Une fusée A4 dans l’espace

Courant 1944, lors d’un tir vertical de fusée A4 à partir de Greifswalder Oie, une petite île couvrant une superficie d’une cinquantaine d’hectares située à quelques 10 km du centre de recherche de Peenemünde, l’engin atteint l’altitude de 170 km *.

Le Dr Martin Schilling qui dirige la Division Essai suit la trajectoire de la A4 avec un télescope (plus exactement un cinéthéodolite). Plus tard il confiera à son fils Gerd : « Voir cette toute petite fusée dans l’immensité de l’espace fut une expérience magnifique ! »

La A4 reste le premier engin motorisé à franchir le mur du son et le premier à faire une incursion dans l’espace !

Les tirs verticaux permettaient d’étudier précisémment, de visu, le comportement de la fusée lors de la rentrée dans l’atmosphère et de tester de nouveaux matériaux.

* La Fédération Internationale d’Astronautique a officiellement fixé à 100 km la limite où commence l’Espace, une altitude à laquelle l’atmosphère devient trop ténue pour assurer la portance d’un aéronef.

Il y a un hic… Contrebande d’alcool à Peenemünde

Les chiffres de la consommation d’alcool éthylique à Peenemünde posaient problème. Il y avait en effet une différence notable entre le stock réel et le stock théorique, que l’évaporation et les déversements accidentels ne pouvaient à eux seuls expliquer.

Le général Dornberger et Wernher von Braun doivent rapidement trouver une solution efficace. Il faut impérativement dissuader le chapardage de cette substance stratégique.

C’est au Dr Martin Schilling que va incomber cette tâche. Le responsable de la « Division Essais » du centre de recherche de Peenemünde, va donc réunir ses collaborateurs à la recherche d’une idée. Parmi plusieurs suggestions, c’est l’ajout d’un colorant rosâtre toxique qui est retenu.  

Il ne faut pas plus d’une semaine pour que des petits malins trouvent la solution. Il suffit de filtrer la mixture avec de la purée de pommes de terre crues, pour neutraliser le colorant et produire par la même du schnaps !

Karl Heimburg, du « Prüfstand VII » * propose alors une alternative : l’adjonction d’un purgatif très puissant.

Le résultat ne se fait pas attendre, et les essais de la A4 qui auraient pu être retardés par manque d’alcool l’ont été par manque de personnel en raison d’un fort taux d’absentéisme.

Sans parler du temps perdu, en raison des nombreuses allées et venues aux toilettes, de ceux qui sont quand même venus travailler. Inutile de préciser qu’à compter de ce jour les vols d’alcool ont très fortement diminués.

Un ingénieur de Peenemünde avait calculé que le plein d’une A4 représentait, alcooliquement parlant, l’équivalent d’environ 66 130 Dry Martinis !

Le moteur de la fusée A4 (Aggregat 4) utilisait 3 710 kg d’un mélange constitué à 70% d’éthanol H3C-CH2OH et à 25% d’eau H2O, en guise de carburant (B-Stoff) et 4 900 Kg d’oxygène liquide pour le comburant (A-Stoff).

Véhicule de transport du B-Stoff (3 000 litres)

* Site d’essai n° 7. Il y en avait 13 à Peenemünde mais seulement 11 ont été utilisés. La station d’essai n°7 était la plus importante, c’est l’endroit d’où la plupart des A4 furent lancées.

La disparition du Dr Hermann Steuding

La plupart des 400 plus éminents membres de la « Rocket Team » regroupés dans 25 villages du Sud de la Bavière attendent paisiblement l’arrivée des «Amis» (Amerikaner) auxquels ils ont choisi de se rendre. Le brillant mathématicien Hermann Steuding qui dirigeait le département « aérobalistique et dynamique de vol », au sein de la division BSM (Bordausrüstung, Steuerung, Messtechnik – Guidage Contrôle et Télémétrie) d’Ernst Steinhoff à Peenemünde, se pose quant à lui beaucoup de questions.

Après une semaine d’oisiveté, dans le petit village de Böbing, Steuding devient morose et dépressif. Il est préoccupé par l’avenir de l’Allemagne. Célibataire et sexagénaire, il ne peut se faire à l’idée de travailler dans un autre pays, ce serait une trahison !

Un jour, il fait cadeau de son bien le plus précieux, sa règle à calcul, à son meilleur ami et collègue le Dr Rudolf Hölker (16 mars 1912- 14 juin 2003), dynamicien du vol également, et distribue ses autres effets personnels de valeur.

Il prépare un petit sac de voyage avec les quelques vêtements qu’il avait ramené de Bleicherode et quitte le village à pieds.

Rudolf Hölker l’accompagne quelques temps portant le baluchon de son ami, ils marchent ainsi pendant près d’une heure, entre les pins et les sapins, pratiquement sans mot dire.

Soudain Hermann Steuding s’arrête, prend le sac des mains de son ami, et lui dit : « Il est temps que je te dise au revoir » et continu seul son chemin…

Plus personne ne le revit jamais. Ses amis pensent qu’il s’est suicidé, mais sans en avoir jamais eu la preuve. Hermann Steuding s’est tout simplement évaporé dans la nature !