Contrairement à ce que l’on peut lire trop souvent, notamment dans le livre truffé d’erreurs d’Hugues Wenkin, intitulé « De la terreur à la Lune », à la page 31 : « Avant que les bétonnières débarquent, le lieu n’est en fait que l’extrémité d’une petite péninsule inhabitée, vierge de toute présence humaine. », il y avait bien un village à Peenemünde, dont l’histoire remonte à plus de 700 ans.
Au début du XXe siècle, en 1906, le village de Peenemünde, à proprement parler, comptait quelque 472 habitants (610 dans la commune). 33 familles vivaient de la pêche. Autour du port il y avait 82 maisons, une école, la mairie, une chapelle à côté du cimetière, des commerces, deux auberges “Zur Schwedenschanze“ et « Zur Post », une laiterie, etc.
Après les graves inondations de 1872, 1904 et 1913, une digue de 1,80 mètres de haut fut érigée.
Le village de Peenemünde fut relié à l’électricité en 1928.
Les habitants du village furent expropriés lorsque l’armée de terre et l’armée de l’air s’associent pour mettre sur pied un centre de recherche sur les fusées en 1936.
En 1940, 80% du village avait été détruit. Certains commerçants déménagèrent leur boutique dans la Karlshagener Siedlung du centre de recherche…
De nos jours le village de Peenemünde compte environ 350 âmes. Il est jumelé à la ville de… Huntsville.
Fin 1932, Rudolf Nebel (21 mars 1894 – 18 septembre 1978) le directeur du centre de recherche et de lancement des fusées « Raketenflugplatz Berlin » (aérodrome des fusées de Berlin), publie un petit livre de 48 pages contenant 50 photos, intitulé « Raketenflug » (vol de fusée).
Cet ouvrage résume notamment les travaux effectués à Reinickendorf sous les auspices de la Verein für Raumschiffahrt (Association pour le voyage spatial) fondée le 5 juillet 1927.
« Raketenflug » est également le nom du bulletin (Mitteilungsblatt) publié par le centre.
« L’histoire de la fusée est très ancienne. Selon des informations sujettes à caution, les anciens Egyptiens auraient fait voler les premières fusées en 3 000 avant Jésus-Christ. Il est en revanche historiquement avéré, que la fusée a été utilisée par les Chinois en 900 après J-C.
En tant qu’arme de guerre, la fusée a rendu des services extraordinaires aux belligérants. Au cours de la guerre de Trente Ans les fusées ont largement été utilisées en tant que projectiles, ainsi la ville de Philippsburg a été prise en 1645 grâce à cette nouvelle arme.
La fusée a ensuite fait son retour à l’époque des guerres napoléoniennes. Congreve a joué un rôle crucial, ses fusées ont permis de conquérir Boulogne en 1806, Copenhague en 1807. Pas moins de 120 000 fusées auraient été tirées sur Copenhague. Congreve a développé des fusées emportant les charges les plus variées, à savoir, des bombes, des dispositifs incendiaires et explosifs. Aujourd’hui encore, un régiment anglais porte le nom de Leipzig, en souvenir de la participation de ce corps spécialisé dans les fusées, à la bataille de Leipzig. Avec l’évolution de l’artillerie au XIXe siècle, les missiles perdent de leur importance et lors de la guerre mondiale, la fusée est utilisée presque exclusivement en tant que fusée éclairante, pour illuminer le champ de bataille la nuit.
L’anglais Golightly, fut le premier à entrevoir les possibilités du moteur-fusée. En 1841, il dépose un brevet pour une fusée à vapeur. Il n’y a pas eu d’essais pratiques en raison de l’état de la technique de l’époque.
En 1875, les célèbres romans fantastiques de l’écrivain Jules Verne paraissent. Jules Verne voulait atteindre la Lune grâce à un canon, ce faisant il a éludé le fait que l’accélération au moment du lancement aurait tué l’équipage sur le coup.
Il connaissait en revanche la vitesse requise pour se libérer de l’attraction gravitationnelle de la Terre, soit 11 182 m par seconde.
Les premiers essais pratiques ont été effectués par le Péruvien Paulet en 1895, qui aurait conçu un moteur-fusée à ergols liquides fonctionnant avec de l’azote et de l’essence, produisant une poussée de 100 kg. Curieusement, on n’a pas eu connaissance de ces essais à ce moment-là.
En 1896, parait le roman de Kurd Lasswitz, « Sur deux planètes », qui évoque en détail la possibilité du vol des fusées.
Dans le même temps, l’Allemand Hermann Ganswindt s’est fait connaître avec un projet de vaisseau spatial dont le moteur fonctionnait avec de la dynamite. Comme de bien entendu, à l’époque, il a été ridiculisé.
En 1903, le Russe Tsiolkovski publia un projet similaire, mais lui aussi était trop en avance sur son temps.
Puis la guerre mondiale est venue interrompre tous les rêves de vol des fusées. Elle a apporté l’immense développement de l’aviation et a donné de nouvelles idées aux nombreuses personnes ayant obtenu leurs ailes de pilote.
En 1919, le professeur américain Goddard publie son livre sur « Une méthode pour atteindre des altitudes extrêmes », qui est le fruit de ses excellentes recherches sur la propulsion des fusées.
En 1923 le professeur Hermann Oberth publie son ouvrage « La fusée dans l’espace interplanétaire ». En 1924, Otto W. Gail a publié le roman « L’envol dans l’espace ». En 1925, le Dr Hohmann, de la ville d’Essen, publie un livre sur « L’accessibilité des corps célestes ». En 1926 Max Valier sort « A la conquête de l’espace » et Guido v. Pirquet, son étude théorique sur la propulsion des fusées. En 1928, Willy Ley, publie une œuvre traitant de la navigation spatiale intitulée « La possibilité de l’exploration spatiale » et enfin, en 1929, le professeur Hermann Oberth publie « La route des voyages spatiaux ».
Max Valier a été le premier à passer de la théorie à la pratique. Il a démontré que les fusées permettent de propulser une voiture, il a conçu plusieurs voitures fusées avec Sander à Wesermünde et a mis Volkhart et Fritz von Opel au volant.
En mai 1928, Fritz von Opel a piloté une voiture-fusée sur le circuit de l’Avus à Berlin. Même si l’utilisation pratique de ces véhicules s’est avérée impossible, la propulsion par fusées a été portée à l’attention du public.
Valier a également construit un traîneau à fusée qu’il a piloté sur le lac Eibsee près de Munich en février 1929.
Fritz von Opel a même eu le courage de lancer un avion équipé de fusées à poudre à Francfort en septembre 1929, au même moment, à la Wasserkuppe, le pilote de planeurs Stahmer, a lui aussi fait un essai avec un planeur équipé de fusées à poudre.
Ces tentatives n’ont pas eu d’applications pratiques, dans la mesure où il est impossible de régler le débit d’une fusée à poudre, le combustible brûle en quelques secondes. D’autre part la poussée produite est largement diminuée, car elle est inutilement gaspillée par le frottement du véhicule au sol ou de l’avion par la résistance de l’air.
Trois noms marquent le développement du moteur-fusée à ergols liquides : Oberth, Nebel et Winkler. Ces derniers voulaient utiliser de l’oxygène liquide avec un hydrocarbure, par exemple de l’essence, et obtenir ainsi une poussée d’une durée plus longue compatible avec le vol d’une fusée. Toutefois, seul Nebel a obtenu des succès pratiques, grâce à ses travaux à la « Raketenflugplatz ».
En 1927, Valier et Winkler ont fondé ensemble l’Association pour la navigation spatiale à Breslau, dans le but d’effectuer tous les travaux préliminaires pour le vol dans l’espace et, le cas échéant, la visite des corps célestes voisins. Cette association a fait appel au grand industriel Hugo A. Hückel de Neutitschein, qui a généreusement soutenu financièrement les travaux de l’association.
Au final, c’est par un chemin détourné que l’on a obtenu un résultat. Le réalisateur Fritz Lang, qui travaillait alors à l’Ufa, voulait que le thème de la fusée serve de base à l’un de ses grands films et s’est attaché le professeur Oberth comme conseiller scientifique.
Le film « La Femme dans la Lune » est sorti sur les écrans en octobre 1929 et fut accueilli avec enthousiasme, notamment en raison de la brillante scène du lancement de la fusée lunaire. Ces travaux ont été importants car Oberth a reçu des fonds supplémentaires pour ses recherches pratiques.
En 1929, l’ingénieur Nebel s’est associé avec le professeur Oberth, pour effectuer des études pratiques sur la fusée à ergols liquides. Pour bien utiliser les fonds mis à disposition, Nebel a suggéré de se contenter de construire un moteur-fusée consommant un litre de carburant pour effectuer les essais préliminaires.
Oberth, par contre, voulait construire une fusée de 15 m de long avec un moteur consommant 100 l, il préférait commencer les essais avec de grandes fusées. On s’est finalement mis d’accord sur une fusée de 2 m consommant 16 litres d’ergols liquides. On s’est mis au travail à un rythme acharné. Après 6 semaines, les premiers essais ont pu être effectués. Le lancement de cette fusée devait avoir lieu dans la station balnéaire de Horst, sur la mer Baltique. Malheureusement, cela n’a pas été possible car peu avant le lancement, les financements se sont taris, et Oberth, déçu, a quitté Berlin.
Au début de l’année 1930, Nebel a ensuite construit sa petite fusée à ergols liquides, consommant un litre, qui fut baptisée « Minimum Rakete » qui en abrégé donne « Mirak ». Il espérait ainsi pouvoir poursuivre les essais pratiques avec un minimum de matériel et d’argent. Entre temps, Max Valier s’est associé au Dr Heyland pour construire une voiture-fusée à propulsion liquide. Les premiers essais ont été prometteurs ; hélas le 17 mai 1930, Valier a été tué dans l’explosion de son moteur-fusée, ce qui en fait la première victime de la technologie des fusées.
Au même moment, l’Association pour la navigation spatiale a mené avec Oberth et Nebel à la Chemisch-Technischen Reichsanstalt à Berlin, des essais importants sur le moteur-fusée. Le 23 juillet 1930, le premier moteur a été mis à feu, plusieurs paramètres ont été enregistrés ; ce moteur consommait de l’hydrogène liquide et de l’essence.
Par la suite, M. Nebel et M. Riedel ont continué à travailler sur la fusée minimum, à Bernstadt i. Sa. L’ingénieur Hugo A. Hückel, a de nouveau soutenu financièrement les travaux.
C’est en août 1930 qu’on a réussi pour la première fois à faire fonctionner cette fusée en conditions réelles. Cependant, le 11 septembre, lors d’une tentative de lancement, en présence d’un grand nombre de spectateurs, une violente explosion s’est produite, à la suite de laquelle les essais ont dû être interrompus.
Il s’est rapidement avéré nécessaire de trouver un lieu d’expérimentation adéquat, avec des ateliers, afin de poursuivre les travaux.
C’est ainsi que le 27 septembre 1930, Nebel a fondé à Reinickendorf le premier aérodrome des fusées au monde, sur lequel, depuis lors, la fusée à ergols liquides a été développée et ses performances progresser.
Il se trouve que le roi de la voiture, Henry Ford, a joué un rôle dans la création de la « Raketenflugplatz ». Voici ce qu’il s’est passé : en octobre 1930, Henry Ford a effectué un voyage en Allemagne, Nebel a eu l’idée de l’intéresser au problème des fusées, en lui envoyant le télégramme suivant :
« Offrons la première fusée à ergols liquides pour le musée Ford, en échange d’une visite au premier aérodrome de fusées à Berlin-Reinickendorf. »
C’est à cette occasion, que fut inventée la dénomination « aérodrome des fusées », conservée par la suite. Cependant, le projet visant à créer un centre d’expérimentation avec ses propres ateliers est un peu plus ancien.
C’est au tout début de l’année 1930 que Nebel souhaite trouver un lieu approprié pour effectuer ses essais sur les fusées. Au cours de ses recherches, il est tombé sur un bâtiment désaffecté, situé sur la Tegeler Weg, idéal pour ce genre d’activité. Peu après, une demande d’autorisation pour mener des expériences sur les fusées fut refusée.
Heureusement, nous avons pu utiliser le champ de tir de Tegel pour de petits essais. Nous avons rapidement trouvé un atelier près du champ de tir de Tegel, mais les travaux n’ont pu débuter qu’en septembre 1930, après l’arrêt des activités à Bernstadt/Sa. et leur transfert en ce lieu.
Le premier jour de travail à la « Raketenflugplatz » a été marqué par l’incendie d’un bâtiment abritant une grande quantité de bois pourri qui avait été stocké là pour être brûlé plus tard. Le feu s’est propagé à la bruyère environnante et l’incendie n’a pu être maîtrisé qu’avec l’aide des nombreuses personnes accouru des alentours.
En raison des moyens financiers limités, les travaux ont été lents ; Ici encore, c’est le grand industriel Hugo A. Hückel qui a été notre mécène principal. Que s’est-il passé ? On s’est rendu compte que l’on ne pouvait pas résoudre le problème du vol des fusées avec des moyens inadéquats, on a donc voulu créer un véritable centre de recherche et un plan de développement sur 10 ans, pour donner un nouvel élan aux travaux sur les fusées. Pour ce faire, un terrain d’essai avec des bancs d’essai, des ateliers et des bâtiments résidentiels étaient indispensable. L’endroit idéal a été trouvé à Reinickendorf.
Se procurer les matériaux et les moyens nécessaires pour équiper la Raketenflugplatz a pris beaucoup de temps, mais dès le printemps 1931, les nouvelles installations ont pu être mises en service. Un bâtiment abritait l’atelier proprement dit avec deux bancs rotatifs, une fraiseuse, deux perceuses et leurs bancs de travail, une salle de montage avec installation de soudage, une forge et ses outils, un espace de vie, ainsi qu’un grand espace de stockage pour toutes sortes de matériaux. Il est entouré de hauts remparts de terre pour se protéger contre les explosions, derrière lesquels, profondément encastré dans un puits, se trouve le nouveau banc d’essai. Le bâtiment administratif comprenait deux espaces d’habitation, une salle de bureau et de construction, une salle de conférence. Trois bâtiments résidentiels répartis sur le site complètent l’installation. A bonne distance du bâtiment administratif et de l’atelier on trouve la plate-forme de lancement, ce lieu historique qui a été témoin des premiers vols des fusées à ergols liquides.
Ce n’est qu’avec de telles infrastructures que l’on a pu s’attaquer aux problèmes du vol des fusées avec quelques chances de succès.
Après 50 ans, le développement de l’avion est aujourd’hui sur le point d’être achevé, car tous les avions existants jusqu’à présent sont tributaires de la présence d’air.
Alors que le dirigeable Graf Zeppelin détient aujourd’hui tous les records de vol longue distance, l’avion a déjà atteint une altitude de 14 000 m. Le ballon stratosphérique de Piccard atteint l’altitude de 16 700 m, le ballon sonde sans pilote a atteint 36 000 m d’altitude et le canon à longue portée, qui bombardait Paris pendant la guerre mondiale, envoyait ses obus jusqu’à une altitude de 38 400 m.
Dans la pratique, de légères différences d’altitude, de l’ordre de quelques kilomètres, ne sont pas pertinentes, d’autant plus que pour les atteindre il faut débourser des sommes d’argent et des moyens matériels considérable.
Si l’on veut atteindre des altitudes plus élevées, il faut complètement abandonner les systèmes de propulsion existants. Nous avons besoin d’un moteur qui puisse s’affranchir de la présence de l’air. Le seul moyen de voler dans le vide, est d’utiliser ce qu’on appelle la propulsion à réaction ou le moteur-fusée.
Qui ne connaît pas la fusée à poudre des feux d’artifice qui propulse dans le ciel des gerbes de feu ? N’est-ce pas l’origine de l’idée visant à trouver d’une manière ou d’une autre des applications pratiques à ce type de propulsion ?
Peut-être que l’on pourrait utiliser ce système de propulsion sur les voitures, les vélos et les avions ?
Examinons donc ce moteur-fusée sur un banc d’essai équipé d’un dispositif de mesure, comme par exemple une balance à ressort : que constatons-nous ? Une fusée à poudre d’environ 100 g génère une poussée de 5 kg, mais, mais délivre toute sa puissance en seulement une fraction de seconde, environ 1/10 de seconde. On va essayer de construire un moteur-fusée plus performant et le mettre à feu sur notre banc d’essai. Ce moteur-fusée haute performance génère déjà une poussée d’environ 20 kg en 1/2 seconde.
Cette poussée, qui se produit lors du fonctionnement d’un moteur-fusée, comme nous le savons déjà, est le même phénomène que celui que nous constatons lorsque nous tirons avec un fusil : le recul ; il résulte du fait que la pression d’expansion des gaz de la poudre repousse avec la même force qu’elle éjecte le projectile hors du canon dans la direction opposée.
Si nous prenons le canon pour exemple, le phénomène de recul est particulièrement visible, au moment du tir, le canon est projeté en arrière avec la même force que celle avec laquelle le projectile est éjecté dans la direction opposée. Cette dangereuse caractéristique est contrecarrée par ce que l’on appelle le retour du tube, de sorte que ce n’est pas l’ensemble du canon qui est projeté en arrière, mais seulement le tube de tir.
On peut tout à fait comparer la fusée à un canon capable de projeter chaque seconde des millions de billes minuscules qui représentent les molécules de gaz. Chaque molécule de gaz éjectée crée un petit recul.
Comme ce jaillissement est continu, tous ces petits chocs produisent une force d’action constante que nous pouvons appeler la poussée de la fusée. Voilà ce qui explique pourquoi la fusée peut fonctionner non seulement dans un espace rempli d’air, mais aussi dans le vide.
En effet, il est généralement admis que la fusée prend appui sur l’air, mais ce n’est pas le cas. C’est ainsi qu’il est possible de tirer au canon non seulement dans un espace rempli d’air, mais également dans le vide. Les gaz produits par la poudre éjectent également dans un espace dépourvu d’air le projectile avec la même force.
Pour remplacer la poudre, on peut aussi utiliser des carburants liquides, principalement de l’oxygène liquide combiné par exemple avec de l’essence. Ci-après, une liste des propergols solides et liquides les plus performants :
Pouvoir calorifique Vitesse d’éjection
Cal / kg
Poudre noire : 610 1 300
Poudre sans fumée : 1 600 3 650
Oxygène liquide – alcool : 2 340 4 420
Oxygène liquide – essence : 2 500 4 600
Oxygène liquide – Hydrogène liquide : 3 770 5 600
Le champ d’application des fusées à poudre est très limité pour diverses raisons. Au-delà du missile de guerre, que nous avons déjà décrit en détail au début du livre, on a construit des fusées dites de sauvetage, qui permettent d’envoyer des câbles sur une distance de plusieurs kilomètres jusqu’à des navires échoués.
Ensuite, il y a des fusées pour lutter contre la grêle qui explosent dans les nuages pour faire baisser la température et transformer la grêle en pluie. Ces dispositifs sont utilisés en particulier pour protéger les zones viticoles. Ensuite, il y a d’innombrables sortes de feux d’artifice, et de fusées lumineuses à des fins guerrières et pacifiques. Toutefois, la fusée à poudre présente un inconvénient fondamental : une fois allumée, il n’est plus possible de modifier sa poussée, même dans de petites proportions. On ne peut pas arrêter le processus de combustion quand il nous plaît, ni le reprendre à un autre moment.
Il n’y a dans ce cas qu’une seule manière de procéder, assembler une batterie de fusées et les allumer les unes après les autres, comme cela a été accompli avec les fusées placées sur les voitures. Pour les fusées destinées à voler, l’on doit en superposer plusieurs, ce qui nous donne au final des fusées à deux ou plusieurs étages.
Certes, on a récemment parlé de l’ingénieur d’Osnabrück, Tiling, qui aurait obtenu une meilleure combustion de la poudre par un procédé particulier, mais il est encore trop tôt pour en tirer des conclusions.
Il ne fait aucun doute qu’il vaut la peine de commencer des recherches dans ce domaine, car il est certain que des fusées à deux ou plusieurs étages permettront de parcourir des distances qui n’ont encore jamais été atteintes jusqu’à présent par aucune autre méthode.
Tiling a déjà réussi à construire des prototypes volants, en métal léger, qui ne reviennent pas sur terre en parachute, mais tel un planeur, déployant des ailes près avoir atteint la plus haute altitude.
Les perspectives de développement des fusées à poudre restent limitées. C’est là que la fusée fonctionnant avec des ergols liquides entre en jeu. Avec ce type de fusée il est possible d’interrompre le processus de combustion et le reprendre à tout moment. La poussée peut être augmentée ou diminuée en envoyant des quantités plus ou moins grandes d’ergols dans la chambre de combustion.
La question fondamentale de la transformation de l’énergie plaide également en faveur des ergols liquides, sachant qu’elle est cruciale lorsque les performances les plus élevées sont exigées.
Le risque d’explosion des missiles à poudre, en particulier les plus volumineux, est totalement supprimé pour les missiles liquides. Si nous reprenons un moteur-fusée à ergols liquides sur le banc d’essai, on obtient une combustion parfaitement constante et une puissance tout aussi constante. En revanche, comme nous l’avons vu, le missile à poudre libère une grande force en un rien de temps.
Il existe une différence considérable entre un missile à poudre et un missile à ergols liquides. Par fusée à ergols liquides, on entend une machine parfaitement ordinaire qui possède des réservoirs de carburant que l’on peut vider et remplir à tout moment et qui n’a rien en commun avec le missile à poudre si ce n’est le principe de propulsion. Ce type de moteur-fusée est le moteur idéal, car il n’a pas de pièces mobiles et convertit directement en vitesse ce qui arrive dans la chambre de combustion.
On s’est demandé si le moteur-fusée méritait la dénomination de « moteur », car en général, on entend par moteur une machine avec des pièces rotatives ou mobiles. Le moteur-fusée est une force motrice idéale pour le vol longue distance et il mérite le nom de moteur à juste titre, car « moteur » ne signifie rien d’autre que « ce qui donne le mouvement » et le moteur-fusée est la forme la plus originale qui soit de « ce qui donne le mouvement ».
Au début des travaux à la « Raketenflugplatz », il était déjà clair que la mise au point du moteur-fusée passait par l’emploi d’ergols liquides. On s’est mis d’accord dès le départ pour ne pas faire le moindre test avec des poudres, et de passer directement aux essais avec un mélange d’oxygène liquide et d’essence.
On a d’abord utilisé l’essence comme combustible parce qu’il est le plus maniable, le plus répandu et le moins cher. L’oxygène liquide est un carburant un peu effrayant de prime abord, tant que vous n’avez pas acquis l’expérience de sa manipulation. Ce n’est qu’une fois que l’on s’est familiarisé avec lui que les appréhensions disparaissent. En revanche, on peut rapidement constater qu’il peut également offrir des avantages liés à sa spécificité. L’oxygène liquide a une température de – 185 °, 1 cc d’oxygène liquide équivaut à pas moins de 750 cc d’oxygène gazeux. Il s’évapore à température normale ; ce qui nécessite sa conservation dans des récipients dits isolants. L’évaporation produite est utilisée pour créer de la pression dans les réservoirs d’ergols du missile. Cette manière de pressuriser est très commode.
En tant que porteur d’oxygène, il existe différentes substances, tels le peroxyde d’azote et le pentoxyde d’azote qui jouent un rôle particulier. Ces derniers contiennent jusqu’à 70% d’oxygène, mais présentent l’inconvénient que leurs parties incombustibles retardent la combustion et diminuent la vitesse d’écoulement. Ces porteurs d’oxygène ont l’avantage d’être liquides à température normale.
Il s’agit à présent de tester ces substances.
On a d’abord commencé par concevoir une chambre de combustion dans laquelle on a brûlé de l’essence et de l’oxygène liquide. Avant de trouver le bon rapport de mélange, il a fallu surmonter de nombreux écueils.
Lors des premiers essais, le matériau a complètement brûlé. On a atteint des températures supérieures à 2000 °C. De même, l’utilisation de matériaux réfractaires n’a pas été exempts de problèmes et a conduit à de nombreux essais sur la résistance à la chaleur des matériaux. C’est ainsi que l’on est arrivé au développement de ce que l’on appelle la buse à fente annulaire, qui a permis de générer une poussée d’environ 2,5 kg.
Le développement est passé de la buse à fente à la buse en cône, qui a permis d’atteindre une poussée de 7,5 kg pour la même consommation de combustible. Très vite, on a réussi à faire fonctionner cette buse de cône pendant environ 100 secondes et à produire une poussée constante de 7,5 kg. En raison des outils primitifs à notre disposition, les progrès ont été très lents. En particulier, le problème du choix des matériaux fut difficile à résoudre, car à ces températures élevées, tous les matériaux dits « ignifuges » brûlaient.
On a donc commencé à traiter la question du point de vue de la combustion interne et on a construit un moteur-fusée en métal léger avec refroidissement à eau qui, dès les premiers essais, a obtenu les meilleurs résultats. Le plus petit moteur-fusée a généré une poussée maximale de 32 kg. Cependant, pour des raisons de sécurité, on s’est contenté au départ d’une puissance de 25 kg. Cette évolution s’est faite au cours du mois de mars 1931. La construction de la première fusée à ergols liquides a été mise en place pour la fabrication d’un moteur plus puissant qui devait générer une poussée de 64 kg.
Avec ce type de moteur nous avons appris énormément de choses et acquis beaucoup d’expérience. L’achèvement de la première fusée à ergols liquides fut achevé début mai 1931 le jour de l’Ascension, le 14 mai 1931, cette fusée n’a atteint que 60 mètres d’altitude ; mais cet engin a prouvé qu’il pouvait voler. L’altitude et la portée de ce petit engin ont rapidement été augmentés avec des réservoirs contenant 1 litre d’oxygène liquide et environ 1/8 litre d’essence.
À l’époque, les problèmes de stabilisation n’étaient pas encore résolus. C’est précisément l’agencement peu symétrique de cette première fusée à ergols liquides qui a provoqué l’instabilité en vol. Après avoir acquis de l’expérience en matière d’allumage, de combustion, d’atterrissage en parachute, etc., avec ces premiers engins, on est passé directement à la construction d’une fusée où le moteur positionné en haut, a été placé de même que le parachute à la base, au bout de l’empennage. Après avoir surmonté les difficultés techniques, cette nouvelle fusée a été lancée en septembre et a permis d’acquérir une précieuse expérience pour la poursuite du développement de la fusée à ergols liquides.
Ces prototypes ont permis de réaliser, au cours de l’année 1931, de nombreuses démonstrations publiques payantes qui ont généré de petits revenus permettant la poursuite des travaux. Avec l’arrivée de la saison froide, ces lancements publics ont été interrompues et le développement d’une plus grande fusée à ergols liquides a été initiée. La suite logique a consisté à développer un moteur-fusée brulant 3 litres d’oxygène liquide et 0,8 litre d’essence. Les travaux ont commencé en hiver 1931 et ont aboutis en mars 1932.
Les lancements de ces engins ont été en tout point satisfaisants. On a très vite atteint des altitudes comprises entre 3 000 et 4 000 m, mais la stabilité laissait encore fortement à désirer.
Des recherches approfondies ont été effectuées sur des moteurs- fusées conçus pour l’oxygène liquide et un mélange d’eau et d’alcool. Avec la fusée de 4 litres, il s’est avéré que le refroidissement du moteur était insuffisant.
On étudiait un mélange qui pouvait servir en même temps de liquide de refroidissement. L’essence s’est avérée moins adapté qu’un mélange d’alcool et d’eau, en raison de sa légère évaporation. Ces recherches ont été très fructueuses, exception faite de certaines difficultés d’allumage, et ont conduit à la conception des moteurs de 250 kg et 750 kg de poussée.
Les travaux d’agrandissement et de modernisation de la Raketenflugplatz ont dû se faire de pair avec les travaux de recherche. L’équipement des ateliers s’est très vite avéré obsolète et il a fallu se procurer de nouvelles machines et de nouveaux outils. Les appartements, bureaux et usines ont également dû être adaptés, le site de lancement a été transformé en conséquence avec l’installation de l’électricité pour l’allumage des moteurs. En mars 1932, il même fallut recourir au service du travail volontaire pour continuer les travaux. Alors que les recherches sur les problèmes du vol des fusées ont été entreprises énergiquement à la Raketenflugplatz, en surmontant toutes les difficultés externes, l’ingénieur Johannes Winkler a réussi au même moment à lancer des missiles à ergols liquides. Le 6 octobre 1932, une tentative de lancement sur l’Isthme de Courlande près de la ville de Pillau d’une grande fusée d’une masse de 50 kg, qui devait être alimentée par de l’oxygène liquide et du méthane liquide, a échoué, remettant en cause tout le travail accompli.
Dans l’état actuel des travaux, le financement des futurs recherches pose de grandes difficultés. Toutefois, étant donné que la création d’un moteur-fusée de 750 kg de poussée permettrait déjà la construction du premier missile habité, il serait ce faisant possible d’obtenir les fonds nécessaires à la poursuite des travaux car il ne fait aucun doute que le développement de la première fusée habitée suscitera un immense intérêt public, de sorte que les droits d’entrée lors des démonstrations permettront de lever des fonds.
La première fusée habitée doit amorcer le développement qui, dans ses objectifs ultimes, aboutira aux voyages rapides d’un point à l’autre de la Terre. Certes, certains esquisseront encore aujourd’hui un sourire face à de telles idées utopiques, ce sourire avec lequel l’on a aussi moqué l’idée du comte fou du lac de Constance. Il ne faut pas oublier que chaque nouvelle invention passe par trois étapes : elle est d’abord ridiculisée, puis combattue, puis enfin considérée comme acquise.
L’idée même du lancement d’une fusée habitée peut paraître un peu effrayante pour le profane.
Il ne connaît que la fusée des feux d’artifice, qui s’élance dans le ciel en mugissant fortement, sans ne rien faire d’autre que de réjouir nos yeux avec ses effets pyrotechniques. Mais la fusée habitée n’a rien en commun avec la fusée à poudre si ce n’est la propulsion par réaction ; Il s’agit d’une machine, obéissant aux lois de l’aviation, qui veut utiliser les énormes quantités d’énergie inhérentes aux carburants, plus efficacement, et de manière plus simple, que ce qui est possible dans les véhicules aériens actuels. Si nous rappelons que le moteur-fusée n’a pas de pièces en mouvement, en rotation, mais qu’il converti directement son énergie en vitesse, tout le monde sera convaincu qu’il s’agit de possibilités de transport qui présentent des avantages évidents, ce qui suppose un développement ultérieur. Il suffit de se rappeler qu’avec la propulsion par moteur-fusée, on peut parcourir la distance Berlin-Paris en 5 minutes, Berlin-Londres en 6 minutes, Berlin-Moscou en 12 minutes et Berlin-Amérique en 30 minutes, chaque point de la surface du globe peut être atteint en moins d’une heure.
Certains ne manqueront pas de se demander si un être humain peut supporter de telles vitesses.
Ce qui importe ici, ce n’est pas la vitesse – l’homme peut supporter n’importe quelle vitesse – mais les changements de vitesse, que nous appelons l’accélération. Cela provoque la sensation de ce que l’on appelle la force d’accélération, qui se produit déjà dans un ascenseur, et qui est d’autant plus désagréable que celui-ci monte vite. Cette accélération ne doit pas dépasser une certaine limite, ce que Winkler a déjà étudié en détail.
C’est ainsi qu’il a procédé à des essais à Breslau, en 1929 ; Il y avait un carrousel à la fête de la Saint-Jean, sur lequel les personnes tournaient très rapidement, de sorte qu’elles étaient soumises aux effets de la force centrifuge. Les passagers ont subi environ 2 fois et demi la gravité normale.
En général, elles n’ont rien ressenti au niveau du cœur, des poumons ou du cerveau, ni de l’anxiété, ni de l’essoufflement. La conscience et la pensée n’étaient pas altérées. En revanche, les effets sur le corps ont été tangibles, les bras et les jambes étaient plus lourds, mais on pouvait les bouger. L’ingénieur Winkler a ensuite conclu un accord avec le concepteur du manège, pour le faire tourner plus vite. Dans ce cas de figure, les passagers ont supporté environ 4,3 fois l’accélération normale sur Terre ; les mêmes effets secondaires mentionnés ci-dessus ont été endurés, personne n’a fait état de douleurs ou de malaises. Cela semble toutefois constituer la limite supérieure que l’homme peut supporter sans symptômes particuliers. Or, dans le cas de la fusée à poudre, l’accélération est au moins de 10 à 20 fois supérieure à l’accélération de la Terre, ce qui fait que la propulsion à poudre ne peut pas être utilisée pour le vol habité. Alors que la capacité de pouvoir réguler la puissance de la fusée à ergols liquides permet de canaliser cette accélération, pour qu’elle reste supportable pour tout être humain.
Le fait que l’homme soit capable de supporter des accélérations considérables, est attesté par une petite histoire que le guide de la forteresse de Königstein sur l’Elbe raconte aux visiteurs : à la fin du siècle dernier, un éclair a provoqué l’explosion du dépôt de poudre. Une sentinelle, qui pour échapper à l’orage s’était réfugié dans la cabane en bois a été éjecté à environ 200 mètres par la déflagration et s’en est sorti indemne, à l’exception de quelques brûlures et écorchures superficielles. La pression subie lors de cette explosion a certainement été plusieurs fois supérieure à l’accélération de la Terre.
Une fusée à ergols liquides s’élève dans l’air à la vitesse d’un ascenseur. Lors de toutes nos démonstrations publiques, c’était la chose la plus surprenante, la fusée dépassait lentement la tour de lancement, avant d’accélérer et prendre de plus en plus de vitesse. A la fin de sa trajectoire un parachute ramène la fusée au sol en toute sécurité. Elle a été totalement visible tout au long du vol, contrairement aux fusées à poudre cachées par un énorme panache de fumée. La fusée à ergols liquides ne laisse aucune trace visible, car la combustion est parfaite du fait de l’utilisation de l’oxygène liquide.
Le deuxième problème à traiter est celui de l’atterrissage d’une fusée habitée. Nous voulons voler rapidement et, par conséquent, éviter toute friction inutile dans l’air, comme celui des ailes de l’avion dans l’air. C’est pour cela que nous donnons à la fusée une forme de cigare et évitons d’utiliser toutes les pièces qui pourraient provoquer des frictions. Il ne fait aucun doute que la question de l’atterrissage ne pourra être résolue que par le biais de recherches. Tout d’abord, on se contentera de sauter en parachute après avoir atteint sa destination et de faire atterrir la fusée en parachute. La fiabilité du saut en parachute est si grande aujourd’hui que l’on ne doit pas s’attendre à une défaillance à ce niveau-là. Plus tard, on installera des aplats repliables qui se seront enclenchés pendant le vol et seront repliés au moment où la fusée atteint sa vitesse minimale.
On peut même se servir du parachute pour ralentir la vitesse de la fusée. Si, par la force d’un ressort des ailes sont dépliées, la fusée peut atterrir en vol plané comme n’importe quel avion. L’atterrissage n’offre aucune difficulté particulière.
A quoi ressemblera la première fusée habitée ? La première fusée volante habitée doit pouvoir atteindre une altitude de 1 000 m, avec un moteur de 750 kg de poussée pour une hauteur totale de 8 m. La fusée est équipée d’un parachute pour pouvoir la récupérer tandis que le pilote de la fusée porte sur le dos un autre parachute qui lui servira à atterrir en toute sécurité. Le pilote saute après avoir atteint l’apogée de la trajectoire, ce qui actionne automatiquement le déploiement du parachute de la fusée.
La fusée se compose de trois parties : le moteur, qui est placé au sommet de la fusée, les réservoirs de carburant : un réservoir d’oxygène liquide et un réservoir d’essence, et la cabine pour le pilote. A cela s’ajoutent des instruments de mesure et de commande, ces derniers servant au pilotage.
Le moteur lui-même a les dimensions suivantes : 1 m de hauteur, 60 cm de diamètre ; il consomme 5 kg de carburant par seconde. La poussée est de 750 kg. Ce qui équivaut à une puissance d’environ 15 000 ch. L’altitude maximale de cette première fusée volante habitée devrait être de 1 000 m. Au point culminant, le pilote, s’extraie de la cabine et saute en parachute ce qui déclenche automatiquement le parachute permettant la récupération de la fusée.
Les réservoirs de carburant, doivent être conçus de manière à ce que l’essence ne puisse en aucun cas être refroidie par l’oxygène liquide. L’essence doit donc être conservée dans des cuves isolantes spécialement conçues, qui doivent en outre supporter une pression maximale d’environ 30 atmosphères.
Les réservoirs de carburant sont placés directement au-dessus de la cabine du pilote afin que les vannes et les manettes de contrôle puissent être directement actionnés par ce dernier.
Comme vous le savez, la température de l’oxygène liquide est de moins 185 degrés, tandis que lorsque le mélange d’oxygène brûle, des températures supérieures à 2000 degrés sont produites, ces différences de températures exigent des mesures particulières. La chambre de combustion doit être refroidie par circulation du carburant, les réservoirs de combustible et la cabine du pilote de la fusée doivent également être protégés contre l’éjection des gaz brûlants, par ce même système de refroidissement circulaire.
L’allumage des ergols se fait par voie électrique. Le pilotage de la fusée est obtenu en faisant en sorte que le moteur soit orientable de tous les côtés, de sorte que la direction de l’échappement des gaz peut être directement modifiée depuis la cabine de pilotage.
Si les premiers décollages de cette fusée habitée sont couronnés de succès, la prochaine étape doit être le lancement d’une fusée habitée à 20 000 m d’altitude.
Si l’on parvient à réaliser ces fusées, il ne fait aucun doute que les moyens financiers afflueront ce qui permettra, dans un avenir prévisible, la construction de fusées à longue distance et, partant, de démontrer son potentiel économique.
L’expérience acquise au fil des années nous fait apercevoir les possibilités d’application des fusées :
1. Fusées de démonstration pour l’organisation de journées des fusées, démonstrations de fusées habitées, fusées à longue portée, etc.
2. Fusées sondes pour l’exploration des couches supérieures de l’atmosphère. En raison de l’efficacité de ces fusées et de pouvoir les réutiliser autant de fois que nécessaire, il est possible de mettre en œuvre un service d’observation météorologique fiable et rapide avec des fusées à ergols liquides.
3. Les fusées longue portée pour le transport de lettres et de colis. Celles-ci volent sur de longues distances après avoir atteint une vitesse finale élevée sur une piste sans propulsion. De tels appareils pourraient parcourir les distances Berlin-Paris en 5 minutes, Berlin-New York en 25 minutes, Berlin-Tokyo en 40 minutes et atteindre n’importe quel point de la surface de la Terre en moins d’une heure. Le contrôle de ces appareils se fait par un régulateur de vitesse situé à bord de la fusée, ainsi que par des commandes radio au sol.
4. Fusées longue distance pour le transport de passagers autour de la Terre. C’est essentiellement la même chose que pour les fusées postales, mais le pilotage est simplifié par la présence d’un pilote.
5. Fusées pour le décollage des planeurs permettrait de rendre le planeur indépendant du terrain et de l’équipe de départ et de faire du vol à voile un véritable sport populaire.
6. Les moteurs fusées, sont capables de surpasser le moteur d’avion d’aujourd’hui, que ce soit au niveau du poids, de l’efficacité et de la fiabilité.
7. Les moteurs fusées montés à la périphérie de plus grandes hélices horizontales, sont en mesure de permettre le décollage vertical des aéronefs et d’amorcer le développement de l’hélicoptère.
8. Les moteurs à réaction, couplés à des rotors à grande vitesse, constituent des turbines à combustion interne qui promettent une efficacité exceptionnelle ; ils sont particulièrement adaptés à la génération de très hauts rendements, notamment pour les moteurs marins, les centrales électriques, et les moteurs pour de grands aéronefs commerciaux.
Étant donné que l’on peut utiliser le pétrole brut et l’alcool de pommes de terre, ces moteurs à réaction pourraient devenir économiquement parlant, les plus rentables. Les possibilités de la propulsion par fusées ne sont pas encore épuisées. À la question controversée de savoir si, par la suite, il sera possible de visiter les corps célestes voisins par des vaisseaux spatiaux propulsés par des fusées, on ne peut aujourd’hui que donner la réponse suivante : en théorie, rien ne s’y oppose, mais on ne sait pas encore avec certitude si de tels vols seront réalisables dans la pratique. »
Heinrich Himmler rêve de créer un empire industriel, pour que la SS ne soit plus dépendante du budget de l’état.
Il va notamment établir des usines d’armement dans les camps de concentration, c’est ainsi qu’une usine de carabines voit le jour à Buchenwald, une usine de pistolets à Neuengamme, une usine de canons antiaériens à Auschwitz, une usine produisant des systèmes de communication à Ravensbrück, etc.
Ces tentatives seront globalement des échecs.
« Louer » des travailleurs issus des camps de concentration aux grandes firmes, sera beaucoup plus lucratif. Ce faisant, Himmler va bien évidemment s’intéresser également au programme des fusées, d’une toute autre magnitude.
Les fantastiques innovations du programme A4 fascinent le Reichsführer SS.
Les étapes de cette prise de contrôle du programme A4, dans les grandes lignes :
En 1940 Himmler a obtenu de Wernher von Braun, qui n’a rien demandé, qu’il rejoigne son organisation, la SS. C’est ainsi que le directeur technique civil du centre de recherche de Peenemünde (re)devient le membre n° 185 068 * de la SS Générale (Allgemeine SS), ce après deux « sollicitations » sans réponse. Son adhésion débute le 1er mai 1940, Himmler lui confère le grade honoraire de sous-lieutenant (SS-Untersturmführer). Von Braun est rattaché, et non pas affecté, à l’Oberabschnitt Ostsee (anciennement SS-Oa.Nord), SS-Abschnitt XIII dont le quartier général se trouve à Stettin (116 km de Peenemünde) et commandé alors par le SS-Oberführer Walter Langleist (SS-Oberführer est un grade spécifique à la SS entre colonel et général). Le régiment SS le plus proche est la 74eSS-Standarte stationnée à Greifswald (30 km de Peenemünde). Ce régiment d’infanterie est commandé à ce moment-là par le colonel (SS-Standartenführer) Otto Müller. C’est ce dernier qui servira d’intermédiaire avec Himmler pour faire adhérer von Braun à la Allgemeine SS. La région de la mer Baltique (Ostsee) est dirigée par Emil Mazuw alors général de division (SS-Gruppenführer).
En mai 1941, Himmler incorpore tous les clubs de spéléologie d’Allemagne et d’Autriche au sein de la Reichsbund für Karst und Höhlenforschung. Cette « fédération du Reich pour le karst et la spéléologie » est sous la tutelle de la SS-Ahnenerbe. [La Ahnenerbe Forschungs und Lehrgemeinschaft ou société pour la recherche et l’enseignement sur l’héritage ancestral, créé le 1er juillet 1935 et intégrée à la SS en janvier 1939 comprend 38 instituts de recherche dans des domaines aussi variés que l’archéologie, la philologie, la climatologie, l’astronomie, l’anthropologie, la médecine, l’ethnographie, la musicologie, l’entomologie, la météorologie, la biologie, la zoologie etc.]. La SS veut s’approprier les travaux et surtout confisquer l’impressionnante bibliothèque et la documentation du Dr Benno Wolf (26 septembre 1871 – 6 janvier 1943) ce docteur en droit, juge régional, féru de spéléologie, ancien président et fondateur de l’association des spéléologues allemands (Hauptverband Deutscher Höhlenforscher), qui avait notamment constitué un registre recensant toutes les grottes de la planète. Benno Wolf, 71 ans, est arrêté par la Gestapo le 6 juillet 1942 à 13 :30 alors qu’il rentre chez lui, et déporté au camp de concentration de Theresienstadt ; bien que baptisé protestant, il est d’origine juive par ses grands-parents. (L’un des cas particuliers des lois de Nuremberg.) Il y mourra un an et demi plus tard, le 6 janvier 1943 victime de mauvais traitement. C’est ainsi que la SS met la main, sur ce qui va notamment lui permettre de s’immiscer dans la production de l’armement, lorsque beaucoup d’usines seront transférées sous terre, avec les travaux d’excavation et d’aménagement, et surtout la production, réalisés par les détenus des camps de concentration. Himmler va créer la Höhlennachweis-Abteilung im Wehrwissenschaftlichen Institut for Karst- und Höhlenforschung der SS Karstwehr-truppe. Les services secrets de nombreux pays ont des cellules spécialisées dans la collecte d’informations de nature géologique, et les cavités souterraines.
Au printemps 1942, Himmler propose à Albert Speer qui vient d’être nommé ministre de l’Armement et des Munitions le 8 février 1942 (qui chapeaute la production en série du programme des fusées), le grade honoraire de Oberst-Gruppenführer. Il s’agit du deuxième grade d’officier général le plus élevé dans le corps des officiers généraux SS (il n’en existera que 4 dans l’histoire de la SS). Le plus haut grade étant bien évidemment porté par Himmler lui-même, qui est le quatrième Reichsführer-SS de l’organisation, et le 168e adhérent de la SS. [A noter : Hitler a comme numéro d’adhérent de la SS le 1, il avait le grade suprême de Oberster Führer der Schutzstaffel, pour lequel il n’existe toutefois pas d’insigne.] Contrairement à Wernher von Braun, Albert Speer, fort des relations privilégiées qu’il entretient avec Hitler à ce moment-là, peut se permettre de refuser cette offre. Non seulement Speer évite ainsi toute sujétion à la SS, mais lui permet de garder la confiance des dirigeants de la Wehrmacht. Ce refus, le fait d’être le protégé d’Hitler, et son opposition à l’immixtion de la SS dans le programme A4 (entre autres), vont lui valoir la forte inimitié d’Himmler, ce dernier le soumettra à un régulier travail de sape.
Le 3 octobre 1942 la fusée A4 / V-4 atteint 83 km d’altitude et parcoure la distance de 193 km. Premier lancement réussi. (Le V signifie versuchsmuster pour « engin de test » ou « prototype » et le chiffre, la séquence dans la chronologie des lancements.)
Le 11 décembre 1942 Himmler effectue sa première visite de Peenemünde. Il assiste au lancement de la A4 / V-9 qui explose au bout de quatre secondes.
En avril 1943 Himmler essaie de discréditer le commandant militaire de Peenemünde, le colonel Leo Zanssen, un officier à l’ancienne mode, de plus en plus critique envers le régime. Il l’accuse d’avoir des contacts avec un groupe anti-nazi d’obédience catholique à Stettin ; « un espion à la solde des catholiques ». L’officier en second de Zanssen, le lieutenant-colonel Gerhard Stegmaier, affirme même qu’il est alcoolique, un mensonge, « un coup de poignard dans le dos ». Il s’avèrera que Stegmaier est à la solde de la SS. Très vite le général Friedrich Fromm, responsable de l’équipement militaire de l’armée de terre et commandant de l’armée de réserve (Chef der Heeresrüstung und Befehlshaber des Ersatzheeres), prend sa défense et envoie une missive à Himmler l’informant que Zanssen, de confession catholique, est marié à une protestante, que ses enfants sont baptisés dans l’Eglise protestante. Ernst Kaltenbrunner le chef de l’Office Central de la Sûreté du Reich (RSHA pour Reichssicherheitshauptamt), homme de confiance d’Himmler, ne peut que confirmer ces informations. Au final Zanssen sera lavé de tout soupçon. Il sera promu Generalmajor le 1er avril 1944.
Le 3 avril 1943 le gouvernement annonce officiellement la perte de la VIe armée à Stalingrad, commandée par Friedrich Paulus. Capitulation qui date du 2 février. Pour la première fois la Wehrmacht est vaincue dans un conflit majeur. La guerre prenant une tournure défavorable, Joseph Goebbels, le ministre de la propagande, dans son célèbre discours radiodiffusé du 18 février au palais des sports (Sportpalast) de Berlin, avait appelé à la « guerre totale » et évoqué à nouveau les nouvelles armes qui allaient pouvoir retourner la situation. (La première évocation publique de l’utilisation de nouvelles armes remonte à son discours du 30 janvier 1943 – L’utilisation du V pour vergeltung qui signifie châtiment, vengeance, représailles, est une réponse au V de victory utilisé par Winston Churchill. La propagande nazie utilisera également le terme de Wunderwaffen – armes miracles.) Dès lors la pression sur les responsables du programme va devenir de plus en plus forte.
A la mi-avril 1943 il est décidé que la production en série de la A4 serait assurée par les détenus des camps de concentration. Une première victoire pour Himmler. Quatre sites sont choisis : Fertigungshalle Eins (Versuchserienwerk – Werk Süd – Peenemünde), Zeppelin-Werke (Friedrichshafen), Rax-Werke (Wiener Neustadt), Demag-Lokomotivwerken (Falkensee) [Demag = Deutschen Maschinenfabrik AG]. Le premier, Karlshagen Außenlager II, emploi des détenus des camps de Buchenwald et Sachsenhausen, il est administrativement rattaché au camp pour femmes de Ravensbrück. Le second, KZ-Außenlager Friedrichshafen, emploi des détenus du camp de Dachau. Le troisième, Arbeitslager Wiener Neustadt, emploi des détenus du camp de Mauthausen. Le dernier, KZ–Außenlager Falkensee, emploi des détenus du camp de Sachsenhausen.
Les 28 et 29 juin 1943 Himmler [accompagné par Emil Mazuw qui a été promu le 20 avril 1942 Général de corps d’armée et Général de Police (SS-Obergruppenführer und General der Polizei), ainsi que le General der Artillerie Emil Leeb qui est depuis le 16 avril 1940 le responsable du bureau des armes de l’armée de terre (Chef des Heereswaffenamtes)] effectue sa deuxième visite de Peenemünde. Il assiste, le 29, à deux lancements effectués du polygone d’essai n° 7 (Prüfstand VII). Le premier, (V-38) dans la matinée, est un échec, l’engin s’écrase sur l’aéroport détruisant trois avions, l’autre (V-40), dans l’après-midi, est un succès. Von Braun avait été prié par les autorités SS locales de revêtir son uniforme SS, et pour cause, il est promu commandant (SS-Sturmbannführer) le 28 juin. Lors de la première visite il était resté en costume civil. Traditionnellement les promotions au sein de la SS ont lieu le 9 novembre, la date anniversaire du « putsch de Munich ». Bien qu’il s’agisse d’un fiasco, cette tentative de prise de pouvoir par Hitler en Bavière, est devenu l’un des mythes fondateurs du régime nazi. A partir de 1934 les promotions se feront également le 30 janvier, l’anniversaire de la prise de pouvoir. Une promotion hors de ces dates, datée du jour de la visite d’Himmler à Peenemünde, montre à quel point ce dernier « s’intéresse » à von Braun.
Le 8 juillet 1943 Walter Dornberger, Wernher von Braun et Ernst Steinhoff se rendent au quartier général d’Hitler dans un Heinkel 111. Quelques jours plus tard Himmler lors d’une entrevue avec Hitler déplore le fait que les trois personnalités les plus importantes du programme A4 ont volé dans le même appareil. On demandera aux trois concernés de ne plus prendre l’avion ensemble. Ce faisant Himmler se rappelle au bon souvenir de ces trois personnes, et combien il s’intéresse à leurs travaux.
Dans la nuit du 17 au 18 août 1943 le site de Peenemünde est bombardé. Une véritable aubaine pour Himmler. C’est la fin du « tout sous le même toit » (alles unter einem dach) prôné par Walter Dornberger.
Himmler a de plus en plus de réunions de travail avec Hitler au sujet du programme A4.
Le 18 août au matin, Albert Speer se rend à Peenemünde pour constater les dégâts. Le lendemain après-midi il rencontre avec son bras droit Karl-Otto Saur qui dirige le Technische Amt im Munitionsministerium, Adolf Hitler dans son repère du Loup. Himmler lui avait déjà suggéré de confier à la SS la production des A4, qui sont désormais appelées V2 (deuxième arme de représailles), dans une usine souterraine, qui utiliserait les détenus de ses camps. Au départ, Hitler avait décrété que les armes V ne serait produites que par des travailleurs allemands.
Le 24 août 1943 Himmler devient ministre de l’intérieur.
Fin août 1943, il est décrété que la production en série du missile V2 se fera exclusivement dans une usine sous-terraine dans le massif du Harz. La partie est presque gagnée pour Himmler.
En novembre 1943 une partie des vols d’essais du V2 est relocalisée à Blizna en Pologne, dans un centre d’essai et de formation SS créé le 26 juin 1940. (SS TruppenübungsplatzHeidelager – Zone d’entraînement militaire SS Heidelager) à 23 km de la ville de Dębica. Le premier des 204 lancements de V2 à Blizna a lieu le 5 novembre 1943. Le site, qui forme également les batteries de lancement du missile, reste opérationnel jusqu’en juillet 1944 lorsqu’il est évacué en raison de l’approche de l’armée rouge, qui arrive sur les lieux le 6 août 1944. Le dernier lancement de Blizna a lieu le 30 juin 1944. Les essais se feront désormais dans la forêt de Tuchola, sous le nom de code « Heidekraut » en Posnanie-Prusse occidentale. Environ 224 lancements y auront lieu entre le 10 septembre 1944 et le 11 janvier 1945, le site est à son tour évacué en raison de la progression de l’armée rouge. Les installations sont évacuées dans une forêt au sud de Wolgast, puis le long de la rivière Weser (Visurge) près de la ville de Rethen, au sud-est de la ville de Hanovre. Quant à Peenemünde, les lancements d’essais y ont perduré jusqu‘au 20 février 1945.
En février 1944 Himmler convoque Wernher von Braun pour lui « proposer » de continuer ses travaux sous les auspices de la SS et de « s’affranchir de la lourde bureaucratie de l’armée de terre », selon ses propres termes. Von Braun refuse poliment. Pourtant, depuis le 28 juin 1943, von Braun a le grade honoraire de Commandant dans la Allgemeine SS… Après cette entrevue au cours de laquelle il affiche son indéfectible fidélité à Walter Dornberger et à l’armée de terre, tout va changer pour lui. Himmler ne lui pardonnera jamais cet affront, c’est ainsi qu’il ne sera jamais promu Lieutenant-Colonel (Obersturmbannführer). Rappelons que les grades dans la Allgemeine SS sont purement honorifiques, politiques. Von Braun n’avait aucune fonction spécifique dans cette organisation. Son adhésion débute officiellement le 1er mai 1940 comme Sous-Lieutenant (SS-Untersturmführer), il est automatiquement promu Lieutenant (SS-Obersturmführer) le 9 novembre 1941, Capitaine (SS-Hauptsturmführer) le 9 novembre 1942. Proposer des grades honoraires dans la Allgemeine SS à des personnalité du régime, est une méthode courante utilisée par Himmler pour infiltrer les différents ministères, administrations, grosses entreprises, instituts de recherche, universités, etc.
Dans la nuit du 21 au 22 mars 1944, la veille de son trente-deuxième anniversaire, von Braun est arrêté par trois hommes de la Gestapo dans sa chambre à l’Inselhof, dans la petite station balnéaire de Zempin. (Klaus Riedel, Helmut Grottrüp, Magnus von Braun et Hannes Lührsen seront également arrêtés). Von Braun restera en prison deux semaines, sans contact avec les autres, accusé de vouloir saboter le programme A4. Il s’agit de la seconde tentative des SS, après celle de Zanssen, d’intimider de hauts responsables du programme A4. Il sera libéré à titre provisoire pour une durée de trois mois grâce à l’intervention de Walter Dornberger, Johannes « Hans » Georg Klamroth (commandant de réserve des services de renseignements de l’armée de terre) et surtout d’Albert Speer.
En août 1944, Himmler devient responsable de l’équipement militaire de l’armée de terre et commandant de l’armée de réserve (Chef der Heeresrüstung und Befehlshaber des Ersatzheeres) en remplacement du général Friedrich Fromm démis de ses fonctions, dégradé et expulsé de l’armée, fusillé en tant que civil le 12 mars 1945. Il paye de sa vie son comportement ambigu dans le complot du 20 juillet 1944 (Opération Walkyrie), la dernière des quelque 20 tentatives concrètes d’assassiner Hitler entre 1933 et 1944 sur une quarantaine de projets avérés. Cette nomination place Himmler à la tête des 2 millions d’hommes de cette armée de réserve, responsable de l’armement de la Wehrmacht et de la gestion des prisonniers de guerre. Le pouvoir du Reichsführer SS atteint son apogée.
Le 6 août 1944 Himmler nomme Hans Kammler (SS-Gruppenführer und Generalleutnant der Waffen-SS depuis le 30 mars 1944), qui a obtenu un doctorat en génie civil en 1929, responsable de la production et de l’utilisation de la A4, il devient le Représentant Spécial du Reichsführer SS pour le programme A4 (Sonderbeauftragten des Reichsführers SS für das A 4-Programm). Dès lors la SS met définitivement la main sur le programme A4, Himmler a gagné la partie. Walter Dornberger, le chef historique du programme A4 est écarté, il travaille désormais sous les ordres de Kammler. Ce faisant, ce dernier se voit également confier la responsabilité du déploiement militaire du V2. A la tête de la division SS z.V. (zur Vergeltung – en représailles), il dispose de plusieurs batteries de lancement et d’un effectif d’environ 11 000 hommes au début de 1945. Depuis juin 1941 Kammler était responsable du département C, celui de la construction et des travaux (Chef der Amtsgruppe C im WVHA) au sein de l’office central SS pour l’économie et l’administration (SS-Wirtschafts-Verwaltungshauptamt ), ce qui inclue les camps d’extermination. Son efficacité, son zèle avaient fait forte impression… Kammler avait également prévu à l’été 1944 de relocaliser la partie développement de Peenemünde dans des mines près de Ebensee dans la région du Salzkammergut en Autriche, (sous le nom de code « Kalk » puis « Zement »). Finalement cela ne se fera pas et le site abritera une raffinerie de pétrole synthétique (Installation A) et des machines-outils pour pièces de chars (Installation B).
Le dernier coup bas d’Himmler vis à vis de von Braun a lieu le 28 septembre 1944 lorsque ce dernier suggère à Albert Speer de décerner à Walter Dornberger et deux de ses ingénieurs, Walter Riedel et Heinz Kunze, la Croix de Chevalier de la Croix du Mérite de Guerre avec Glaives (Ritterkreuz des Kriegsverdienstkreuzes mit Schwertern). Il ignore totalement von Braun, le directeur technique du centre de recherche de Peenemünde, loyal bras droit de Walter Dornberger depuis le tout début. Albert Speer trouve l’attitude d’Himmler totalement ridicule. Sur la liste que Speer proposera à Hitler figureront Wernher von Braun et Walter Thiel (à titre posthume). Hitler finit par entériner cette décision après des pourparlers dans les coulisses des ministères concernés. Une décoration attribuée 243 fois entre 1939, date de sa création par Adolf Hitler, et 1945 (et seulement à six reprises à titre posthume). C’est ainsi que le 29 octobre 1944, Walter Dornberger, Wernher von Braun, Walter Thiel (à titre posthume), se voient attribuer cette décoration. Elle leur sera physiquement remise le 9 décembre 1944, à l’occasion d’une cérémonie et d’un dîner organisés dans le magnifique Château de Varlar près de la ville de Coesfeld (en Rhénanie-du-Nord – Westphalie) présidée par Albert Speer ministre de l’Armement et de la Production de guerre. (De même qu’à Gerhard Dekenkolb qui dirige le Comité Spécial A4 (Sonderausschusses A4) et Karl-Otto Saur, le bras droit de Speer.)
[Heinz Kunze ne recevra la distinction que le 20 avril 1945, quant à Riedel, les sources sont contradictoires, Walter H. J. Riedel aurait reçu la Ritterkreuz des Kriegsverdienstkreuzes le 10 février 1944 et la Ritterkreuz des Kriegsverdienstkreuzes mit Schwertern le 1er septembre 1944, ce qui est impossible. Il s’agit certainement d’une confusion entre Walter Hermann Julius « papa » Riedel (5 décembre 1902 – 15 mai 1968) et Walther Johannes Riedel (23 janvier 1903 – 16 novembre 1974). Le premier a dirigé le bureau d’étude de Peenemünde, le second a remplacé Walter Thiel comme responsable du développement des moteurs fusées.]
(*) Dès le printemps 1933 Himmler intègre des organisations entières à la SS, c’est ainsi qu’il annexe les sociétés hippiques, ce qui lui ouvre toutes grandes les portes de la bonne société. Annexion qu’il paye au prix fort puisqu’il s’engage à prendre en charge au sein de la SS tous les adhérents de ces sociétés sans distinction d’opinions. Lorsque le 1er novembre 1933 Wernher von Braun souhaite s’inscrire dans une école d’équitation, il n’a pas le choix, ce sera obligatoirement une école SS, la Reitersturm I à Berlin Halensee en l’occurence. Il y prendra des cours deux fois par semaine. Il a le numéro d’adhérent 185 068, qui lui sera réattribué 7 ans plus tard ! (La bureaucratie SS était décidément très efficace.)
Accuser Wernher von Braun d’avoir sciemment choisi la SS, à l’âge de 21 ans, pour prendre des cours d’équitation, est aussi infondé que d’accuser un jeune allemand, après le 25 mars 1939, d’avoir fait partie des Jeunesses hitlériennes ! D’autant plus que l’organisation SS, en 1933, n’est pas encore, et de loin, ce qu’elle deviendra quelques années plus tard ! Il faut bien se rendre compte qu’en 1933 le terme SS ne « résonne » pas dans les esprits comme il le fera quelques années plus tard !