiale et ses trois moteurs RS-24/RS-25 (SSME****), en passant par le premier américain en orbite avec les deux moteurs LR-105-5 et un moteur LR-89-5 de la fusée Atlas LV-3B, ainsi que les missions Apollo et les premiers Hommes sur la Lune avec les six moteurs J-2 et les cinq moteurs F-1 de la Saturne V de 690 tonnes de poussée chacun.
A ce jour, Rocketdyne a « propulsé » l’équivalent de 877 humains dans l’espace. [Il ne s’agit bien évidemment pas du nombre réel d’astronautes, certains ayant effectué plusieurs vols spatiaux, mais d’une addition du nombre des membres d’équipages de chaque mission concernée.]

* A la même époque, en 1945, le moteur le plus puissant en Union Soviétique avait une poussée de 1,5 tonne. L’URSS également, profitera du plus grand transfert technologique de l’Histoire en provenance d’Allemagne à l’issue du deuxième conflit mondial. Comme la France et le Grande-Bretagne d’ailleurs !
** Un record. Soit 1 avion toutes les 15 minutes, un autre record.
*** Dieter Huzel a dirigé un temps les installations d’essais de la A4 (Prüfstand VII) à Peenemünde avant de devenir l’assistant technique de Wernher von Braun. Huzel a fait partie de la petite équipe chargée de cacher les documents de Peenemünde dans une mine désaffectée. Walther Riedel a été responsable de la division moteur fusée et conception structurelle à Peenemünde. (A ne pas confondre avec Walter « Papa » Riedel un autre cerveau de Peenemünde, responsable du Bureau d’Etudes,  qui a préféré partir en Grande-Bretagne. Il existait une certaine inimitié entre lui et von Braun, ce dernier l’ayant démis de ses fonctions en 1942 en raisons de problèmes relationnels avec son équipe… et remplacé par Walther Riedel !)
**** Space Shuttle Main Engine pour Moteur Principal de la Navette Spatiale.

22 avril Jour de la Terre

« Voilà, j’ai vu de mes yeux la Terre comme elle est. Petite. Incroyablement petite. Vous mettez votre pouce face au hublot, et elle disparaît derrière. J’aimerais que tous ses habitants aient la chance de la contempler ainsi. Cela leur donnerait sans doute à réfléchir. » James Lovell

« I have left three times and found no place else to go. Please take care of Spaceship Earth. »

Walter Schirra

Année Géophysique Internationale, le bilan

L’Année Géophysique Internationale (AGI)  ayant duré du 1er juillet 1957 au 31 décembre 1958, soviétiques et américains ont gagné leur pari de lancer un satellite autour de la Terre à cette occasion.

Les soviétiques ont été les premiers avec Spoutnik 1 (83,6 Kg) le 4 octobre 1957 et les américains 4 mois plus tard avec Explorer 1 (13,97 Kg) le 31 janvier 1958.

On notera que le minuscule satellite américain a permis de découvrir la ceinture de radiation qui entoure la Terre et qui porte désormais le nom de Van Allen.

C’est le Dr Ernst Stuhlinger qui a supervisé la conception du satellite et de ses expériences scientifiques, un détecteur de micrométéorites, un détecteur de rayons cosmiques c’est-à-dire un compteur Geiger-Müller miniaturisé pour la circonstance par le physicien James Van Allen, un thermomètre intérieur et un thermomètre extérieur. La forme oblongue du satellite est une idée de Joseph Boehm.

Spoutnik 1 se consumera dans l’atmosphère le 8 janvier 1958 après 1 440 orbites autour de la Terre et Explorer 1 le 31 mars 1970 après 58 000 révolutions autour de notre planète.

Au cours de cette Année Géophysique Internationale, les soviétiques ont lancé 3 satellites :

Spoutnik 1 évoqué précédemment.

Spoutnik 2 (508 Kg) , le 3 novembre 1957 qui emmène en orbite le premier animal vivant, la chienne Laïka, qui contrairement aux affirmations de la propagande soviétique est morte dans d’atroces souffrances quelques heures après le lancement, en raison d’une défaillance du système de régulation de la température, et non paisiblement 10 jours plus tard en ingérant de la nourriture empoisonnée.

Spoutnik 3 (1 327 Kg) le 15 mai 1958, un laboratoire scientifique comprenant une douzaine d’instruments, malheureusement un problème avec le système enregistrant les données (détecté avant le décollage mais attribué à tort à des interférences sur le pas de tir) n’a pas permis de les exploiter correctement.

Quant aux américains, dans ce même laps de temps,  ils ont envoyé 8 engins dans l’espace, dont finalement  le « pamplemousse » Vanguard 1 (1,47 Kg), le 17 mars 1958, après l’échec cuisant de la première tentative de lancement, le « Kaputnik » du 6 décembre 1957 en direct devant les caméras de télévision.

Un satellite qui tourne toujours au-dessus de nos têtes, et devrait rester dans l’espace encore deux siècles puisque Vanguard 1 est l’objet le plus ancien fabriqué par l’Homme encore dans l’espace. Ils ont envoyé également le satellite SCORE (Signal Communications by Orbiting Relay Equipment) lancé le 18 décembre 1958, le premier satellite de télécommunication de l’Histoire.

Deux magnétophones pouvaient être contrôlés depuis la Terre, afin de déclencher la diffusion d’un message ou enregistrer un nouveau message. Démontrant de la manière la plus magistrale qui soit, la possibilité de retransmettre depuis l’espace des messages émis par une station terrestre, vers une ou plusieurs autres stations terrestres. Une réalisation scientifique marquante.

Voici le premier message retransmis depuis l’espace lors de l’ Année Géophysique Internationale, enregistré par Dwight Eisenhower, 34ème président des Etats-Unis, en 1958 :

« C’est le président des États-Unis qui vous parle. Grâce aux merveilles du progrès scientifique, ma voix vous parvient depuis un satellite en orbite dans l’espace. Mon message est simple : par l’intermédiaire de ce système unique, je transmets à toute l’humanité, les vœux de paix sur Terre et de bonne volonté de l’Amérique. »

Joli message pour  Noël !

Les Etats-Unis en retard sur l’URSS ?  Pas tant que ça !