Un gros gâteau en l’honneur des astronautes d’Apollo 8

Pour respecter une coutume qui remonte aux premières missions spatiales habitées, les spécialistes culinaires (Culinary Specialist – CS) de la boulangerie-pâtisserie du porte-avions USS Yorktown, le navire de récupération principal, ont préparé un gâteau en l’honneur du retour sur Terre des astronautes d’Apollo 8, Frank Borman, James Lovell et William Anders.

La gâteau sera dégusté lors de la « splashdown party » qui va se dérouler le soir même du 27 décembre 1968, dans le hangar du porte-avions.

Le gâteau de 213 cm de long (7 pieds) et 91,5 cm de large (3 pieds) pèse 245 kg, il est le résultat de la superposition, juxtaposition, de 60 petits gâteaux…

C’est Marlin Buirge qui a imaginé cette œuvre, comme un livre d’Histoire ouvert… La toute première fois que des Hommes ont volé autour de la Lune…

Moitié chocolat, moitié chocolat blanc, le gâteau pèse en réalité 205 kg, mais il est recouvert de 40 kg de glaçage. (Composé notamment de 5 kg de matière grasse végétale hydrogénée, 8 kg de beurre, 26 kg de sucre en poudre, 9 cuillerées à café de vanille pure…)

Le gâteau est décoré (inscriptions, drapeaux américains…) par Steven Greisteit et Clifton Calhoun.

De g. à d. Clifton Calhoun, Marlin Buirge, Steven Greistheit.
Sur le livre ouvert on peut lire à gauche : First Manned Lunar Mission (Première mission lunaire habitée) et à droite : Yorktown Recovers Apollo Eight (Yorktown récupère Apollo Huit) juste dessous la date, 27 décember 1968. Crédit :https://www.navysite.de/cruisebooks/cv10-68/020.htm

Pour confectionner le gâteau lui-même il a fallu par exemple la bagatelle de 58 kg de farine, 26 kg de sucre, 10 kg de matière grasse végétale hydrogénée, 15 litres d’huile, 23 litres de lait, 264 œufs, 3 litres de vinaigre. 

Les 60 parties qui constituent le gâteau ont été cuites le jour de Noël par Samuel Clements.

La réflexion sur la forme du gâteau a commencé début décembre, mais son apparence définitive n’a été arrêtée que le 18 décembre, jour où la flotte de récupération a appareillé pour se rendre sur la zone d’amerrissage. Compte tenu de sa taille et de son poids, l’assemblage et la décoration du gâteau ont été réalisés à proximité d’un monte-charge, destiné normalement à acheminer bombes et missiles dans le hangar principal, où aura lieu la cérémonie en l’honneur des trois astronautes.

Tout le personnel du porte-avions (1 650) surnommé la « Fighting Lady » (littéralement la « Dame Combattante »), y compris la presse et les équipes de radio et télévision, a été convié à la dégustation du gâteau…  La découpe au sabre a commencé à 19 h 30, à 22 h 00 il ne reste plus rien des 245 kg de gâteau…

Frank Borman tenant le sabre qui servira aux astronautes à couper le gâteau.

Si l’on ajoute les journalistes et techniciens au personnel du porte-avions, ainsi que les membres de la NASA, et si tout le monde a bien eu un morceau du gâteau, chaque part devait faire environ 140 grammes…

Frank Borman, lorsque le petit-fils de Jules Verne rencontre un homme ayant fait le voyage de la Terre à la Lune.

Du 5 au 7 février 1969, Frank Borman, le commandant de la mission Apollo 8, est à Paris en compagnie de sa femme Susan et de ses deux fils, Frederick 17 ans, et Edwin 15 ans. La famille Borman effectue une visite de 8 pays européens, ainsi que du Vatican, du 2 au 21 février 1969, à la demande du Président des Etats-Unis, Richard Nixon (1913-1994), qui doit lui-même se rendre en Europe à partir du 23 février…

L’itinéraire des Borman :  Londres, du 2 au 5 février ; Paris, du 5 au 7 ; Bruxelles, du 7 au 10 ; La Haye, du 10 au 11 ; Bonn, du 11 au 12 ; Berlin, du 12 au 13 ; Rome et l’État de la Cité du Vatican du 13 au 17 (le pape Paul VI reçoit la famille Borman le 15 février) ; Madrid, du 17 au 19 ; Lisbonne, du 19 au 21.

L’objectif de cette tournée européenne est de démontrer que : « Les Etats-Unis ne considèrent pas les grandes nouvelles découvertes dans l’espace comme un monopole et veulent partager les nouvelles connaissances acquises, que les Etats-Unis reconnaissent les contributions déterminantes que d’autres pays ont effectué et effectueront encore ; que les Etats-Unis souhaitent coopérer avec tous les peuples de la Terre pour explorer l’espace. »

Le mercredi 5 février au matin Frank Borman et sa famille, dans le Boeing 707 de la Maison-Blanche « Air Force Two », en provenance de Londres, atterrissent à l’aéroport d’Orly.

Frederick, Susan, Edwin et Frank Borman . Orly, le 5 février 1969.

Ils sont accueillis par l’ambassadeur des Etats-Unis, Sargent Shriver (1915-2011) qui est le beau-frère du président John Kennedy assassiné le 22 novembre 1963 à Dallas.

Ils sont reçus à l’Hôtel de Ville par le Président du conseil de Paris, Bernard Rocher (1920-2016), qui offre notamment à Frederick Borman un exemplaire de « De la Terre à la Lune »…

Bernard Rocher offre « De la Terre à la Lune » à Frederick Borman. 

Ils déjeunent ensuite avec le Ministre délégué chargé de la recherche scientifique et des questions atomiques et spatiales, Robert Galley (1921-2012), puis Frank Borman tient une conférence de presse avec la projection d’un film sur la mission Apollo 8…

Le soir même les Borman dînent avec Sargent Shriver dans un restaurant du premier étage de la Tour Eiffel…A ce moment-là le restaurant Le Jules Verne n’existait pas encore, puisque ce n’est qu’en 1983, 14 ans plus tard, que le prestigieux établissement du deuxième étage de la Tour Eiffel, à 125 mètres de hauteur, ouvre ses portes.

Comme à Youri Gagarine en 1965, Matra souhaite offrir une voiture de sport, Djet, à Frank Borman, qui décline l’offre, au grand désespoir de ses deux fils.

Le jeudi 6 février Frank Borman rencontre seul le général de Gaulle (1890-1970) à l’Elysée. (22 jours plus tard c’est Richard Nixon qui sera reçu en ce même palais.) Charles de Gaulle qui sera le seul chef d’Etat à ne pas recevoir la femme de l’astronaute.

De g. à d. Frank Borman, Charles de Gaulle, Sargent Shriver.

Il se rendra également à Brétigny-sur-Orge, pour une visite des installations techniques du CNES…

Visite de la station de contrôle de Brétigny-sur-Orge le 6 fevrier 1969. De gauche a droite: Sargent Shriver, ambassadeur des Etats-Unis en France, Jean-Bernard Dementhon, Michel Bignier, Frank Borman, Jean-Pierre Causse et Louis Laidet. 

Si pour Frank Borman la rencontre la plus marquante de ce tour d’Europe de l’Ouest est son entrevue avec le président de la république française (il le précise sans équivoque dans son autobiographie Countdown parue en 1988), la plus symbolique, la plus émouvante, est très certainement celle qu’il effectue le 5 février en fin d’après-midi dans le salon d’honneur de l’hôtel de Crillon, où la famille Borman séjourne.

En effet, il fait la connaissance du petit fils de Jules Verne, Jean-Jacques dit Jean Jules Verne (1892-1980).

Au cours d’une cérémonie en présence de la presse, ce dernier reçoit des mains de Frank Borman, l’un des trois Hommes n’ayant alors jamais fait le voyage extraordinaire de la Terre à la Lune, un cadre en verre dans lequel figure à gauche, un dessin extrait du livre de son grand-père illustrant le retour du wagon-projectile dans l’océan Pacifique, au centre un texte signé par Frank Borman, sur papier à entête de la NASA, et à droite une photo de la récupération dans ce même océan Pacifique du module de commande Apollo 8. Lorsque la fiction devient réalité

Dire que l’équipage d’Apollo 8 avait voulu appeler son vaisseau spatial Columbiad ! (Depuis la mission Gemini 3 – Virgil Grissom avait surnommé son vaisseau spatial Molly Brown – la NASA avait interdit l’utilisation d’indicatifs personnalisés. A compter d’Apollo 9 l’interdiction fut levée, puisqu’il y avait deux vaisseaux spatiaux qu’il fallait différencier ; le module lunaire et le module de commande.)

(Jean Jules Verne avait notamment rencontré Alexeï Leonov, le premier « piéton » de l’espace, le 12 avril 1966 lors de l’exposition Jules Verne pour commémorer le centenaire du roman « De la Terre à la Lune ».)

Frank Borman avec entre les mains « De la Terre à la Lune ».
Frank Borman détaillant le contenu du cadre à Jean Jules Verne.
Tenant le cadre, Jean Jules Verne et Frank Borman. Entre les deux, l’épouse de M.Verne, Andrée Marie née Daste.
Gros plan du dessin figurant à gauche du cadre… Le retour du wagon-projectile imaginé par Jules Verne avec le navire de récupération, le USS Susquehanna, qui a réellement existé.
Gros plan de la photo figurant à droite du cadre… La récupération du vaisseau spatial Apollo 8 par le porte-avions USS Yorktown (CVS 10) dont on distingue la proue et l’îlot… Au premier plan deux nageurs de combat de l’unité d’élite UDT 12 (Underwater Demolition Team).

A noter : le USS Susquehanna porte le nom de la rivière Susquehanna qui se jette dans la baie de Chesapeake… Le USS Yorktown tient son nom de la bataille de Yorktown une ville de Virginie située à l’entrée de la baie de Chesapeake…
Jean Verne l’arrière petit-fils de Jules Verne devant le cadre offert par Frank Borman , le commandant de la mission lunaire Apollo 8, à son père. Il a fait don de cette pièce au musée Jules Verne de Nantes. – Crédit photo : F.Brenon/20Minutes

Anecdote dans l’anecdote : La famille Borman quitte Paris le 7 février au matin à destination de Bruxelles qu’ils rejoignent à 10 h 00. Ils y rencontreront George Remi dit Hergé (1907-1983) l’auteur de « Objectif Lune » (1953) et « On a marché sur la Lune » (1954) les 16et 17e aventures de la série… C’est en lisant « L’Astronautique » d’Alexandre Ananoff (1910-1992) que lui est venu l’idée d’envoyer Tintin sur la Lune… Photo ci-dessous : Hergé offre les deux albums à Frank Borman dans leur traduction en anglais ; « Destination Moon » et « Explorers on the Moon ». (Traduits en 1959).

Frank Borman et Hergé

Frank Borman, l’étoffe d’un politicien

Lorsque les astronautes d’Apollo 8 ont effectué leur vol, le président Lyndon B. Johnson (1908-1973), natif du Texas, était président des Etats-Unis, ainsi lorsque l’astronaute Frank Borman lui décrit à quoi ressemble la surface de la Lune, il la compare au désert paumé de Mojave en Californie.

Quelques semaines plus tard, après l’investiture de Richard Nixon (1913-1994), originaire de Californie, Borman lance en plaisantant : « Bon, maintenant je peux le dire, cela me rappelait beaucoup plus l’Ouest du Texas ! ».