Hasards et coïncidences

Au début du programme Gemini, Virgil « Gus » Grissom avait fait cette déclaration prémonitoire à sa femme : « Si un jour il y a un accident grave dans le programme, ce sera probablement moi ! »

Quelques semaines avant sa mort, lors d’une conférence de presse il a déclaré : « Si nous mourrons, nous voulons que les gens l’acceptent. Nous faisons un métier dangereux… » (« If we die we want people to accept it. We are in a risky business ! »)

Alan Shepard, le premier américain dans l’espace, était de facto le numéro un sur la liste des affectations.

Il aurait dû commander la première mission Gemini, mais ayant été interdit de vol en raison d’un syndrome de Ménière, c’est Grissom, le deuxième américain dans l’espace qui a pris sa place et est devenu « numéro un ».

Nul doute, que si Shepard était resté dans les rotations de vol, il aurait commandé Apollo 1, son affection à l’oreille interne lui a très certainement sauvé la vie !

Le dernier vol Mercury pour Alan Shepard

John Glenn qui était le favori du public et des médias a très mal accepté qu’ Alan Shepard soit le premier…
Il prendra sa revanche en étant le premier américain en orbite autour de la Terre…
Du coup Alan Shepard, lui aussi, a tout essayé pour faire un vol orbital y compris en tentant de prendre la place de Gordon Cooper après son passage bas au-dessus du pas de tir, dont le franc-parler et l’attitude désinvolte déplaisait en haut lieu…
Il a fait des pieds et des mains pour faire un dernier vol de 3 jours, après les 22 orbites de Cooper, la mission qui fût un temps envisagée a finalement été annulée.
Le monde des pilotes de chasse est ultra compétitif, chacun veut prouver qu’il est le meilleur, rien d’étonnant à ce qu’il y ait eu des heurts entre les astronautes, mais la NASA a toujours été très claire, aucune dissension doit transparaître devant le public, tout doit rester « en famille ».

Alan Shepard et le Dr House

Au printemps 1968 la condition physique d’Alan Shepard se dégrade. Diagnostiqué avec  un syndrome de Ménière depuis début 1964, il est de plus en plus fréquemment sujet à des vertiges, à de violentes nausées, et est pratiquement sourd de l’oreille gauche.

L’astronaute Thomas Stafford a entendu parler d’un oto-rhino-laryngologiste de San Francisco, le Dr William House, qui a mis au point une technique expérimentale, il en parle à Shepard.

Il s’agit d’une technique consistant à implanter un minuscule tube en silicone dans l’oreille interne, afin de drainer l’excès de liquide dans le canal semi-circulaire, à travers l’os mastoïde, jusqu’au sommet de la colonne vertébrale.

Alan Shepard va donc voir le spécialiste. William House ne manque pas de le prévenir qu’il faudra un certain temps, environ six mois, avant de savoir si l’opération est un succès. Il ne lui donne par ailleurs aucune garantie de réussite. Shepard n’ayant plus rien à perdre…

Au cours de l’été 1968, il entre à l’hôpital Saint Vincent, sous le pseudonyme de Viktor Poulos, un nom choisi par l’infirmière d’origine grecque en charge des admissions.

Le Dr William House en 1971
Pari gagné, le 7  mai 1969, Alan Shepard réintègre les rotations de vol, et peu après, se nomme lui même, avec l’aval de Deke Slayton, commandant de la mission Apollo 13… (Apollo 13 qui à l’origine avait échu à Gordon Cooper, mais ça c’est une autre histoire…)