Le 23 mars 1933, jour du 21ème anniversaire de Wernher von Braun, le chancelier du Reich Adolf Hitler, dépose devant le Reichstag, l’équivalent français de l’Assemblée Nationale, convoqué en session extraordinaire, sa « proposition » de loi, en 5 articles.
Cette dernière vise au « soulagement de la détresse du peuple et de l’État » (Gesetz zur Behebung der Not von Volk und Reich). Dite loi des pleins pouvoirs, elle lui donnera le droit légal de gouverner par décret, autrement dit, de promulguer des lois sans en référer au Reichstag.
C’est la deuxième et dernière étape* législative dans l’élimination « légale » de la démocratie, en supprimant la séparation des pouvoirs.
Hitler défendra sa loi pendant environ deux heures et demie, un discours qu’il ne fera pas en civil mais en « chemise brune »… Les issues et abords du bâtiment sont « protégés » par des sections de la SA et de la SS.
La loi sera adoptée avec 81% des voix, plus que les deux tiers nécessaires pour modifier la constitution de la république de Weimar qui de facto n’existe plus. Ainsi disparaît le tout premier régime démocratique de l’Allemagne, après 14 ans d’une existence mouvementée ponctuée de nombreuses vicissitudes et turpitudes.
Paradoxalement, Hitler, ce génie politique dont la principale force motrice est la haine, est désormais le maître absolu d’une société réputée pour son ordre et son intellect, un des peuples les plus cultivés et les plus développés du monde.
Par une de ces ironies, l’acte final du drame, qui a permis à Hitler de détenir seul tous les pouvoirs, s’est joué au sein d’un opéra, l’opéra Kroll, où siège désormais le Reichstag. En effet, après l’incendie criminel qui a ravagé le palais** « appartenant au peuple allemand » (Dem Deutschen Volke) dans la nuit du 27 au 28 février 1933, le Reichstag a pris ses quartiers, juste en face, toujours sur la Königsplatz (actuellement Platz der Republik), dans les locaux de l’opéra Kroll.
Il se trouve que cet événement capital, qui fera la une de tous les grands quotidiens du monde, coïncide avec le 21ème anniversaire de Wernher von Braun, qui est électoralement majeur depuis 1932.
En 1919, la constitution de la République de Weimar instaurait le suffrage universel, y compris pour les femmes, et fixait la majorité électorale à 20 ans.
Il n’existe malheureusement aucun témoignage relatant ce que Wernher von Braun a fait ce jour là !
On notera qu’à peine quatre ans plus tard, alors qu’il n’a que 25 ans, Wernher von Braun sera nommé directeur technique de la partie Est, de ce qui deviendra le plus moderne des centres de recherche du monde.
Le centre de recherche de l’armée de terre de Peenemünde, (Die Heeresversuchsanstalt Peenemünde) n’aurait pas pu voir le jour, hors du cadre bien particulier du Troisième Reich, lequel a débloqué des crédits colossaux pour le développement de nouvelles armes, notamment la A4, premier missile balistique de l’Histoire.
Les recherches effectuées par l’équipe de Wernher von Braun à Peenemünde, les millions de Reichsmarks investis, qui auraient permis de produire des armes conventionnelles, le niveau d’équipement de l’armée allemande n’ayant cessé de décroître au fil de la guerre, ne serviront pas, en définitive, à l’Allemagne… Ce sont les puissances victorieuses qui en récolteront tous les bénéfices à la fin de la guerre.
* Hitler est nommé au poste de chancelier du Reich à 44 ans, le 30 janvier 1933, par un Président Paul von Hindenburg, âgé de 86 ans et valétudinaire… Très réticent n’avait-il pas déclaré : « Messieurs, j’espère que vous ne me rendez pas responsable de devoir nommer ce caporal bohémien chancelier du Reich ! »
** L’incendie fort à propos du Reichstag, par un étudiant néerlandais d’obédience communiste, Marinus van der Lubbe, qui fait partie soit disant, d’un vaste complot communiste visant à prendre le pouvoir, a servi de prétexte à la promulgation, dès le 28 février, d’une première loi : le « décret du président du Reich pour la protection du peuple et de l’État » (Verordnung des Reichspräsidenten zum Schutz von Volk und Staat) qui annule l’essentiel des libertés civiles fondamentales ainsi que l’habeas corpus***, ce qui permet aux nazis de se débarrasser de leurs opposants les plus tenaces, les communistes du KPD (Kommunistische Partei Deutschlands) dont 81 siègent au Reichstag et qui auraient pu contrecarrer les plans d’Hitler en empêchant l’adoption de la loi des pleins pouvoirs qu’il présentera le 23 mars. Hitler ayant toujours voulu mettre un « point d’honneur » à prendre le pouvoir en toute légalité (…)
*** Habeas corpus : règle de droit qui garantit à une personne arrêtée une présentation rapide devant un juge afin qu’il statue sur la validité de son arrestation. Généralement, le délai est de quelques jours ou de quelques heures. En latin, cela signifie que tu aies ton corps (… pour être devant le juge). La règle de l’Habeas corpus a pour fondement que, même détenue, une personne n’est pas sans droit. En fonction de cette règle, un prisonnier doit être relâché s’il est détenu sans raison valable aux yeux de l’autorité judiciaire, laquelle doit être placée dans une relative indépendance par rapport aux pouvoirs législatif et exécutif.