Peenemünde, les cheminées de la centrale électrique

Dans son livre “L’arme secrète de Peenemünde”, Walter Dornberger évoque le premier tir réussi d’une fusée A4 intervenu le samedi 3 octobre 1942.

Incidemment il décrit ce qu’il voit, juché sur le toit de la chambre de mesures:

Je découvrais le paysage de ce coin de l’Allemagne septentrionale sous un ciel sans nuages… Les contours bleuâtres de l’usine de production d’oxygène, presque entièrement dissimulée sous des filets, les six cheminées caractéristiques de la centrale électrique du port…

Les six cheminées caractéristiques de la centrale électrique du port ?

Pourtant, sur toutes les photos que l’on trouve actuellement dans la plupart des livres et sites internet, la centrale ne compte que trois cheminées…

Très récemment, dans un article « historique » truffé d’erreurs, intitulé “Peenemünde, la première base spatiale” paru dans le magazine bimestriel “Espace & Exploration” n° 35 (septembre-octobre 2016), c’est également une photo contemporaine de la centrale, avec trois cheminées qui est choisie pour l’illustrer !

Or la centrale thermique de Peenemünde, dont la construction a débuté le 6 décembre 1939 et fut mise en service en novembre 1943, comportait bien six cheminées.

A l’origine, les six cheminées devaient faire 50 mètres de hauteur, mais après avoir pris en compte les dangers potentiels liés au traffic aérien, une piste d’atterrissage se trouvant à proximité, leur hauteur sur les plans fut réduite à 34 mètres.

Finalement après des pourparlers entre la Luftwaffe, les architectes; et les techniciens, qui durent recalculer le taux d’évacuation des fumées, en fonction de la taille et du diamètre des cheminées, leur hauteur fut définitivement fixée à 40 mètres.

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Peenemünde Kraftwerk – (Crédit photo : München, Deutsches Museum, Archiv 1943)
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Façade sud de la centrale thermique de Peenemünde. (Crédit photo : München Deutsches Museum, Archiv 1943)

Au sortir de la guerre, Peenemünde étant dans la zone d’occupation soviétique, ces derniers ont récupéré une partie des éléments les plus sensibles de la centrale, (turbine, alternateur, transformateur, condenseur, etc.) pour les envoyer en Union Soviétique.

L’autre moitié fut conservée, et la centrale thermique fonctionnera encore jusqu’à la fin des années 80.

C’est ce démantèlement partiel qui explique la destruction des trois cheminées devenues inutiles.

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Plan des deux centrales électriques prévues à l’origine. (Crédit photo : Siemens-Bauleitung  1939)

Walter Thiel, un destin brisé

Parmi les 735 victimes du raid allié sur Peenemünde dans la nuit du 17 au 18 août 1943, principalement des travailleurs forcés polonais et russes, on décompte 178 techniciens allemands dont deux hauts responsables, Walter Thiel et Erich Walther.

Le Dr Walter Thiel en charge de la propulsion et directeur adjoint du centre de recherche, le bras droit de Wernher von Braun.

Et le Dr Erich Walther responsable du développement à l’usine de production.

Quelques uns des membres les plus éminents de la Rocket Team, une trentaine, résidaient dans un lotissement flambant neuf de Karlshagen, Karlshagen Siedlung, dont les maisons les plus confortables se situaient sur la Hindenburgstraße.

Walter Thiel habitait au numéro 56, avec sa femme Martha (Elfriede Martha née Strohwald le 4 décembre 1911) qu’il avait épousée à Berlin le 1er octobre 1935, sa fille Sigrid née le 14 mars 1936 (7 ans), et son fils Siegfried, né le 5 septembre 1941 (2 ans).

Ils avaient comme voisins Klaus Riedel et sa famille, qui résidaient au 54. Klaus Riedel qui se tuera dans un accident de voiture un an plus tard, le 4 août 1944, deux jours après son 37ème anniversaire.

Thiel and children
Une superbe photo de Walter Thiel et ses deux enfants, Sigrid 6 ans et Siegfried 1 an, devant leur maison de la rue Hindenburg durant l’été 1942.  Crédit : Archives de la famille Thiel (http://www.walterthiel.de/)
Thiel and Family summer 1942
La famille de Walter Thiel, durant l’été 1942, de retour de la plage de Karlshagen. (De d. à g.) Walter, Siegfried, Martha et Sigrid. La dame de gauche n’a pas été identifiée. Crédit : Archives de la famille Thiel (http://www.walterthiel.de/)

Lorsque se font entendre les premières déflagrations Klaus Riedel exhorte son voisin de se réfugier dans l’abri qui se trouve en face de la maison avec sa famille, hélas une bombe tombe directement sur la tranchée-abri, tuant ses occupants.

Des historiens dont Michael J. Neufeld affirment que la maison des Thiel ne fut que légèrement touchée alors que Karen Thiel présente une photo de la maison de son grand-oncle presque entièrement détruite, donc même si Walter Thiel était resté chez lui, l’issue aurait certainement été tout aussi tragique.

Thiel House
La maison des Thiel presque entièrement détruite, photo prise côté jardin. Crédit : Archives de la famille Thiel (http://www.walterthiel.de/)
Thiel grave
La sépulture originale de Walter Thiel et sa famille au Ehrenfriedhof (Cimetière d’Honneur) de Karlshagen. On notera que les prénoms de son épouse et de ses enfants sont mal orthographiés :  Dr. Ing. Walter Thiel  und  frau Marta geb. Strohwald sowie kinder Siegrid und Siegfrid.  Depuis, des dalles individuelles gravées (sans fautes) ont remplacé la stèle en forme de croix.    Crédit : Archives de la famille Thiel (http://www.walterthiel.de/)
 

Les méthodes expérimentales du Dr Hermann Kurzweg

Hermann Kurzweg

Le Dr Hermann Kurzweg (1908- 29 juin 2000), aérodynamicien de l’Université de Leipzig, dût faire preuve d’imagination et utiliser les moyens du bord pour ses tests aérodynamiques.

Avant qu’il ne disposât en 1939, à Peenemünde, de la première soufflerie supersonique du monde, d’une taille de 40cm x 40cm, qui permettait d’atteindre la vitesse de Mach 4,4.  

C’est ainsi que pour certaines études aérodynamiques, notamment pour déterminer la taille idéale des ailerons stabilisateurs, il confectionna une maquette en bois de pin de la fusée expérimentale A3, ainsi que trois jeux d’ailerons de tailles différentes.

Il testa les ailerons à tour de rôle, en tractant la maquette reliée par un filin à sa voiture, sur l’autoroute, à plus de 100 km/h.

Après plusieurs tests il fut en mesure de déterminer la forme et la taille adéquate de l’empennage !