Les nouvelles recrues, ne devaient en aucun cas révéler à leur famille et amis qu’ils faisaient partie du corps des cosmonautes. Ils l’apprendraient après leur premier vol dans l’espace.
Ainsi Vladimir Shatalov (1927-), qui a effectué trois mission spatiales, Soyouz 4, Soyouz 8, et Soyouz 10, se souvient qu’en mars 1962, il dut s’absenter un mois entier et se rendre à Moscou pour subir les divers tests médicaux et évaluations, pour sa sélection comme cosmonaute. Il a pour interdiction formelle d’en aviser qui que ce soit. A ce moment-là, sa mère vit avec lui et son épouse à Odessa.
A l’issue des examens, il récupère son uniforme de lieutenant-colonel dans le placard où il l’avait accroché à son arrivée au centre, puisque tout au long de son séjour il était resté en survêtement, ou en blouse d’hôpital, et rentre chez lui pour attendre le coup de fil fatidique.
A son retour sa mère ne manque pas de lui demander des explications quant à son absence prolongée, sans même un coup de fil ou une lettre.
Vladimir Shatalov invente une histoire mais sa mère n’est pas dupe : « Balivernes, je sais comment je lave et repasse tes affaires, tu n’en as porté aucunes. »
Il prétend alors un malaise et un séjour à l’hôpital pour passer des examens et se soigner, mais ne révele toujours pas son secret.
Le vendredi 12 avril 1963 les cosmonautes assistent à un concert dans le cadre de la Journée de la Cosmonautique, or ce-dernier est retransmis à la télévision, et à un moment, une caméra se retourne sur un groupe de cosmonautes (à cette date quatre soviétiques sont déjà allés dans l’espace et sont bien sûr connus dans tout le pays, le monde entier !) dans lequel se trouve Vladimir Shatalov.
Lorsque Shatalov rentre à la maison son épouse l’interroge aussitôt : « Que faisais-tu là, à ce concert, assis à côté des cosmonautes ? ». Il invente donc à nouveau une histoire à dormir debout ; comme quoi il était à Moscou, a acheté un billet pour aller au concert, et, par le plus grand des hasards, s’est retrouvé placé à côté des cosmonautes. Elle ne le croit pas une seule seconde !
« Bon d’accord » finit-il par lui avouer « mais ne le dis à personne. »
« Cela se passait ainsi en ces temps-là ! »
Cette manie du secret a empêché bon nombre de cosmonautes de partager leur joie et leur fierté avec leurs proches. Certains ont bien évidemment contrevenu à l’ordre donné, et ont écopé d’un avertissement lorsque cela s’est su !