Quelques semaines avant sa mort, Eberhard Rees et Ernst Stuhlinger viennent rendre visite à Wernher von Braun, dans sa chambre d’hôpital à Alexandrie en Virginie.
C’est la dernière fois qu’ils virent leur patron, et surtout, ami de quarante ans.
Son cancer l’a tellement affaibli, qu’il ne peut plus s’assoir seul dans son lit. Il parle doucement et avec difficulté, mais s’exprime parfaitement, son esprit est toujours aussi alerte. Avide de nouvelles, Wernher von Braun s’enquiert de l’avancement des projets en cours, au Marshall, puis il souhaite savoir où en est la navette spatiale.
A ce moment là, en 1977, Rees et Stuhlinger sont à la retraite, mais ont bien évidemment gardé des contacts avec leurs collègues qui travaillent toujours Marshall.
C’est avec difficulté qu’il leur tint ces propos, la douleur ne le quittait plus :
« Lorsque j’ai quitté la NASA en 1972, les gens du quartier général m’ont fait une belle fête de départ. Alors que nous étions là avec nos Martinis, George Low m’a pris à part et m’a dit : « Wernher, vous vous rappelez lorsque vous êtes venu du Marshall pour nous rejoindre ici au quartier général ? Lorsque vous avez appris nos plans grandioses pour la navette, vous avez été dubitatif et vous nous avez exhorté de faire quelque chose de plus petit et moins cher, afin que le projet ne soit pas abandonné en raison des coupes budgétaires. Nous n’avons pas du tout apprécié vos sermons et mises en garde, mais finalement nous vous avons écouté et construit une navette plus petite et moins chère. Aujourd’hui, laissez-moi vous remercier très sincèrement, au nom de nous tous ici à la NASA, pour ce que vous avez fait. Si vous n’aviez pas levé le drapeau rouge à ce moment-là, je suis certain que le projet navette spatiale n’aurait jamais vu le jour. Merci Wernher ! » »
« Ça », chuchote von Braun alors que des larmes emplissent ses yeux, « ce fut mon moment le plus heureux au quartier général ».