Mais où est donc passée l’alliance de Ken Mattingly ?

Pour d’évidentes questions de salubrité et de sécurité, chaque fois que Kenneth Mattingly se servait d’un sac en plastique de confinement des matières fécales, il enlevait son alliance.

Ce n’est pas très romantique mais ce sont dans ces circonstances particulières, qu’au deuxième jour de la mission, il égara le précieux anneau.

Les astronautes entreprirent des recherches mais en vain. Elle est forcément dans le module de commande, on finira bien par mettre la main dessus. Comme toujours au moment où l’on s’y attendra le moins !

Une semaine plus tard, le 25 avril 1972 les astronautes sont sur le chemin du retour. Ils sont à quelque 67 000 kilomètres de la Lune et à 320 000 km de la Terre.

Il est temps de dépressuriser le module de commande, afin que Ken Mattingly et Charlie Duke puissent effectuer une sortie dans l’espace, pour récupérer des pellicules et réaliser diverses expériences scientifiques dont une expérience de microbiologie, « Microbial Ecology Evaluation Device (MEED) »

Ce sera la plus longue des trois « Deep Space EVA » du programme Apollo : 1 heure et 24 minutes.

Pour réaliser cette sortie, Mattingly, a, comme prévu, emprunté le « casque » (LEVA : lunar extravehicular visor assembly) de son commandant John Young. Le LEVA comprend notamment une visière recouverte d’une couche d’or fin qui  protège les yeux de l’intense rayonnement solaire.

Il ouvre l’écoutille et sort en premier. A l’aide des poignées disposées sur le  module de service il progresse  le long de la « SIM bay » (Scientific Instrument Module) dans laquelle, comme son nom l’indique, sont entreposés différents instruments et expériences scientifiques.

Duke sort à son tour et sécurise ses pieds au niveau de l’écoutille, son rôle est de surveiller le cordon ombilical d’environ 7 mètres de long qui permet à son coéquipier de respirer et communiquer, et fait office de filin de sécurité. C’est la procédure normale. Tout d’abord Mattingly  récupère des magasins, contenant les pellicules des caméras panoramiques et de cartographie, qui « pèsent » plus de 30 kg, qu’il passe à Duke pour les entreposer dans de CM.

Le spectacle est absolument grandiose, avec cette Lune gigantesque et cette Terre minuscule.

Alors qu’il observe Ken Mattingly, Charlie Duke est gêné par un reflet doré intermittent dans le coin de son œil gauche, intrigué il se retourne et stupéfait, aperçoit l’alliance de son co-équipier, tournoyant sur elle même, sur le point de s’échapper dans l’espace.

Cette fois elle va être perdue pour de bon  «  Il faut que je l’attrape » se dit Duke en tendant la main pour s’en saisir. Mal positionné il n’y parvient pas. L’anneau nuptial continue sa course, désormais hors de sa portée.

Tant pis, adieu belle alliance ! L’image de cette bague de mariage, chatoyante et étincelante sur fond de ciel noir, est de toute beauté.

L’anneau continu sa trajectoire rectiligne uniforme dans la direction de Ken Mattingly, qui n’a absolument pas conscience de ce qui se trame dans son dos, trop occupé à mettre en place une importante expérience, et qui de surcroît est en communication avec Houston. Il n’est pas question de l’interrompre !

Lorsque l’anneau vient taper sur le bas du casque, Duke se dit qu’elle va ricocher et se perdre à jamais dans l’océan cosmique.  Au lieu de cela l’improbable se produit, la bague revient droit sur lui. Duke n’en croit pas ses yeux ! Lorsqu’elle arrive à sa portée il n’a plus qu’à la saisir au vol… A ce moment là, le vaisseau spatial file vers la Terre à quelque 8 000 km/h !

A leur retour dans le vaisseau spatial, Duke ouvre son gant et avec un large sourire dit :

 » Ken j’ai quelque chose pour toi ! « 

Ken Mattingly, exulte, il a retrouvé son précieux. Il a eu une chance inouïe, car la probabilité qu’un anneau en rotation sur lui même rebondisse sur un objet convexe et reprenne une trajectoire à 180 degrés est extrêmement faible.

Voilà une excellente nouvelle… Qu’aurait-il bien pu dire à sa femme Elizabeth, enceinte de huit mois, qui attend leur premier enfant ? *

Duke et Mattingly Apollo 16 EVA
Duke et Mattingly portant le LEVA de John Young (bande rouge du commandant)    –    Cliché pris par une camera Maurer 16 mm DAC  (Data Acquisition Camera)

* Thomas Kenneth Mattingly III naîtra le jeudi 18 mai 1972. Il sera le seul enfant du couple, qui finira par divorcer ! Le lot de bon nombre d’astronautes.

La SIM bay DU SM d'Apollo 17
Une vue de la SIM bay du SM d’Apollo 17

Une sacrée bonne nouvelle pour John Young

John Young a appris l’adoption du budget pour le programme navette spatiale, alors qu’il était sur la Lune, juste avant son célèbre « leaping salute ».

CapCom Tony England : « C’est le moment de vous apprendre une bonne nouvelle… La Chambre des Représentants a voté le budget spatial hier, par 277 voix contre 60, budget qui inclut le programme Navette.
Young et Duke : “Magnifique, Super, Magnifique
Duke : “ Tony, je le dis à nouveau, en saluant, je suis fier d’être américain »
Young : “Le pays  a sacrément besoin de cette navette…

Neuf ans plus tard, l’immense John Young sera aux commandes de la première navette spatiale. L’inoubliable Columbia.

Le « Grand Prix » sur la Lune de John Young

Lors de la première sortie lunaire John Young décide de tester « un peu » le LRV, (Lunar Roving Vehicle, « jeep lunaire ») le poussant dans ses derniers retranchements, dérapages, virages serrés, accélérations, freinages…

Pendant cette démonstration, ce « Grand Prix », Charlie Duke spectateur admiratif et enthousiaste commente :

« Il n’y a que deux roues qui touchent le sol… Les quatre roues créent d’énormes gerbes de poussière…il dérape comme sur de la neige… Je vous assure, Indianapolis n’a jamais vu un pilote comme ça !”  Pause  « Lorsqu’il se prend un « nid de poule » (Duke emploie le mot « crater ») il rebondit…Il fait des virages serrés. Hé, quel arrêt ! Les roues se sont bloquées net»

124:57:16 Young: « Ok je fais du 10 kilomètres à l’heure »

John-Young-Grand-Prix Apollo 16
John Young LRV Test Apollo 16
Sur ce cliché, on aperçoit très distinctement les gerbes de poussières soulevées par les roues… Celles de devant ne touchent pas le sol !

John Young avait surnommé le Rover « Chitty Chitty Boeing Boeing ».

Clin d’oeil au livre pour enfant de Ian Fleming, publié en 1964 : « Chitty Chitty Bang Bang : The Magical Car« , et au film éponyme sorti en 1968.

La société Boeing est le contractant principal pour le conception du LRV.