Du 5 au 7 février 1969, Frank Borman, le commandant de la mission Apollo 8, est à Paris en compagnie de sa femme Susan et de ses deux fils, Frederick 17 ans, et Edwin 15 ans. La famille Borman effectue une visite de 8 pays européens, ainsi que du Vatican, du 2 au 21 février 1969, à la demande du Président des Etats-Unis, Richard Nixon (1913-1994), qui doit lui-même se rendre en Europe à partir du 23 février…
L’itinéraire des Borman : Londres, du 2 au 5 février ; Paris, du 5 au 7 ; Bruxelles, du 7 au 10 ; La Haye, du 10 au 11 ; Bonn, du 11 au 12 ; Berlin, du 12 au 13 ; Rome et l’État de la Cité du Vatican du 13 au 17 (le pape Paul VI reçoit la famille Borman le 15 février) ; Madrid, du 17 au 19 ; Lisbonne, du 19 au 21.
L’objectif de cette tournée européenne est de démontrer que : « Les Etats-Unis ne considèrent pas les grandes nouvelles découvertes dans l’espace comme un monopole et veulent partager les nouvelles connaissances acquises, que les Etats-Unis reconnaissent les contributions déterminantes que d’autres pays ont effectué et effectueront encore ; que les Etats-Unis souhaitent coopérer avec tous les peuples de la Terre pour explorer l’espace. »
Le mercredi 5 février au matin Frank Borman et sa famille, dans le Boeing 707 de la Maison-Blanche « Air Force Two », en provenance de Londres, atterrissent à l’aéroport d’Orly.
Ils sont accueillis par l’ambassadeur des Etats-Unis, Sargent Shriver (1915-2011) qui est le beau-frère du président John Kennedy assassiné le 22 novembre 1963 à Dallas.
Ils sont reçus à l’Hôtel de Ville par le Président du conseil de Paris, Bernard Rocher (1920-2016), qui offre notamment à Frederick Borman un exemplaire de « De la Terre à la Lune »…
Ils déjeunent ensuite avec le Ministre délégué chargé de la recherche scientifique et des questions atomiques et spatiales, Robert Galley (1921-2012), puis Frank Borman tient une conférence de presse avec la projection d’un film sur la mission Apollo 8…
Le soir même les Borman dînent avec Sargent Shriver dans un restaurant du premier étage de la Tour Eiffel…A ce moment-là le restaurant Le Jules Verne n’existait pas encore, puisque ce n’est qu’en 1983, 14 ans plus tard, que le prestigieux établissement du deuxième étage de la Tour Eiffel, à 125 mètres de hauteur, ouvre ses portes.
Comme à Youri Gagarine en 1965, Matra souhaite offrir une voiture de sport, Djet, à Frank Borman, qui décline l’offre, au grand désespoir de ses deux fils.
Le jeudi 6 février Frank Borman rencontre seul le général de Gaulle (1890-1970) à l’Elysée. (22 jours plus tard c’est Richard Nixon qui sera reçu en ce même palais.) Charles de Gaulle qui sera le seul chef d’Etat à ne pas recevoir la femme de l’astronaute.
Il se rendra également à Brétigny-sur-Orge, pour une visite des installations techniques du CNES…
Si pour Frank Borman la rencontre la plus marquante de ce tour d’Europe de l’Ouest est son entrevue avec le président de la république française (il le précise sans équivoque dans son autobiographie Countdown parue en 1988), la plus symbolique, la plus émouvante, est très certainement celle qu’il effectue le 5 février en fin d’après-midi dans le salon d’honneur de l’hôtel de Crillon, où la famille Borman séjourne.
En effet, il fait la connaissance du petit fils de Jules Verne, Jean-Jacques dit Jean Jules Verne (1892-1980).
Au cours d’une cérémonie en présence de la presse, ce dernier reçoit des mains de Frank Borman, l’un des trois Hommes n’ayant alors jamais fait le voyage extraordinaire de la Terre à la Lune, un cadre en verre dans lequel figure à gauche, un dessin extrait du livre de son grand-père illustrant le retour du wagon-projectile dans l’océan Pacifique, au centre un texte signé par Frank Borman, sur papier à entête de la NASA, et à droite une photo de la récupération dans ce même océan Pacifique du module de commande Apollo 8. Lorsque la fiction devient réalité…
Dire que l’équipage d’Apollo 8 avait voulu appeler son vaisseau spatial Columbiad ! (Depuis la mission Gemini 3 – Virgil Grissom avait surnommé son vaisseau spatial Molly Brown – la NASA avait interdit l’utilisation d’indicatifs personnalisés. A compter d’Apollo 9 l’interdiction fut levée, puisqu’il y avait deux vaisseaux spatiaux qu’il fallait différencier ; le module lunaire et le module de commande.)
(Jean Jules Verne avait notamment rencontré Alexeï Leonov, le premier « piéton » de l’espace, le 12 avril 1966 lors de l’exposition Jules Verne pour commémorer le centenaire du roman « De la Terre à la Lune ».)
Anecdote dans l’anecdote : La famille Borman quitte Paris le 7 février au matin à destination de Bruxelles qu’ils rejoignent à 10 h 00. Ils y rencontreront George Remi dit Hergé (1907-1983) l’auteur de « Objectif Lune » (1953) et « On a marché sur la Lune » (1954) les 16e et 17e aventures de la série… C’est en lisant « L’Astronautique » d’Alexandre Ananoff (1910-1992) que lui est venu l’idée d’envoyer Tintin sur la Lune… Photo ci-dessous : Hergé offre les deux albums à Frank Borman dans leur traduction en anglais ; « Destination Moon » et « Explorers on the Moon ». (Traduits en 1959).